Isabelle est une quadragénaire divorcée qui vit avec ses 2 enfants, Romane et Adrien. C'est une femme fermée, rigide qui n'arrive pas à s'ouvrir aux autres et à exprimer ses sentiments, même envers ses proches. Ce qui a certainement causé la séparation avec son mari. Aujourd'hui, Isabelle se contente de sa vie étriquée et bien réglée. C'est l'été et les enfants partent en vacances chez leur père. Isabelle doit aller passer les siennes en compagnie de sa mère. Elle prépare ses bagages quand un coup de fil vient tout bouleverser : sa mère a retrouvé un vieil ami (amant ?) et préfère partir en sa compagnie. Pour Isabelle, c'est le choc. La voilà, face à elle-même, bien obligée de s'occuper seule. Voilà bien une chose dont Isabelle n'a pas l'habitude et nous la votons errer dans la ville , s'occupant comme elle peut.
Sur sa route, elle croise à plusieurs reprises un jeune musicien qui essaie de gagner quelques sous sur le trottoir. Le vagabond cherche un toit et lui propose d'effectuer quelques travaux en échange du logement. Isabelle finit par accepter, un peu malgré elle, un peu aussi parce que ce So what, comme il se surnomme, est un des rares à la regarder malgré ses efforts pour être invisible aux yeux de tous. Le garçon s'installe chez Isabelle pour refaire la chambre de sa fille et va entraîner cette dernière dans son sillage de vie, apprivoisant à sa manière cette femme si coincée, si réfléchie. Il va lui apprendre le rêve et l'imaginaire et bouleverser sa vie à jamais.
Un refrain sur les murs est une perle de roman et j'ai eu un vrai coup de coeur pour cette histoire !
Le récit est construit sur 2 narrations : celle d'Isabelle qui nous raconte ce fameux été 1987 et celle de sa fille Romane qui, en 2010, revient sur les traces de sa mère.
Romane sort d'un terrible accident. Brûlée au visage et à moitié défigurée, elle revient dans l'appartement de sa mère décédée. Ses souvenirs sont amers : Isabelle représente tout ce qu'elle a détestée. Romane est une fille libre, oublieuse des conventions, qui vit de manière passionnée sa vie. La froideur, l'extrême réserve et les habitudes immuables de sa mère l'ont toujous profondément agacée et Romane s'est construit en totale opposition à elle. L'appartement cristallise sa colère et Romane se met à arracher le papier peint, posé autrefois...
" Envie de hurler ! Putain ! Cette chambre, ça suffit. Mon enfance en mausolée. La peinture écaillée, les petits anges ! Ils ont vu ma gueule, les petits anges ? (…)Je vais leur faire la peau. L’heure est venue. Plus personne pour m’en empêcher. Plus de maman maniaque dans le secteur qui retiendrait ma main d’agressive, d’enfant à problème, de gueule qui l’ouvre, de ventre qui vrombit (…)"
... pour mieux y découvrir une petite signature : "So What 87". Les questionnements viennent, son frère Adrien lui donne quelques explications et Romane découvre que sa mère avait peut-être une face cachée.
C'est une histoire bouleversante qui m'a terriblement émue. On y découvre 2 femmes qui n'ont jamais su communiquer entre elles, qui sont noyées dans leur solitude et peinent à en sortir. On y perçoit la relation inexistante d'une mère et de sa fille qui cherche désespérement à la comprendre par delà la mort. On y suit la résurrection à la vie d'une femme qui s'était oubliée et enfoncé dans le silence, sa relation si touchante et quelque peu sensuelle avec So What, la façon dont elle s'ouvre à lui petit à petit. Et surtout on finit par comprendre que l'imagination vaut toutes les vies que l'on aurait pu avoir.
C'est écrit avec subtilité, pudeur et pourtant ça contient une grande force. On ne peut rester indifféremment devant ces personnages poignants qui nous ressemblent tant. C'est un roman qui va bien au-delà de son sujet de départ et dépasse nos attentes. J'ai aimé la petite musique de l'écriture qui m'a emporté dans ses filets. La fin est sublime et éclaire le roman d'un signification autre tout en laissant son lecteur dans une certaine incertitude.
"Un refrain sur les murs" est une vrai réussite et Murielle Magellan, une plume à découvrir absolument !
Lisez-le et puis c'est tout !
Extraits :
" Quelques larmes douces et désespérées. Larmes autonomes et solitaires. La solitude est insupportable quand elle vous est renvoyée à la figure par les autres, et, plus encore par les proches. Ce n'est pas une déception. C'est une humiliation. D'autant plus offensante qu'elle est prononcée avec de la culpabilité et de la compassion. Plus j'y pense, plus je pleure. "
" (...) j'étais la seule de la famille, je pense, à savoir le nombre exact de cigarettes que mon père consumait en notre présence. Un jour, je le lui ait dit. Il l'a pris pour un reproche alors que c'était une déclaration d'amour. J'ai conclu que se taire valait mieux que parler. "
" Depuis le début du mois et sa présence à mes côtés, mon regard sur la ville, ses murs, ses objets, ses paysages, a évolué ; comme si elle révélait enfin des secrets qu'elle avait toujuors dérobé à mes yeux. (...)Mon regard sur les êtres, également, s'est modifié. J'ai passé presque quarante de ma vie à tant lutter pour ne pas être vue, que je ne voyais pas moi-même ceux qui m’entouraient. Ou alors, par « flash », comme si un éclair illuminait soudain tel ou tel aspect de leur personnalité, et disparaissait si vite, que ces fulgurances trop éparses ne pouvaient créer en moi un tout suffisamment homogène pour que cela devienne une pensée constructive, une « opinion », en quelque sorte. Non, cela restait comme des pieces d’un puzzle que j’étais impuissante à reconstituer, puisque je savais qu’il n’existait pas de modèle à suivre, et que je n’avais donc pas la certitude qu’un jour me serait donné la totalité des pieces."
" Toutes les vies permettent de défaillir si toutefois on sait les regarder à la bonne hauteur. Il y a dans chaque journée, dans chaque rencontre, des raisons de défaillir. Il faut juste en prendre la mesure. Le risque. Regarder la peau. Le souffle. L'impermanence de celui qui nous fait face. Alors oui, on est au bord de défaillir. "
D'autres avis :
Clara - Mango - In cold blog - Brize - Leiloona - Chiffonnette -
Un refrain sur les murs
Murielle Magellan
Editions Julliard - Mars 2011 - 18€
Merci à Adeline et aux éditions Julliard !