Milieu des années 50. Alexandra, 21 ans, ne rêve que d'une chose : quitter sa campagne du Devon insipide et les récriminations maternelles pour aller à Londres. Elle croise par hasard, un jeune londonien en panne, Innes Kent qui bientôt lui ouvrira les portes de la vie londonienne. En effet, nous retrouvons la jeune femme quelques mois plus tard dans la capitale et c'est Innes, charmé par Lexie (comme il l'a surnomme) qui va l'initier à la vie moderne. Rédacteur en chef d'une revue d'art, il va l'embaucher comme secrétaire, lui apprendre le journalisme. Devenue son amante, Lexie prend son envol mais c'est sans compter les hasards malheureux de la vie...
Parallèlement à l'histoire de Lexie et 40 ans plus tard, nous découvrons le nouveau quotidien d'Elina. Elle vient d'accoucher dans des circonstances difficiles et semble totalement perdue devant cette maternité qu'elle ne comprend pas totalement. Ted, son mari, est sujet à d'étranges réminiscences ou absences qui perturbent de plus en plus sa vie de famille. N'ayant aucun souvenir de ses années précédant ses 9 ans, sa nouvelle paternité le renvoie à ses propres parents et réactive des souvenirs perdus.
Les 2 histoires sont bien évidemment liées mais ce n'est qu'à la fin de l'ouvrage que le lecteur découvrira ce qu'il en est réellement.
Après la lecture de 2 précédents romans de Maggie O'Farrell ( La distance entre nous ; La disparition d'Esme Lennox), ce nouvel opus m'a séduit tout autant même s'il n'en devient pas mon préféré.
On retrouve ici le type de construction qu'elle aime employer : 2 narrations différentes qui finissent par se recouper d'une manière ou d'une autre.
Nous suivons ici 2 parcours à 50 ans de distance. Lexie personnifie la jeune femme qui s'émancipe en faisant fi des règles de l'époque. Elle vit avec un homme marié, plus âgé que lui qui plus est, fait un enfant presque toute seule et l'assume avec force et courage. J'ai aimé cette figure maternelle qui fait preuve de combativité et ne s'en laisse pas compter. La relation qu'elle noue avec son enfant est forte et semble même l'aider à se dépasser.
Bien plus tard, c'est au tour d'Elina d'être mère. Artiste peintre, son accouchement et la mort vue de près l'a complètement déstabilisée. Son attitude envers le bébé nous fait craindre le pire. On découvre à travers elle la naissance du sentiment maternel, la difficulté d'y faire face mais aussi les petits bonheurs qu'une naissance offre. Alors qu'elle reprend pied pourtant, c'est son mari qui commence à réagir étrangement. Un drame se prépare mais sûrement pas celui auquel on s'attendait.
Tout l'art de l'auteur est là : la manière dont elle alterne les 2 intrigues et provoque chez le lecteur l'attente du petit détail qui nous permettra de comprendre le lien. Si on connaît assez rapidement le sort de Lexie qu'elle révèle en avance, O' Farrell prend son temps pour fusionner les différents destins de ses personnages et se plaît à décrire avec force détail leur destinée. Mais loin de faire traîner en longueur son roman, elle nous raconte avec beaucoup de sensibilité leur vie, leurs attentes, leurs espoirs et leurs déceptions. On se passionne pour chacun, on les voit grandir, mûrir, apprendre à être mère ou père.
Une fois de plus, c'est encore une histoire de secret de famille et de non-dits qui bouleversera les vies de chacun. Pour ma part, la révélation finale qu'on finit par soupçonner a réussi à me surprendre et m'a laissé la gorge bien serrée devant l'émotion du personnage.
Si je n'ai pas eu de coup de coeur, j'ai pris beaucoup de plaisir à la lecture de ce roman qui prend son temps pour raconter les destins de plusieurs femmes, pour évoquer à des époques différentes les questionnements de la filiation et de la transmission. On pourra même y trouver une évocation lointaine de la création et de l'artiste, avec le personnage d'Elina. Son écriture est toujours fluide et se laisse aborder sans difficultés. On regrettera peut-être un petit manque d'originalité et on pourrait lui reprocher de ne pas se renouveler dans la construction de ses textes. Néanmoins, Cette main qui a pris la mienne vaut d'être découvert tant pour l'émotion qui en ressort que pour la belle analyse de la maternité et de la paternité.
D'autres avis :
Cathulu - Ys - Antigone - Clara - Aifelle - Mélopée - Leiloona -
Titre : Cette main qui a pris la mienne
Auteur : Maggie O'Farrell
Editeur : Belfond
Parution :Avril 2011
Pages : 418
Prix : 21,50€