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10 juin 2011 5 10 /06 /juin /2011 19:40

 

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Auteur : TANIZAKI Junichiro

1ère édition : 1998

Editeur : Folio

Date de parution : Mars 2003

195 pages

Prix : 5,70€

 

 

La confession impudique est un curieux roman écrit sous forme de journal tenu par les protagonistes de l'histoire.

Un homme, agé de 56 ans, débute la nouvelle année qui s'annonce en débutant un jounal ou plutôt en décidant d'y confier désormais tous les faits qui touchent à sa vie conjuguale et sexuelle. Marié depuis 20 ans à Ikuko, 45 ans, cette dernière semble avoir des désirs insatiables concernant les plaisirs de la chair et son mari vieillissant peine désormais à lui apporter satisfaction.

Le mari, persuadé que sa femme n'ignore pas où il cache son journal et la soupçonnant de le lire en cachette, souhaite ainsi aborder les sujets tabous du sexe pour Ikuko, élevée dans une forte éducation traditionnelle où l'épouse se doit de rester à sa place et de rester extrêmement prude.


  " C'est la frustration de ne pouvoir parler directement avec elle de notre intimité qui m'a décidé à consigner tout cela. Désormais, je tiendrais ce journal comme pour m'adresser indirectement à elle, en supposant - que ce soit ou non le cas en réalité - qu'elle le lit en cachette. "

 

De son côté, Ikuko découvrant ta tenue du journal de son mari décide de faire de même, tout en affirmant haut et fort qu'elle ne lit pas le sien en cachette.

 

" (...) je me refuse catégoriquement à lire son journal. Je ne tiens pas à franchir les limites que je me suis imparties et à m'immiscer dans l'esprit de mon époux.  (...) Un être comme moi, qui ne se dévoile pas devant autrui, éprouve le besoin de se raconter au moins à soi-même. (...) La raison principale qui m'a poussée à tenir ce journal, c'est ce délicieux sentiment de supériorité que j'éprouve à connaître l'emplacement du sien tandis qu'il ignore même que j'en tiens un. "

 

Le lecteur va suivre ensuite la vie des 2 époux à travers le récit du quotidien que chacun en fait dans son journal. Ils ont une vie régulière et monotone. Ikuko trouve son mari repoussant et se refuse à tout impudeur à son égard alors que son mari lui reproche son manque de tendresse, de passion, de démonstration et d'inventivité pour les choses de l'amour.

Leur fille Tochiko est en âge de se marier et Kimura, un gendre potentiel leur rend de fréquentes visites qui se terminent le plus souvent en soirées fortement arrosées qui font perdre connaissance à Ikuko. Profitant de son inconscience, ce dernier va en user et abuser pour dénuder et photographier le corps toujours mystérieux de sa femme.

Mais le vieux professeur va finir par se rendre compte également que la jalousie provoquée par la présence de Kimura exacerbe ses désirs et lui permet de satisfaire sexuellement sa femme. Manoeuvrant d'autant plus pour pimenter sa vie conjuguale, le mari d'Ikuko va jouer avec le feu. 

 

"Depuis toujours, éprouver de la jalousie déclenche en moi des pulsions. C'est pourquoi en un certain sens ce sentiment est pour moi une nécessité et une jouissance. Ce soir-là, en me servant de la jalousie que je ressens envers Kimura, j'ai réussi à donner  du plaisir à ma femme. Il m'a donc fallu admettre que, désormais, notre couple ne saurait continuer à mener une vie sexuelle satisfaisante sans cet indispensable stimulant qu'est devenu Kimura. "

 

Utilisant chacun leur journal pour partager leurs sentiments sur les affaires sentimentales, chacun écrit en étant persuadé que l'autre le lit, tout en se refusant à admettre "officiellement" que c'est le cas, tout comme en déclarant ne pas lire l'autre (suis-je claire ? ^^).

Le lecteur qui découvre simultanément les propos du mari puis d'Ikuko voit se dresser un véritable dialogue entre les 2 époux et assiste à une sorte de jeu où chacun cherche à manipuler l'autre et à arriver à ses fins.

 

 

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Ce roman a été écrit en 1956 et loin, d'offrir les descriptions érotiques qu'on aurait pu attendre, il se révèle malgré tout assez pudique. Les choses du sexe sont évoquées à demi-mot et si l'on y trouve aucune mention un tant soit peu choquante pour notre époque, on peut aisément concevoir que ce roman ait pu choquer à celle de l'auteur.

On lira, par exemple que Madame est doté "d'un organe absolument exceptionnel" !

Les fantasmes sont stimulés par des éléments subtils mais néanmoisn érotiques : fétichisme du pied nu, blancheur d'un lobe d'oreille, baiser les aisselles ou les paupières closes.

 

Le sujet de ce roman épistolaire est bien le badinage amoureux qui se transforme peu à peu en manipulation érotique et intellectuelle. Sachant (ou du moins le croyant) que l'autre lit nos propos, disons-nous toute la vérité ? Est-ce que Ikuko et son mari sont totalement francs dans leur journal ou bien travestissent-ils la vérité pour mieux obliger l'autre à tel fait ou tel acte ? Les journaux des mariés, loin d'être toujours la vérité nue va se révéler une somme d'hypocrisie et de faux-semblants.

Mais derrière ce libertinage non assumé, se cache aussi l'amour. Ikuko, dont la famille lui a imposé ce mari qui la dégoûte, qui fantasme grace un autre homme mais qui finalement s'entiche davantage de ce plaisir honteux que lui offre son mari.

 

" Vous dites que je hais mon mari, mais d'un autre côté, je dois admettre que je l'aime. Plus je le hais, plus je l'aime aussi. Son désir ne peut s'enflammer que s'il vous fait intervenir, s'il vous inflige fe la souffrance ; mais quand je pense que tout ceci, il ne le fait en définitive, que pour me procurer du plaisir, je me trouve de plus en plus incapable de le trahir. "

 

Le mari qui, obsédé par des fantasmes érotiques qui l'enferment, finit par ne vivre qu'à travers eux, a enfin l'impression de vivre et d'être heureux.

 

Des contradictions inhérentes à la nature japonaise, empêtré entre ses obligations et ses traditions.

Ikuko, issu d'une famille ultra traditionnelle, est censée se comporter en femme soumise, obéissante à son mari et répondre à ses besoins.

 

" Puisque mon mari aime me voir nue, mon devoir d'épouse fidèle est de supporter au moins d'être dévêtue sans le savoir, et bien que ce soit de très mauvais goût. A l'époque féodale, la vertu d'une femme voulant qu'elle se soumette absolument à son mari, elle se serait pliée à tous ses désirs, aussi infâmes ou répugnants qu'ils soient, et n'aurait d'ailleurs pu faire autrement. Jene fais pas que remplir mon devoir. D'un certain point de vue, je demeure une épouse vertueuse et docile et, en échange, j'obtiens de lui qu'il comble mes appétits charnels dévorants. "

 

 

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Mais la nuit, cette dernière prend la forme d'une femme vorace qui, par ses appétits sexuels, épuise son mari. Leurs confessions dévoilent l'ascendant que Ikuko et ses désirs prennent sur son pauvre mari.

 

" La passion violente que suscite la jalousie, l'exacerbation des pulsions sexuelles obtenues grâce au spectacle inépuisable de ma femme nue, tout cela me conduit à une folie qui ne connaît pas de limite. "

 

" Certes, je déteste cet homme du fond du coeur, mais, à le voir si plein de passion pour moi, je trouve un certain intérêt à lui donner du plaisir au point de lui faire perdre la tête. Autrement dit, je suis ainsi faite que je suis incapable de dissocier totalement amour et sexualité, si bien que tout en éprouvant d'un côté de l'aversion pour mon mari - cet homme écoeurant à m'en donner la nausée -, je ne peux m'empêcher, en l'emmenant dans le monde de la volupté, de m'y perdre moi aussi. "

 

Vous en douterez cette histoire se terminera dramatiquement. La chute en suprendra plus d'un, même si on peut lui reprocher d'arriver de manière un peu sèche et abrupte.


Reflet de la transition du Japon vers une ère plus moderne, Ikuko est le parfait reflet de son pays. Issue d'une tradition patriarcale, elle doit concilier ses devoirs d'épouse avec ses besoins charnels. Ne pouvant les assouvir publiquement, elle doit recourir à des subterfuges et des ruses pour être ce qu'elle est de manière cachée et honteuse. Le lecteur la trouvera perverse et haissable mais au final, n'a-telle pas donné à son mari ce qu'il souhaitait ?


  " Je crois pouvoir dire qu'en définitive je me suis montrée fidèle à mon mari. Il a eu l'existence heureuse qu'il souhaitait. "

 

"La confession impudique" se révèle au final un roman extrêmement moderne, de par son abord des sujets tabous (sexualité et érotisme au sein du couple) et par le traitement inversé du plaisir. Que la femme ne soit pas restreint au rôle passif où elle est cantonné habituellement, voilà qui bouleverse les codes traditionnels japonais !

 

Pour ma part, ce roman est une vrai réussite et un gros coup de coeur !

 


 

Lecture commune avec Cynthia dont je vous invité à lire l'avis !

 

 

D'autres avis :

Liliba - Gio - Orient extrême - Lili galipette


 

challenge In the mood for Japan

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commentaires

G
<br /> <br /> Je ne connais pas mais je le note !<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Il me tente beaucoup ce roman ! Vu que j'ai beaucoup aimé "Le meurtre d'O-Tsuya" <br /> <br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Aaaah ! Bon, je te préviens, il y a un petit côté persersion (même si c'est soft hein !) <br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> <br /> Mouhahaha j'adore ton image des deux femmes à la lampe de poche ^^<br /> <br /> <br /> J'ai passé un très bon moment avec ce roman même si je dois dire que ce sens du sacrifice typiquement nippon m'échappera toujours (j'ai trouvé Toshiko consternante !)<br /> <br /> <br /> Et pour ce qui est d'Ikuko, elle a tout de même une façon très étrange d'"aimer" son mari. D'ailleurs on ne sait pas vraiment au nom de quoi ces deux-là prétendent s'aimer. Il est surtout<br /> question d'amour physique.<br /> <br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Mets tes binocles, la deuxième femme est un homme ^^ (photo tirée d'un film porno japonais )<br /> <br /> <br /> Un sens du sacrifice typiquement nippon en effet. Je suis justement en train de lire un essai sur l'âme japonaise qui explique très bien ces nombreuses particularités ! Je devrais essayer de vous<br /> en parler pour la quinzaine nippone. En gros, le sens des obligations (à la société, aux parents, ...) passe avant le bonheur personnel. et tous les japonais se doivent de faire passer leur<br /> parents avant eux-même. quant à l'amour, le mariage et l'amour sont 2 choses très différentes. Aimer son mari est accessoire, l'épouse se doit juste de le servir et de tenir son rôle (passif). Du<br /> coup, il est ici très audacieux d'une faire une personne maitresse de ses actions tout en étant toujours sous la "coupe" de son mari !<br /> <br /> <br /> <br />

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