Banlieue de Montmorency, dans les années 70. On y suit une bande d'ados un peu désoeuvrés qui errent dans la cité. Des gamins comme les autres, ni des enfants de coeur, ni des caïds qui occupent leurs journées à coups de défis débiles, de petites vengeances, de parties de foot, d'échange de k7 musicales ou de vulgaires vols à la supérette du coin.
« Nous à la base, on n’est pas des méchants ni des dangereux… Tout juste des branleurs, des fumistes disaient nos profs, mais pas des mômes méchants ».
Au pied des barres d'immeubles, la vie n'est pas rose. Promiscuité, chômage, misère. Les mères font ce qu'elles peuvent. Et l'insulte "Ta mère la pute" prend parfois tout son sens, même si tout le monde cherche à l'occulter.
Une embrouille entre jeunes, une parole qui dérape, et voilà le drame qui arrive. Bouleversant le quartier et la vie de ces jeunes garçons considérés désormais comme de dangereux personnages que la société se fait forte de recadrer.
Gilles Rochier se penche ici sur la vie dans les quartiers populaires. Une vie que l'auteur connaît bien pour avoir grandi dans ces cités parisiennes constituées de tours. Il porte sur la banlieue un regard à la fois nostalgique et sombre.
"Ce quartier ce n'est pas que des super bons souvenirs mais le quitter a été une déchirure" indique l'auteur.
A travers l'histoire de quelques adolescents dans lesquels il s'inclut, il nous fait revivre cette période insouciante où les copains suffisaient, où le simple prêt tournant d'une cassette de musique les unissait les uns les autres, leur faisant oublier l'inertie et la misère du lieu.
Parallèlement, l'auteur n'hésite pourtant pas à évoquer le désoeuvrement qui mène à la violence, la misère sociale qui pousse à des extrémités honteuses, les autorités qui portent un regard négatif sur ces jeunes sans chercher à les comprendre.
Sans tomber dans un misérabilisme cliché, il nous donne sa vision de la banlieue exempt de tout jugement.
Son histoire, il nous la livre dans une bichromie beige assez douce mais qui donne corps à l'ennui persistant, à la morosité d'une vie étriquée, passée entre les barres d'immeubles. Si son trait n'est pas élégant, son économie, la simplicité de son écriture permet d'y projeter toutes les émotions de ses personnages. La narration se fait à la fois à travers le langage imagé du groupe de jeunes mais aussi par l'intermédiaire d'une voix off qui donne un regard plus extérieur, plus détaché des faits mais non dénué d'amertume.
Véritable témoignage urbain dont l'actualité est toujours palpable malgré la différence d'époque, TMLP est un album choc qui à travers le drame noué autour d'une bande d'adolescents nous donne à voir les meurtrissures d'une enfance désenchantée, stoppée en plein vol. Conçues dans les années 80, ces grands cités de béton recélaient une utopie de mieux vivre. Il n'en fut rien et aujourd'hui, l'état des banlieues s'est inexorablement dégradée, au détriment de ses habitants. Comment peut-on vivre sereinement dans ces grands ensembles urbains ? Les drames qui s'y nouent se sont-ils pas le reflet de la violence intrinsèque qu'ont à subir ses habitants ? Peut-on réellement sortir de la cité ou celle-ci vous marque-t'elle à jamais ? A ce jour, l'Etat français cherche toujours les réponses...
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Blog de l'auteur.
D'autres avis :
Paka - Lunch et Badelel - Mr Zombi - Belzaran - Oliv' - David - Yvan -
Titre : TMLP, Ta mère la pute
Auteur : Gilles Rochier
Éditeur : Six pieds sous terre
Parution : Février 2011
72 pages
Prix : 16€
Prix spécial du jury - Angoulême 2012