Auteur : Elodie Durand
Editeur : Delcourt, Encrages
Date de parution : Mai 2010
Prix : 14,95 €
221 pages
A 21 ans, Judith est régulièrement atteinte de pertes de mémoire et de courtes absences. Les crises se multiplient, ses proches le lui font remarquer. Judith finit par consulter un médecin qui diagnostique de l'épilepsie et lui donne un traitement médical pour diminuer les crises. Pourtant ces dernières ne cesent de s'accentuer et finissent par devenir sérieusement handicapantes. Des analyses plus importantes s'imposent au cours desquelles les médecins décèlent une tumeur au cerveau.
Cette histoire que Elodie Durand nous raconte, c'est la sienne. Cachée sous le deuxième prénom de l'auteur, l'héroine est son alter-égo.
C'est le récit de sa maladie, 4 ans de douleur, de mémoire qui flanche et de souvenirs qui s'en vont, de batteries de tests médicaux et d'opérations. 4 ans de sa vie donc que l'auteur cherche à retrouver.
Cet album est une manière pour elle de retrouver ces années perdues, de fermer la parenthèse d'une période dont elle a quasiment tout oublié.
Nous allons suivre Judith depuis ses premiers symptomes jusqu'à son rétablissement. Elle va évoquer ses premiers oublis, les "blancs" qui lui font zapper la conversation en cours, l'inquiétude de ses proches.
Quand le diagnostic de l'épilepsie tombe, la maladie continue de s'accélérer et Judith , n'est plus capable d'avoir une vie normale. Elle ne comprend plus le sens de ses études, elle perd ses capacités intellectuelles, elle oublie qui elle est, où elle habite, ne reconnait plus sa mère qu'elle suit comme une petite fille qui attend qu'on lui dise quoi faire. Elle dort toute la journée et ne veille que quelques heures par jour.
" On est où là ? Il est quelle heure ? On est où là ? Il est quelle heure ? Là où je suis...
Je ne vois rien. Je ne sens rien. Je ne peux plus parler... Je ne peux plus entendre... "
Judith regresse, se perd mais sa famille, patiente, est toujours là à la soutenir.
L'opération a lieu, la tumeur est bombardée de rayons mais la rémission est lente, très lente.
Néanmoins, Judith finit par revenir mais sans souvenirs de ces années de maladie.
Les connaissances qu'elles croisent dans la rue et lui demandent de ses nouvelles la gêne : elle ne les reconnait pas, a tout oublié de leur souvenirs communs et peut difficilement leur parler de sa maladie.
" Dans ma tête, ça allait dans tous les sens. J’étais un monstre. Un monstre s’était emparé de moi tout entière. Je n’avais plus de tête. Ma tête était une prison. Je ne pensais pas que je mettrais tant d’années à me réconcilier avec elle. "
Aujourd'hui, Elodie a voulu aller à la rencontre de ces années là, en interrogeant ses proches, en rassemblant leurs souvenirs à eux, leur ressenti et le sien.
Cela donne un album extrêmement touchant et pudique où aucun voyeurisme n'y a sa place. Loin d'être larmoyant, on y trouve au contraire des passages légers, légèrements ironiques de l'auteur sur elle-même.
Ce récit se révèle le témoignage fort d'une jeune femme qui se bat pour retrouver une vie normale et devenir celle qu'elle était, un témoignage sur la mémoire qui a sans aucun doute une vertu thérapeuthique pour l'auteur qui nous confie ici ses peurs et ses doutes.
Aujourd'hui Elodie Durand est d'ailleurs devenu illustratrice.
Le trait de l'auteur est simple, en noir et blanc, fait avec de nombreux crayonnés sombres.
Elle a par ailleurs inséré dans son album d'autres dessins réalisés à l'époque de sa maladie : des personnages torturés qui reflètent bien le désordre mental de la jeune femme et accentue encore plus le relief de cette histoire.
Un grand album, tout simplement.
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Une interview de l'auteur est à lire ici.
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