Auteur : Dan O'Brien
Editions :
Au Diable Vauvert - Mai 2007 - 364 Pages - 23€
Folio, Mai 2009 - 429 pages - 7,30€
Ne cherchez pas un roman dépaysant dans "Les bisons de Broken Heart" car ici, tout est vrai.
Dan O'Brien est un amoureux du Grand Ouest Américain et de la Nature. Ecrivain à ses heures, c'est aussi un ardent défenseur de la sauvegarde des Grandes Plaines, de sa faune et de sa flore.
Parce qu'il faut bien vivre, l'auteur possède un ranch qu'il gère seul avec Erney, son ami et homme de main.
Un choix de vie difficile et exigeant qui demande beaucoup de travail et un endettement permanent. La crise économique, les cours du lait et de la viande qui baissent mettent la plupart des fermiers en difficulté. Et puis, il y a l'impact écologique de l'élevage intensif, les terres qui s'épuisent, la diversité des espèces qui s'appauvrit. Dan O'Brien souhaiterait une autre alternative et c'est là qu'il fait la rencontre des bisons...
"Les bisons de Broken heart" est le récit de sa vie quotidienne au sein du ranch et de la conversation de sa ferme à l'élevage de bisons.
Il aura suffit d'un coup de main chez un fermier voisin, éleveur de bisons, pour lancer l'expérience. Lors d'une opération de vaccination, Dan s'intéresse à 13 bébés bisons orphelins aux chances de survie plutôt minces. Sur un coup de tête, ce dernier les acquiert à bas prix et ramène les animaux à son ranch. Commence alors son apprentissage d'éleveur de bisons.
Petit à petit, l'auteur s'aperçoit que l'animal historique des grandes plaines est d'autant plus adapté à cette terre que la vache n'y est pas à sa place.
" Et là j'ai compris ce qui clochait avec les vaches. Ce n'est pas qu'elle aient un problème. C'est juste qu'ici, sur les Grandes Plaines, elles ont l'air d'être peintes sur le paysage, ne pourront jamais en faire partie. Elles sont comme une sorte de touriste ongulé et, à les élever, je me sentais comme un guide qui passerait son temps à traduire les menus et à indiquer les toilettes."
Et après moults tergiversations et craintes en tout genre, Dan se décide à passer à un élevage plein et entier. Il s'endette un peu plus, achète ses premières bisonnes qui donneront bientôt leurs nouveaux petits, construits de nouvelles clôtures plus adaptés,...
Les effets bénéfiques se font rapidemment sentir.
" Les bisons étaient là depuis un été et déjà on remarquait que les arbustes poussaient touffus comme jamais, que la population des tétras et des oiseaux chanteurs augmentait. Les bisons refusaient aussi de piétiner au bord des points d'eau, comme le font régulièrement les vaches. l'herbe autour des étangs était abondante et propre. L'eau n'était pas souillée par les déjections animales. Les étangs étaient devenus des habitats plus propices pour les autres animaux."
Mais à travers l'histoire de sa reconversion, c'est aussi la défense de tout un écosystème que l'auteur défend. Il n'hésite pas à pointer du doigt les ravages de l'élevage intensif qui oblige les éleveurs à faire surpâturer leurs terres et donc à détruire le milieu naturel, à donner des doses massives de médicaments à leur animaux et à s'éloigner de l'état originel de la Nature qui sait pourtant si bien faire les choses.
Les bisons sont parfaitement adaptés à ces terres où les conditions climatiques sont difficiles, les amplitudes thermiques importantes. Ce sont des animaux indépendants qui vivent en préservant la terre qui les nourrit et les laisser autonomes est la meilleure façon d'en faire des animaux sains et équilibrés tout en préservant l'environnement. Leur piétinement un bienfait pour la terre, ils n'épuisent pas les ressources, laissent la place à une vie animale plus riche. On y apprend de façon pédagogique les différences de comportement entre les bisons et les vaches qui influe bien plus qu'on ne pense sur les terres que les animaux occupent.
Dan O'Brien n'hésite pas non plus à évoquer ces mêmes industriels qui sont prêts à appliquer les mêmes recettes contre-nature à l'élevage des bisons nouvellement porteur.
" Même si le bison pouvait revenir un jour, ces mêmes forces qui l'ont presque exterminé refuseraient de le considérer à s juste valeur, comme le Sauveur des Grandes Plaines. Il risquait d'être considéré comme un simple objet de consommation, à l'instar des vaches, des côtes de porc et des pizzas surgelées sur une étagère. "
De son côté, l'écrivain préfère prôner un élevage sain et biologique, et tente même de mettre en place un système d'abattage, de vente et de distribution directe en valorisant la qualité de la viande auprès d'une clientèle recherchant des produits sains et bio.
L'ouvrage est bien évidemment un texte pro-écologique. Pour l'auteur, l'Homme fait partie de la nature tout autant que les animaux et doit tenter d'avoir un impact le plus moindre possible sur son environnement. Réintroduire les bisons massacrés autrefois par les blancs, sur les terres indiennes qui les ont vus naitre est un engagement fort.
"Les bisons de Broken Heart" est une véritable ode à la Nature, à ses habitants humains ou animaux. On y accompagne l'auteur dans sa vie quotidienne de fermier et dans ses tâches répétitives, on y voit la solidarité entre voisins tout comme la difficulté de survivre économiquement. On voit grandir les bisons, on découvre avec O'Brien les conditions de son élevage et les bienfaits de sa réintroduction. On découvre l'histoire de ces terres, de leur colonisation et des conséquences induites par l'arrivée de l'homme blanc.
Bref, un texte complet, à la fois journal de bord d'un fermier, documentaire animalier ou texte écologique. Un texte engagé et encourageant pour l'avenir de la Nature, comme j'aimerais en lire plus souvent.
Mon seul bémol : voir que ces animaux dont on suit le parcours depuis le début sont tout de même destinés à être manger... En tant que végétarienne, ça ne pouvait que me déranger...
Néanmoins, si tous les éleveurs étaient comme lui, peut-être que je n'aurais pas eu besoin de le devenir...
Extrait :
"Comme le fil qui dépasse et menace de détricoter un pull-over, la disparition du principal herbivore du continent, ajoutée à une population toujours plus nombreuse et matérialiste, fut rapidemment suivie par la disparition des prédateurs dont la survie dépendait du bison. Quand les vaches, remplaçantes simplettes, furent implantées dans le Northern Buffalo Range, les prédateurs s'intéressèrent évidemment à ces substituts plus lents et idiots. Les loups furent tués pour leur transgression. Les antilopes, les wapitis, les mouflons et les daims proliférèrent et concurrencèrent le bétail. Ils furent bannis des plaines luxuriantes et poussés sur des habitats étrangers, notamment vers les montagnes. Aujourd'hui, alors que les villes, leurs pelouses verdoyantes et irriguées et leurs jardins s'étalent sur les terrains montagneux des Grandes Plaines, un débat civique fait rage autour du contrôle des daims. Peut-être devrions-nous les traiter comme les bisons, les massacrer, les débiter et envoyer les différents morceaux à Saint-Louis. Evidemment, nous connaîtrions une expansion explosive des buissons dont les daims se nourissent. Mais nous pourrions alors créer des emplois dans l'industrie chimique et asperger les buissons de désherbant. Et ainsi de suite, et ainsi de suite. "
L'avis de Keisha avec qui je faisais lecture commune, de Folfaérie et Netécrivaine.
Pour ceux que le sujet intéresse, vous pouvez visiter le site de la Wild Idea Buffalo Company, entreprise qui prône le respect des animaux et pratique un élevage éthique, créée par l'auteur.