Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 octobre 2011 5 14 /10 /octobre /2011 07:00

 

samedi-14-01.jpgMaurice Lenoir est un retraité bien paisible qui s'est retiré loin de tout dans une petite maison de la Creuse. Il vit du RSA et des légumes qu'il fait pousser dans le jardin, sa seule occupation avec le plaisir de replonger dans le livre "Pierrot mon ami" de Queneau. Son seul contact avec le monde prend forme dans les apéros qu'il prend avec les voisins, couple de petits vieux sans histoires. Tout irait pour le mieux donc si la flicaille n'était pas venu le réveiller en ce samedi 14. C'est que les petits vieux d'à-côté, les Kowa, ont un fils. Un fils qui vient de devenir ministre de l'intérieur. Maurice l'ignorait et voit débouler dans son environnement paisible une armée de policiers de tout poil chargé de protéger ses voisins et de faire le vide autour d'eux. Manque de bol, la police découvre quelques plants de cannabis à l'arrière de son jardin : une bonne raison pour envoyer Maurice au frais quelque temps. Sauf que notre homme déjoue leur surveillance et rentre bien gentiment chez lui. Négociant la possibilité de rester chez lui sous bonne garde en échange de son silence sur la bourde policière, Maurice essaye de s'acclimater à cette présence policière encombrante qui pourrit son paysage et son quotidien. Une pression qui vient réveiller l'eau qui dort...

Car ce que les flics ignorent encore, c'est que Maurice s'appelle en fait Maxime et s'avère être un dangereux terroriste recherché depuis longtemps. Aussi, Maxime prend la fuite et est bien décidé à pourrir la vie de ce ministre qui lui a foutu en l'air les jours tranquilles du reste de sa vie !

 

Les Editions La Branche lancent une nouvelle collection, dirigé par Patrick Raynal, intitulée Vendredi 13. Basée sur le superstitieux thème du vendredi 13, elle sera constituée de 13 romans tournant autour de cette date un peu particulière. Les 3 premiers titres sont le fait de 3 auteurs français variés : J.B. Pouy, Pierre Bordage et Michel Quint. On notera également la grande réussite au niveau de la couverture : fendue en son milieu d'un trou, elle laisse apparaître l'oeil inquisiteur de l'auteur.


Chez Pouy, le vendredi 13 s'avère finalement le jour funeste où le nouveau ministre de l'intérieur est nommé, un jour funeste pour ce dernier même s'il l'ignore encore !

Notre Maurice / Maxime a pris la poudre d'escampette et déjoue les dispositifs policiers, quitte même à les narguer parfois. C'est que, il a été finalement identifié par la police comme LE terroriste recherché activement par la DCRI... L'agent Dormeaux de la DCRI, qui s'est ridiculisé en ne reconnaissant pas l'homme sur l'affaire duquel il travaille de nombreuses années, est pressurisé par son incommodante patronne, Yvonne Berthier qui oscille entre le foutre au placard et l'utiliser pour son enquête et son éventuelle promotion. C'est que la tension monte au coeur de l'Etat : les flics passent pour des incapables et Maxime semble bien décidé à tous les faire chier, le ministre en premier.

Personnage totalement sympathique qui cache derrière sa bonhomie des ressources bien étonnantes, Maxime entraîne son lecteur à sa suite, de cache en cache, de voyages en train improvisés en France à un séjour au pied du volcan Stromboli , muni de fausses identités de secours préparées au cas où. Sa cavale se pimentera même d'une aventure avec la jolie Béatrice qui recèlera en son sein bien des surprises et prouvera ô combien les capacités et l'ironie de notre fuyard ! En même temps que Maxime fait la nique à ses poursuivants, des fuites opportunes commencent à révéler quelques casseroles que le ministre se traînait discrètement. Bref, Maxime fout le bordel et la rancoeur de Dormeaux envers Berthier est loin d'arranger les choses...

 

Vous l'aurez compris, il s'agit ici de l'aventure assez rocambolesque d'un terroriste assagi qui a décidé de rendre la monnaie de sa pièce à ceux qui l'ont impunément dérangé. Maxime s'avère un personnage extrêmement sympathique dont les réparties fumasses ou ironiques sont un vrai festival ! Et de fait, Pouy construit un personnage haut en couleurs qu'il affuble d'un franc-parler populaire et imagé qui s'épanouit dans un luxe d'argot et de synonymes. Les ficelles et l'imagination dont il fait preuve dans ses diverses machinations sont de haut vol et l'auteur réussit à les distiller au fil du récit et à surprendre son lecteur.

Un héros atypique qui n'hésite pas d'ailleurs à citer Queneau dont on retrouve de nombreux extraits dans le récit.

De leur côtés, les flics passent pour des branquignoles, pas foutus de tenir en cage (dont ils ont oubliés de fermer le verrou !) un vieux papy inoffensif ou de reconnaître l'ennemi public n°1.L'ambiance au sein de la police n'est pas forcément très rose. Chacun cherche à tirer la couverture à soi et la vengeance peut parfois amener à retourner sa veste.

L'appareil d'état en prend aussi pour son grade. Le nouveau ministre, qui veut tout contrôler, impose une politique répressive démesurée mais se garde bien de nettoyer dans son pré. Entre malversations et infidélité, les hommes politiques sont loin d'être des enfants de coeur.

C'est donc une intrigue où la critique, sociale ou politique, n'est pas loin et on ne s'en étonnera pas de la part de Jean-Bernard Pouy, écrivain gauchiste reconnu.

On ne s'étonnera donc pas non plus de la sensation toute particulière de déjà-vu qui transpire de ce texte et de sa portée bien contemporaine. Pour ma part, le ministre m'a quelque peu fait penser à Sarkozy et je crois que l'inspiration n'est pas totalement à exclure !

 

Au final, "Samedi 14" s'avère un roman particulièrement jouissif qui manie l'humour noir avec brio et tacle avec plaisir les travers de l'appareil politique tout comme l'attrait du pouvoir à tout prix et de l'argent. Les personnages sont savoureux et l'intrigue surprenante à de multiples égards. Cette histoire écrite par un vieux briscard du roman noir et social est bien évidement à lire ! Moi, je ne suis pas loin du coup de coeur ! (La toute fin ne m'a juste pas complètement convaincue)

Voilà donc qui augure d'une collection de qualité ! Les 3 premiers titres sont sortis ce jeudi 13 (hélas, ça ne sera pas un vendredi !)  alors n'hésitez pas

 

Extrait :


" J'ai aussi eu le temps de me renseigner sur notre nouveau ministre de l'Intérieur, Stanislas Favard, le fiston de Roman et Monique. Qui avait pris, pour fomenter son ambition, le nom de sa mère. De nos jours, il vaut mieux passer pour un creusois qu'un Polack, le chabichou est plus rassurant, dans nos isoloirs, que le bortsch. Ce type était apparemment un genre de requin aux dents longues et à l'haleine de hyène. Grimpette accélérée dans les sphères du pouvoir. Populiste à cran, extrémiste droitier parfois, chrétien de gauche de temps en temps. Réactionnaire se faisant toujours passer pour progressiste. Cinquième maroquin. Sans parler du nombre de marocains qu'il avait déjà faits raccompagner dans leur beau pays. Pour l'instant, une grande partie de notre population de veaux en douce stabulation ne le voyais pas encore comme le grand taureau en chef. "

 

D'autres avis :

Claude Le Nocher -

 

Liens :

Premières pages à lire

Retrouver la critique de Yv pour le roman "Close up" de Michel Quint dans la même collection.

 

 


Titre : Samedi 14

Auteur : Jean-Bernard Pouy

Editeur : La Branche, Vendredi 13

Parution : Octobre 2011

  176 pages 

Prix : 15€ 



 

Un grand merci aux Agents littéraires pour cette découverte !

 


Partager cet article
Repost0
12 octobre 2011 3 12 /10 /octobre /2011 07:00

abelard-t2-01.jpgAprès un premier volume où nous avions découvert le petit Abélard prendre la route pour aller en Amérique afin de décrocher les étoiles pour la belle Epilie, nous retrouvons notre compère dans un tome 2 à la tonalité bien plus sombre.

Abélard et Gaston, son compagnon de route toujours aussi grincheux se dirige vers la ville et son port où un bateau devrait les conduire en Amérique. La ville se révèle un environnement brutal où Abélard peine à trouver sa place : voleur, arnaqueur de tout poil profite de la naïveté de notre poussin et n'hésite pas à en venir aux mains.

Heureusement, Gaston et ses gros bras sont là pour sauver Abélard et lui permettre d'embarquer clandestinement sur un bateau en partance vers l'Amérique. Un voyage éprouvant qui se terminera tragiquement.

 

Alors que le premier tome respirait la joie et la force de l'imagination, ce deuxième volume nous laisse un véritable goût de poussière dans la bouche. Après le temps de l'espoir et des illusions, voici venu celui du désenchantement et de la désillusion. Tout poésie disparaît de la ville et ses sombres recoins et il faut être fort et égoïste pour subsister dans un tel environnement. Abélard, désemparé, ne trouve le salut que dans l'amitié qu'il éprouve pour Gaston.

Gaston pourtant est un être désabusé que la vie n'a pas épargné. Revenu de tout et de ses propres illusions, il sert régulièrement à Abélard un discours pessimiste sur la vie mais surtout sur les gens, qui l'ont bien souvent déçus. L'amitié, pour lui, "c'est du flan", "ce sont des parasites qui sont là quand tout va bien et qui disparaissent au premier coup dur." Un constat amer donc auquel Abélard tente de résister. Pourtant la traversée maritime ne va pas exactement se passer comme prévu et notre héros va devoir faire à la cruauté, la maladie, la mort et pire que tout, le désespoir.

L'album se termine de manière totalement inattendue sur un final bouleversant qui m'a fait verser quelques larmes (bien la première fois qu'une Bd me fait ça, je crois...!)

 

Dillies illustre avec succès cette fable en adaptant son trait à la tonalité plus ou moins pessimiste de l'histoire. La très belle scène où Abélard découvre le mer fleure bon le soleil, la lumière et la joie innocente alors que, peu après, l'arrivée nocturne en ville se pare déjà de teintes sombres et écrasantes qui s'accentueront un peu plus dans le bateau et ses cales misérables peuplées de passagers miteux qui cherchent l'espoir en Amérique.

 

Abélard se révèle un diptyque très cohérent et néanmoins surprenant qui passe de la poésie la plus éclatante à un pessimisme des plus noirs. Offrant au lecteur les 2 faces de la vie, les auteurs n'en présentent pas moins une conclusion qui oscille entre mélancolie, tristesse et espoir en l'avenir.

Retenons qu'il faut toujours aller au bout de ses rêves quitte à en payer le prix.

 

" La grande leçon de la vie, c'est que, parfois, ce sont les fous qui ont raison. "

 

 

Aussi, je confirme le gros coup de coeur que j'avais eu déjà pour le premier tome

et vous invite instamment à découvrir cette merveilleuse histoire !

 

 

D'autres avis :

Belzaran - David Fournol - Mo' -

 

abelard-t2-02.jpg

 

 

abelard-t2-03.jpg 


Titre : Abélard, tome 2 : Une brève histoire de poussière et de cendre 

Scénariste : Régis Hautière

Dessinateur : Renaud Dillies

Coloriste : Christophe Bouchard

Editeur : Dargaud

Parution : Septembre 2011

  64 pages 

Prix : 13,95€ 


bd du mercredi

Partager cet article
Repost0
11 octobre 2011 2 11 /10 /octobre /2011 07:00

cet-instant-la-01.jpg

Thomas Nesbitt est un écrivain d'une cinquantaine d'années. Spécialisé dans les récits de voyage, il a passé son temps sur les routes pour mieux fuir son foyer et toute forme d'engagement, malgré un mariage et une fille bientôt adulte. Une fuite perpétuelle qui semble prendre source dans son enfance mais aussi dans un passé qu'il peine à dévoiler à sa famille. Sa femme, bien consciente qu'il ne l'a, en quelque sorte, jamais aimé demande le divorce. Il s'installe peu après dans un cottage isolé au bord d'un lac, acheté sur un coup de tête et où il reçoit peu après un courrier d'un certain johannes Dussman, qui semble le troubler profondément.Un flash-back nous emmène alors dans le passé de Thomas, 25 ans avant, à l'occasion d'un voyage à Berlin. Où il rencontra une certaine Petra qui changea sa vie...

Parti à Berlin pour écrire et fuir une relation amoureuse qui devenait trop sérieuse, Thomas va pourtant rencontrer la femme de sa vie. Travaillant pour une radio de propagande américaine à Berlin ouest, il va y faire la connaissance de Petra Dussman, une réfugiée de l'Est. Tout d'abord mystérieuse sur son passé, la jeune femme va peu à peu dévoiler les souffrances morales et physiques qu'elle a dû subir. Profondément amoureux, il est prêt à tout pour elle jusqu'à ce qu'une autre vérité éclate sous le signe de la trahison et du mensonge. Thomas fait alors un choix qui lui pèsera toute sa vie et ce, d'autant plus lorsqu'il lira les manuscrits qui lui ont été envoyés par la poste.

  

Vous l'aurez compris, la majeure partie de ce roman est constitué par le flash-back qui nous mène dans un Berlin coupé en deux par le fameux mur et agité par les suspicions d'espionnage entre les deux camps. 

La découverte de Berlin est plutôt plaisante. Thomas observe beaucoup la ville pour ses notes d'écriture et un portrait historique et réaliste nous est offert de la ville et de son ambiance. On découvre les mauvais quartiers, ses troquets tenus par des turcs, le mur qui écrase la ville. On accompagnera aussi le héros du côté de Berlin-Est où la misère et la tristesse attendues sont au rendez-vous.

On y découvre des personnages secondaires intéressants comme le colocataire de Thomas, peintre homosexuel et drogué qui aime jouer de la provocation dans des réparties réjouissantes ou comme son ami turc qui doit cacher à sa famille et à sa femme ses préférences sexuelles. Les marginaux ne sont pas les mieux accueillis dans le Berlin des années 80.

 

cet-instant-la-02.jpg

 Leon Herschtritt - Noël 1961

  

  

Et puis, il y a l'histoire d'amour... Et là, autant vous dire que ça passe beaucoup moins bien...

Thomas et Petra tombent amoureux dès le premier regard. Ils couchent ensemble le premier soir. Le lendemain, ils se disent je t'aime et décident d'habiter ensemble. Avant bientôt de parler mariage et enfant...

Cette histoire ne m'a semblé, bien évidemment, d'aucune crédibilité. Je viens bien croire au coup de foudre mais ici tout va bien trop vite. Sans compter, le traitement romantico-mièvre que l'auteur ne nous épargnera pas et qu'on retrouvera en abondance dans des dialogues dégoulinants de guimauve.

Quant au sujet, et bien, en gros, il va être question de trahison et de regret. Malheureusement, la trahison était un peu le sujet du formidable "Mon traître" lu juste avant et.... comment dire...  ici, on peut dire que c'est traité sans aucune envergure, sans profondeur aucune. On ne rentrera pas plus que ça dans les détails des sentiments des personnages. On sait qu'ils souffrent et c'est amplement suffisant pour l'auteur qui tente de nous construire une histoire d'amour éternel où le tragique (à travers une vaste affaire d'espionnage) vient pimenter un parcours par trop linéaire.

  

Bref, Douglas Kennedy reprend comme toujours les mêmes ficelles : l'inévitable histoire d'amour, un scénario et une écriture sans surprises et une récit à la psychologie limitée. Dommage car il y avait sans conteste des choses intéressantes à sauver.

Alors vous pouvez éventuellement passer un bon moment à le lire sans vous poser trop de questions (quoique tout ça est tout de même un peu longuet...) comme vous pouvez allègrement vous dispenser de cette lecture totalement inutile...

Entre le premier roman de l'auteur, seul que j'avais lu, et ce titre-là, je ne vois pas franchement d'évolution... Un peu paradoxal pour un auteur à la dizaine de romans. Je me dispenserais donc à l'avenir de piocher dans cet entre-deux ! (excepté pour Cul de sac, le série noire qui semble être au-dessus du lot).

Piochez donc dans votre vieille PAL, il y aura forcément mieux !

 

Sinon, ceux qui ont du temps à perdre peuvent aller se renseigner sur la page Facebook de l'auteur.

 

D'autres avis :

Mango - Malou -

 

 

Titre : Cet instant-là

Auteur : Douglas Kennedy

Editeur : Belfond

Parution : Octobre 2011

  491 pages 

Prix : 22,50€  


  1% littéraire 2011

 

 

  Titre : Cet instant-là

Partager cet article
Repost0
10 octobre 2011 1 10 /10 /octobre /2011 07:00

mon-traitre-01.jpgmon-traitre-02.jpgAnnées 70, Antoine est luthier à Paris. C'est un homme assez silencieux que sa femme a quitté. Il vit pour son amour du métier et pour la joie de rendre vie aux violons qu'il soigne. Pour ses 30 ans, il s'offre un voyage à Dublin pour y retrouver un ancien ami. La fête est superbe, il joue du violon en public et se saoûle, un peu. Le lendemain, quelques heures avant son retour, il erre dans la ville et se souvient tout à coup d'une phrase d'un de ses client : " Vous ne connaissez pas le Nord ? Alors vous ne connaissez pas l'Irlande." Alors Antoine décide de faire un tour à Belfast, un tour rapide de 3h. Un tour qui va changer sa vie.

Au hasard de sa marche, Antoine va rencontrer Jim O'Leary et sa femme qui le croient perdu et l'invite chez eux. Une grande amitié va naître qui sera le point de départ de nombreux voyages successifs en Irlande du Nord. Des séjours qui permettront à Antoine de rencontrer l'Irlande, la vraie. Celle qui est loin des cartes postales de moutons, de murs en pierre, et de falaises vertigineuses. Celle qui le conduira au creux des pubs enfumés, dans le coeur de l'âme irlandaise, dans l'Irlande républicaine surtout qui se bat contre l'envahisseur britannique. Dans celle de Tyrone Meehan, activiste de l'IRA qu'il va bientôt considérer comme un frère. Un ami tant aimé avec qui il partagera tout, un ami qui pourtant trahira son pays et brisera le petit français.

 

Le fait est connu, Mon traître s'inspire de l'expérience personnelle de l'auteur. Sorj Chalandon, journaliste à Libération, a longtemps travaillé sur le conflit irlandais. Il a connu les activistes républicains qu'il a abondamment couvert, et en particulier un certain Denis Donaldson qui est devenu son ami. Un ami dont il a découvert avec les autres partisans qu'il avait trahi sa patrie pendant 20 ans... Denis, un des plus fervents leaders de la cause républicaine, était un traître à la solde des britanniques. Une révélation choc qui ébranla ses proches et Sorj Chalandon lui-même. Une trahison qui questionne aussi quant à la véracité de son amitié avec cet homme.

A travers les figures d'Antoine et de Tyrone mais aussi de Jim et Cathy, Sorj revient sur cet épisode dramatique. On y découvre un jeune homme naïf qui porte une sorte d'amour irraisonné pour un pays qui n'est pas le sien. Une curiosité hasardeuse qui devient vite une sorte de fil conducteur dans sa vie.

 

" Pourquoi ces rues? Je ne sais pas. J'aimais leur pauvreté, ce silence de froid gris. J'aimais aussi les figures que je croisais. Des visages durs. Des regards perdus. Des cheveux sombres et roux. Des étoffes râpées, des manteaux trop amples et des chaussures molles."

 

Un amour pour l'Irlande du Nord mais surtout pour ses habitants qui l'ont accueilli si chaleureusement sans rien lui demander. Un amour pour ces hommes et ces femmes qui ont choisi le combat et l'engagement politique en dépit de la pauvreté, de la souffrance et de la répression britannique. Une sorte d'amour admiratif qui s'épanouira particulièrement avec Tyrone, sorte de figure paternelle sous l'égide duquel il fera son apprentissage du combat. 

Sorj Chalandon y décrit donc une Irlande humaine et combattante qui prend corps dans les pubs et ses réunions houblonneuses, dans le quotidien d'un peuple qui voit ses enfants disparaitre par la guerre, la prison ou par une balle perdue. L 'auteur s'attarde longuement à décrire la découverte de ce nouveau pays et de ses combats, l'histoire de sa rencontre avec ses hommes, avec Tyrone. On vit avec lui la plénitude de cette amitié déterminante qui grandit au fil des années et sera un des piliers de sa vie. Et lorsque la trahison arrive en fin d'ouvrage, elle n'en est que plus choquante, à l'image de celle d'Antoine et celle de l'auteur, à travers lui.

 

" Il trahissait depuis près de vingt ans. L'Irlande qu'il aimait tant, sa lutte, ses parents, ses enfants, ses camarades, ses amis, moi. Il nous avait trahis. Chaque matin. Chaque soir… "

 

"Je n'étais plus de ce lieu, de ces immeubles qui empêchent le ciel. Je n'étais plus rien ici. Je voulais Tyrone Meehan, leur regard, Falls Road, le sourire de Bobby Sands, l'odeur de tourbe à l'âtre, les clins d'œil au coin des rues, une main sur mon épaule, le cahot des taxis collectifs, les enfants en uniformes d'écoliers, les frites graissant le journal roulé en cornet, ma pinte de bière noire, le métal des blindés ennemis, l'aigrelet des fifres, le sourd des tambours, le ciel d'Irlande, sa pluie, sa peau."

 

"Mon traître" est véritablement un bijou de sensibilité et de pudeur. D'émotion aussi. A travers son héros, Sorj Chalandon livre ses sentiments sur une trahison qui a bouleversé sa vie. Son écriture est libérée de tout superflu. Ses phrases sont courtes, parfois sèches et, à travers leur épure, révèle avec une très grande subtilité l'essentiel des faits et des émotions. On vibre à l'unisson d'Antoine, on découvre une Irlande inconnue toute en humanité, on y ressent l'importance des amitiés, la façon dont elles nous construisent mais aussi la manière dont elles peuvent nous détruire.

Il y sera question aussi de mensonge. Comment un homme dont la vie était basée sur le mensonge a-t'il pu vivre aux côtés des siens ? Quelle est la part de vrai dans ce qui a constitué son existence ? Se définit-il comme celui qu'il était aux yeux des autres ou comme celui qui trahissait dans l'ombre ? Comment réconcilier les 2 faces du personnage ?

Antoine, double de l'auteur, se questionne sur la part de mensonge et de vérité chez ce traitre, SON traitre. Leur amitié était-elle réelle ? Ou Tyrone l'a-til utilisé complaisament pour ses activités d'espion ? Est-il lui-même coupable de n'avoir rien vu ? Coupable d'avoir trahi la cause républicaine à laquelle il s'était attachée, en aidant Tyrone à se loger lors de ses séjours parisiens, prétextes secrets à ses trahisons ? 

Sorj, à travers ses personnages de papier, cherche des réponses, cherche à accepter l'innaceptable, à faire son deuil tout simplement d'un homme, d'un ami qui par sa traitrise remet en cause tous ses gestes et toutes ses paroles.


Mon traître est un roman admirable qui m'a extrêmement touchée et confirme tout le bien que je pensais de cet auteur après  La légende de nos pères. Ma critique n'est bien évidement pas à la hauteur de ce que j'ai ressenti à la lecture de ce roman mais j'espère vous avoir donné envie de découvrir ce grand auteur qui est pour moi un grand coup de coeur !

 

Mille mercis à la découvreuse qui m'a mis ce livre entre les mains !

 

 

D'autres avis :

Les conquis : Emmyne - Aurore - Marie - La liseuse - Enna -

Les mitigés qui me fendent le coeur : Amanda - Fashion - Chiffonnette - Ys -

 

 

Rencontre avec Sorj Chalandon :

 

mon-traitre-03.jpgEt oui, après David Vann, C'est Sorj Chalandon lui-même que j'ai pu découvrir lors d'une rencontre à la librairie du coin, à l'occasion de la sortie de Retour à Kyllibegs, qui revient sur cette trahison mais cette fois-ci du point de vue du traître.

Une rencontre fort prenante, fort émotionnelle qui m'a même fait oublier de prendre une petite photo souvenir mais peu importe !

L'intervenante n'était pas formidable mais Sorj s'est révélé un auteur chaleureux et bavard qui raconte avec beaucoup d'enthousiasme et de détail sa vie de journaliste et son travail d'écrivain.


 

En effet, il est tout d'abord revenu sur son parcours de journaliste au sein du journal Libération. Il a évoqué avec passion sa vision du journalisme.

"Je déteste les journalistes qui se mettent en scène, qui expliquent comment ils ont fait pour y arriver. "

Pour Sorj, seul les faits comptent. Il faut s'effacer devant eux pour pouvoir mieux les transmettre.

" Mon travail, c'est de montrer ce qui se passe."

Sa propre douleur ne compte pas et il doit juste rapporter ce qu'il a vu.

" Mon journalisme à moi est de rapporter ce que je vois et pas ce que je pense."

Néanmoins tout cela ne veut pas dire des reportages froids et désincarné.

" Nos émotions interviennent dans le choix des mots que nous faisons." mais surtout " L'écriture est un des vecteurs de l'émotion des autres, pas de la mienne. "

Il souligne d'ailleurs que : "On a toujours trop de mots". Voilà une assertion qui illustre parfaitement aussi son écriture romanesque.

 

L'auteur a ensuite évoqué L'Irlande et son rapport à ce pays.

C'est "un pays qui a un sens de la communauté très profond". Il constate que "tout ce que j'aime est interdit en Irlande du Nord"  car synonyme de rebellion : la langue, la musique, le drapeau, ...

" Si l'on supporte que tout ce qu'on aime est banni, alors on est vieux. "

Sorj reconnaît qu'il n'a "aucun droit d'écrire un livre sur l'Irlande." Mais qu'il a "pris ce droit car j'ai été parti prenante d'une trahison. "


En parlant de Denis Donaldson : " Cet homme-là a été comme un frère. C'est celui qui ne peut pas trahir. "

En tant que journaliste, il ne pouvait pas écrire là-dessus. " J'étais trop proche".

" Mais il fallait que ça sorte, d'où le roman." 

La seule question qu'il se pose : "est-ce que notre amitié était vrai ?" En écrivant ce roman, il pensait "que ma rancoeur serait apaisée." Hélas... 

" J'ai écrit Retour à Kyllibegs pour être lui, je voulais voir le petit français à travers ses yeux."

" En faisant les deux, je vais refermer cette tombe. "

Sorj reconnaît que, depuis qu'il a rendu ce livre, il n'a pas écrit une ligne. 

" Je suis vidé, fatigué, usé, apaisé de ma rancoeur."

" J'ai l'impression d'être allé trop loin dans la douleur." et qu'il va  "avoir du mal à redescendre."

"Tyrone est ma part de traitrise. "

Dans Kyllibegs, Sorj avance une raison de la trahison de Tyrone. C'est une  "raison qui a été avancée pour celle de Denis." mais  "surtout, c'est une trahison qui me va."

" Ce qui m'intéresse, c'est les mécanismes de la trahison."

Le traître peut aussi d'une certaine façon  "faire la guerre à la guerre". Il a  "l'espoir que ce qu'il fait est aussi une façon de faire la paix."


A la question d'une lectrice qui y voit une écriture masculine, il répond que "La blessure n'a pas de sexe " et rapporte une anecdocte de salon : des lectrices, trompées par leurs maris, qui ne s'intéressent pas particulièrement à l'Irlande mais qui ont retrouvées dans le roman le même sentiment d'humiliation qu'elles avaient connues.

Plus loin, il explique à un autre lecteur, sa manière de travailler en reportage. Il utilise un carnet de notes où sur la page de droite, il note tout ce qui est factuel, même les mensonges qu'on semble lui raconter, et sur la page de gauche, ses propres impressions. Des impressions qui peuvent devenir par la suite des romans.

L'auteur nous annonce que le plus beau compliment que l'on puisse lui faire, c'est de lui dire qu'on ne sait pas si on a VU ou LU son roman.

Lors de ses reportages journalistiques, Sorj prend à coeur d'accompagner les photographes.  A la différence de certains journalistes qui écrivent leur papier bien à l'abri dans leur hôtel, les photographes doivent aller sur le terrain pour ramener une image. Ils ne peuvent pas tricher et sont au plus près des faits.

il nous annonce d'ailleurs clairement sa position sur le journalisme d'aujourd'hui : "Je trouve que c'est un métier qui est salopé."

 

Sorj Chalandon terminera la rencontre en nous disant qu'il a l'impression que sa tournée de rencontres est "un tour d'adieu". Que "l'Irlande va redevenir ma sphère privée". Qu'il va enfin aller sur la tombe de Denis, lui dire les quelques mots qu'il n'a jamais su lui dire jusqu'à présent.

 

Vous l'aurez compris, ce fut une extraordinaire rencontre ! Sorj Chalandon est un auteur qui donne de sa personne. Il est sorti de cette rencontre épuisé d'avoir puisé dans ses émotions. Comme cela doit être difficile de toujours revenir sur les mêmes blessures devant des inconnus ! Et pourtant, cet homme se livre comme jamais avec pudeur et sensibilité. avec humour aussi. Il revient sur sa douleur, sur ses failles avec beaucoup de réserve. C'est un étonnant mélange de confession et de retenue qu'il est difficile de décrire. Ce fut aussi une rencontre où il livra de douloureux secrets familiaux avec une charge émotionnelle qui a dû prendre aux tripes toute l'assemblée présente. Des secrets que je ne vous rapporterais pas, car il a souhaité modestement qu'ils ne soient pas rendu publics, mais qui éclairent et donnent une autre dimension à son oeuvre. Sa facilité à les énoncer devant nous, pauvres lecteurs lambdas, qu'il ne connaît pas et en qui il ne peut avoir une totale confiance m'a complètement désarçonnée. Comment cet homme trahi peut-il continuer à avoir confiance dans les gens ? Je ne peux qu'être admirative devant cet homme généreux et blessé qui réussit à dépasser ses peurs et sa souffrance morale.

Un auteur que je commence à admirer pour ce qu'il écrit mais donc aussi pour ce qu'il est humainement, pour sa façon d'être au monde. Personnellement, je ne peux que vous en souhaiter tout autant si vous avez la chance d'aller à la rencontre de cet homme...

 

 

 


Titre : Mon traître

Auteur : Sorj Chalandon

Editeur : Grasset

Parution : Janvier 2008

  275 pages 

Prix : 17,90€


Editeur : Livre de poche

Parution : Août 2009

  216 pages 

Prix : 6€

 



Partager cet article
Repost0
9 octobre 2011 7 09 /10 /octobre /2011 17:28

 

Chocoshoot féminité 07

 

Je profite de la publication des résultats du concours ChocoShoot pour vous présenter ici ma photo.

Que je vous explique un peu mon idée...

 

A la base, j'avais en tête des sous-vêtements féminins sur une corde à linge.

Pour moi, rien de plus typiquement féminin que la belle lingerie en dentelle.

Genre ça :

bas-culotte-fil-a-linge.jpg

 

 

Sauf que je n'ai pas de fil à linge, ni de jardin où pendre mon linge.

J'ai par contre 2 balcons : un qui donne sur une cour arborée mais où je ne peux pas accrocher de fil

et un autre qui a de vieux crochets dans le mur mais qui donne sur les toits et un mur aveugle.

Trêve de difficultés, je m'atèle à trouver une solution...


Alors ne riez-pas mais faute de corde à linge, faute de corde tout court, j'ai utilisé... un cable TV que j'ai enroulé comme j'ai pu autour des crochets

Après, il a fallu trouver les bons spécimens à accrocher...

en blanc, ça n'allait pas, pas assez tranché. Les soutifs : pas assez esthétiques sur un fil.

Bref, au lieu de faire un portrait groupé, je suis partie sur un gros plan sur le tissu noir en dentelle.

Et là, croyez-moi, j'en ai chié pour trouver le bon angle et faire une photo sans l'immeuble d'en face, sans la rambarde, sans le plafond du balcon du dessus, sans les antennes, sans un truc qui parasite en bref !

Je me suis contortionnée dans tous les sens pour prendre la photo par en dessous afin d'avoir uniquement du ciel... sauf que c'était impossible !

Du coup, j'ai essayé d'intégrer le morceau de plafond en jouant sur les lignes.

Et finalement, après plus d'une heure de prise, j'ai fini par avoir quelque chose de montrable !

Bref, c'est pas vraiment ce que j'avais prévu mais ce n'est pas si mal

 

 

Les dimanches en photos sont aussi chez : 

 Liyah, Tiphanie, Choupynette, Fleur, Liliba, SeriaLecteur, Margotte, Estellecalim.

 


Partager cet article
Repost0
9 octobre 2011 7 09 /10 /octobre /2011 17:10

 

Choco Shoot 01

Voici les résultats attendus du ChocoShoot 5 sur le thème de

La féminité.

 

Nous n'avons été que 9 participants cette fois-ci.

Le thème a fait peur à bon nombre d'entre vous !

 

Vous avez été également moins nombreux à voter :

67 votes environ 80 habituellement...

 

Toutes les photos ont pourtant reçues des votes

mais 3 votants n'ont pas trouvés leur bonheur dans celles proposées. En effet, vous pouvez désormais voter blanc suite à la remarque pertinente d"une visiteuse !

 

2 photos se sont rapidement démarquées et le gagnant remporte le concours avec 2 voix d'avance.

 

De qui s'agit-il ?

 

Et bien, de moi-même.... avec la photo 7 !

 

Chocoshoot féminité 07

 

Un grand merci à ceux qui ont votés pour cette dernière !

Je ne m'y attendais pas du tout, vu comment j'ai galéré pour les prises de vue

 

Voici les statistiques de votes :


 

chocoshoot-5-graphique.jpg

 

J'ai pour ma part voté pour la photo 4 qui m'a tout d'abord surprise : je ne m'attendais pas à voir une femme sous forme de dessin et j'ai adoré l'idée !

Alors lorsque le dessin est très bien fait et que la photo l'a met en valeur, c'est tout bon pour moi !

Même idée pour la photo 1 et sa statue : là encore, je n'y avais bêtement pas pensé non plus.

J'aime aussi la photo 5 et ses belles jambes baignant dans une ambiance bleutée.

 

Et vous, qu'avez-vous aimé ou pas ? Et pourquoi ?

N'hésitez pas à partager vos critiques  et à expliquer votre photo sur votre blog !

 

Voici donc la liste des photos attribuées :

 

Photo 1 : Liliba

Chocoshoot féminité 01

 

Photo 2 : Aifelle

Chocoshoot féminité 02

 

Photo 3 :Fleur

Chocoshoot féminité 03

 

 

 

 

 

 

 

Photo 4 : Bauchette

Chocoshoot féminité 04

 

Photo 5 : Didi

Chocoshoot féminité 05

 

 

 

 

 

 

 

Photo 6 : Saxaoul

Chocoshoot féminité 06

 

 

 

 

 

 

 

Photo 7 : Choco

Chocoshoot féminité 07

 

 

 

 

 

 

 

 

Photo 8 : Irrégulière

Chocoshoot féminité 08

 

 

 

 

 

 

Photo 9 : Oreli

Chocoshoot féminité 09

 

 

Je vous invite dès maintenant à travailler sur le prochain thème que vous avez pu découvrir ici !

 

A table !

 

En espérant que vous serez plus inspiré !


Partager cet article
Repost0
8 octobre 2011 6 08 /10 /octobre /2011 12:51

yann-gross-01.jpgCliquez sur les photos pour agrandir

 

yann-gross-02.jpg

 

yann-gross-03.jpg

 

yann-gross-04.jpg

 

yann-gross-05.jpg

 

yann-gross-06.jpg

 

yann-gross-07.jpg

 

Partager cet article
Repost0
7 octobre 2011 5 07 /10 /octobre /2011 07:00

 

Aujourd'hui, je vous présente une petite adresse dépaysante qui vous mènera à Marrakech.

 

Cafe-du-Livre-Marrakech-05.jpg

 

Créé par une hollandaise et son mari américain, le Café du Livre est, vous l'aurez compris, une librairie - restaurant - salon de thé qui plonge ses visiteurs dans une élégance sobre et confortable.

Le lieu est divisé en 2 espaces : un consacré aux livres et l'autre dédié aux gourmands.

La librairie offre une sélection de 2000 ouvrages dans différentes langues ( anglais, français, allemand, espagnol,...) dont la plupart sont d'occasion.

La cuisine proposée est plutôt internationale.

 

Café-du-Livre-Marrakech 06

 

Cafe-du-Livre-Marrakech-01.jpg

 


Cafe-du-Livre-Marrakech-02.jpg

 

Un café qui semble-t'il vient de changer de déco !

 

Cafe-du-Livre-Marrakech-03.jpg

 

Cafe-du-Livre-Marrakech-04.jpg

 

Ouvert tous les jours de 09h30 à 21h00 - fermé le dimanche.

 

44, Rue Tarik Ben Ziad, Guéliz.
40000 - Marrakech

 

http://www.cafedulivre.com/

 

Cafe-du-Livre-Marrakech-07.jpg


Partager cet article
Repost0
6 octobre 2011 4 06 /10 /octobre /2011 07:00

Desolations-01.jpg

Irène et Gary, mariés depuis 30 ans, vivent en Alaska, au bord du lac Skilak. Un choix de vie qui s'est fait il y a 10 ans, pour se rapprocher d'un idéal de communion avec la nature. Pourtant, c'est une autre vie que le couple s'est construit. Gary s'est perdu dans bon nombre de projets innaboutis. Irène lui a donné 2 enfants, désormais adultes : Rhoda et Mark. Aujourd'hui, à l'heure de la retraite, Gary est pourtant décidé à mener la vie qu'il a toujours rêvé. Ils vont désormais vivre dans une cabane en bois sur une île isolée, au coeur de la nature. Il entraîne dès lors sa femme dans la construction de leur future habitation et s'acharne sur ce projet quelque peu utopique, de manière un peu égoïste et sans être vraiment préparé. Irène, dont le mal-être ne cesse de grandir, voit surtout dans cette entreprise une tentative de Gary de se séparer d'elle et se prête bien malgré elle au projet pour sauver son mariage.

 

Après le formidable Sukkwan Island, voici le génial Désolations ! Si ce dernier prend place lui aussi dans les paysages tourmentés de l'Alaska, David Vann fait preuve de renouvellement tout en y replaçant avec succès ses propres obsessions.

On y retrouve une famille dont l'auteur prend plaisir à décortiquer les sentiments, les peurs, les espoirs, la folie même.

Gary construit sa cabane envers et contre tout. Malgré le temps. Malgré sa femme. Malgré les problèmes qui ne manquent pas de se présenter faute de préparation suffisante. Son obstination est peu compréhensible, il donne l'impression de fuir quelque chose, de se prouver quelque chose, qu'il est capable d'aller au bout de sa volonté. Seul compte ce but qu'il s'est fixé, alternative à tous ses autres projets précédents qui n'aboutirent jamais.

Irène est hantée par le suicide de sa mère, dont elle a découvert le corps pendu lorsqu'elle était enfant. Elle semble être une femme résignée qui s'accroche désespérément à son mari, qui ne le contredit pas par peur de le perdre. Depuis qu'elle s'est lancé dans la construction de la cabane, des migraines atroces viennent l'assaillir et aucun médicament ne semble faire effet.

A leurs côtés, il y a pourtant leur fille Rhoda qui leur rend visite régulièrement, qui s'inquiète de leur absence, qui voit la détérioration de leur relation. Rhoda vit avec Jim, un dentiste fortuné qui lui offre tout le confort nécessaire. Mais sa relation avec lui ne la satisfait pas complètement. Jim semble de pas s'impliquer totalement. Le mariage dont il parle reste un projet lointain. Son frère Mark vit avec Karen et continue de mener une vie insouciante : kart avec les copains, fumette entre amis. Le sort de sa famille lui importe peu et il reste en retrait de tout ce qui la concerne.

Dès le début, la tension est palpable. Le couple Gary / Irène communique avec violence, s'envoie des piques régulières et réagit avec susceptibilité. Même le silence entre eux semble synonyme de reproches. Les maux de tête d'Irène ne font qu'accentuer la pression et Gary semble y prêter peu d'attention. Alors que Rhoda s'interroge de plus en plus sur sa vie avec Jim, ce dernier se laisse séduire par Monique, une amie de Mark venue passer quelques jours chez eux en compagnie de son petit ami Carl. La jeune femme est peu farouche et prête à utiliser ses charmes pour obtenir quelques faveurs sans débourser un centime.

Vous l'aurez compris, cette famille, ces différents couples sont tous au bord de la rupture, de la faille. La tension que l'on ressent dès l'entrée en matière du roman ne fera que s'accentuer. Et le drame ne peut être bien loin avec David Vann.

 

Desolations-03.jpgSkilak Lake

 

David Vann nous offre ici un roman encore plus abouti que son précédent. C'est à un véritable drame psychologique auquel nous allons assister. Les personnages sont tous extrêmement détaillés, leur propre individualité, leur propre peur ou espoir. Leur propre voix aussi : l'auteur utilise 7 narrateurs différents et le procédé nous permet de pénétrer leur inconscient encore plus profondément. Pourtant le trait commun de tous, c'est une certaine peur de la solitude. Gary semble fuir les hommes, Irène craint l'abandon de son mari à l'image de celui de sa mère, Rhoda semble se satisfaire d'une relation bancale pour éviter un célibat peu enviable, Mark s'enferme dans son insouciance pour mieux se protéger des autres, Carl très amoureux refuse de voir la trahison de Monique. La solitude semble être la situation ultime à éviter à tout prix. Quitte à faire des compromissions, à trahir ses proches ou même trahir ses propres aspirations.

Le mariage ou le couple est vu, non pas comme une alliance amoureuse, mais plutôt comme un rempart à la solitude. Et c'est un constat très amer qui ressort du mariage à l'issu du roman.

 

" On peut choisir ceux avec qui l'on va passer sa vie, mais on ne peut pas choisir ce qu'ils deviendront. "


Désolations est un livre véritablement désenchanté qui s'attache à montrer le côté sombre en chacun de nous.

La terre d'Alaska, synonyme de pureté originelle, de retour à un état de nature simple et harmonieux, s'avère ici le miroir réfléchissant de leur propre lâcheté. Vu sous un jour menaçant, elle n'est pas l'antre hospitalière que l'on veut bien nous faire croire. Elle ne fait qu'accentuer ou souligner nos propres sentiments, bons ou mauvais.

Il sera aussi ici question d'héritage et de transmission. POur Irène, l'histoire se répète inlassablement, de générations en générations. Elle tente de mettre en garde sa fille contre l'illusion confortable du mariage, elle veut briser le cycle des déceptions. Mais pour Rhoda, ce n'est que l'expression désespérée d'une femme malheureuse dans son propre couple.

 

Désolations se révèle véritablement un roman puissant et déchirant qui vous emmène au coeur de l'âme humaine et vous retourne par un final extrêmement fort qui, s'il ne m'a pas étonné, m'a complètement pris au dépourvu.On y retrouve les thèmes de l'auteur : la famille, le manque de communication entre ses membres, la solitude, la folie, le suicide et la mort. Des obsessions que David Vann réussit à transcender ici avec brio pour donner um roman universel sur la désillusion des hommes.


Un roman indispensable !

 

D'autres avis :

InColdBlog - Emeraude - Lili Galipette - Petit Sachem - Karine - L'accoudoir - Stephie -

 

Liens :

Premières pages du roman à lire

Rencontre d'1h à la librairie Mollat écouter

 


Rencontre avec David Vann :


Il s'avère que l'auteur est venu il y a un peu moins d'un mois dans ma ville. Je n'avais pas encore lu Désolations mais il était évident que je ne pouvais rater la rencontre organisée par la librairie. Le traducteur de David était Oliver Gallmeister lui-même et ce fût également un plaisir de découvrir cet éditeur talentueux.

J'ai pris quelques notes mais elles ne s'avèrent pas totalement complètes... Aussi, vais-je faire de mon mieux pour vous rapporter les quelques propos tenus lors de ce rendez-vous avec l'auteur.

 

Desolations 02

Tout d'abord, il faut savoir que David Vann pratique une sorte d'écriture inconsciente. Il s'astreint tous les matins à des séances d'écriture, tournée de dédicaces ou pas, où il laisse son insonscient parler. Ainsi, le roman se fait en quelque sorte devant ses yeux. Il ignorait par exemple que le fameux coup de théâtre de Sukkwan Island aurait lieu, tout comme il ignorait que Désolations parlerait de mariage. Il ne savait pas non plus que ce roman aurait 7 points de vue différents : une technique qui lui a d'ailleurs "permis de respirer" tant le roman est oppressant.

Ce roman est né il y a 14 ans de cela mais ce n'est qu'il y a 2 ans qu'il a eu une vision d'Irène lors d'un séjour en Alaska.

David reconnaît qu'il y a beaucoup de lui dans ce roman, même s'il ne s'en rend compte que par la suite, avec des analyses ou questions de journalistes par exemple ! Il pensait que le mariage lui était étranger mais un journaliste aurait réussi à lui faire dire le contraire.

  " J'ai besoin de beaucoup d'années pour prendre conscience de ce qu'il y a dans mes livres. "

Désolations est donc un livre sur le mariage et la transmission. Pour l'auteur, il y a un lien entre les échecs des mariages et les relations mère/fille. On découvre ici l'importance de ce qu'une mère lègue à sa fille et inversement.

Irène tente d'effacer le suicide de sa mère (NDLR : elle a d'ailleurs occulté la plupart de ses souvenirs maternels précédant le suicide) en tentant de donner des fondations solides à sa propre famille. Elle est désemparée devant son échec et n'arrive pas à rassembler les morceaux de sa vie pour en faire une histoire cohérente.

Gary est un homme lâche, qui n'a pas le courage d'affronter la réalité. Il  apeur du noir, de ne pas tenir seul la nuit (comme l'auteur ! Rires !). Son vrai crime est de ne pas avoir vraiment aimé Irène.

Rhoda aurait été inspirée par sa propre soeur qui se marie par ailleurs ce mois-ci ^^

Pour David, Rhoda est le seul personnage positif du roman. Son couple est le plus important dans l'histoire. Et pourtant, lorsqu'elle est trompé par Jim, c'est ce dernier qui est humilié et non pas elle.

Le manque de communication des personnages entre eux reflète celle de la propre famille de l'auteur (rires !)

David concède que lorsque les gens sont sous pression, on découvre qui ils sont réellement.

C'est pourquoi dans la vraie vie, il faut se mentir ! (rires !)

La présence importante de la nature est d'ailleurs un élément à part entière.

Avec l'héritage des poètes romantiques, la communion avec la nature est une façon de retrouver sa bonté naturelle. POur David, c'est une idée fausse. La nature ne fait que renvoyer aux personnages leur propre image. C'est pourquoi, l'auteur consacre beaucoup d'attention aux décors et au paysage : il est comme une ardoise vide qui va se remplir avec les sentiments des personnages.

David souligne malgré tout que l'Alaska est un endroit merveilleux ! Mais que beaucoup de gens vont s'y installer en dernier recours car ils n'ont rien d'autres dans la vie.

Pour lui, il s'agit également du mythe fondateur des Etats-Unis : le retour à la nature entrainerait la bonté et expliquerait le fait que les américains continuent à faire les pires choses dans le monde. Vann souligne d'ailleurs que de nombreux survivalistes se cachent des autorités fédérales, en Alaska. De nombreuses personnes font aussi pousser de l'herbe car elle est très forte là-bas ! Au final, les personnes normales sont très rares ! (rires !) De toute façon, personne en France ne pourra venir le contredire (rires !).

Désolations se révèle aussi un roman sur la fuite. Gary, par exemple, fuit qui il est réellement.

C'est un livre qui parle d'élan : on pense qu'on va quelque part et finalement on se rend compte que l'on va vers autre chose.

Pour David, "Il n'y a pas de destin, il n'y a que la peur que l'on en a. "

L'auteur reconnaît que "la plupart des livres que j'aime parle de l'enfer, comme Méridien de sang. "

Pour lui, l'enfer est une invention littéraire et non religieuse. Il s'agit d'un paysage imaginaire où l'on met tout ce que l'on n'aime pas. L'errance des personnages dans un enfer est finalement une manière de les tester eux, ainsi que les lecteurs.

 

Cette retranscription est bien évidemment parcellaire mais j'espère qu'elle vous aura un tant soit peu intéressée et servie à comprendre le roman et l'auteur !

David Vann s'est révélé un homme simple et accessible. Loin de l'image d'auteur tourmenté, il affiche une douceur et un sourire constant qu'on ne peut imaginer en lisant ses textes. Je ne peux que vous encourager à aller à sa rencontre si vous avez la chance de l'avoir dans le coin !



 


Titre : Désolations

Auteur : David Vann

Editeur : Gallmeister, Nature writing

Parution : Août 2011

  297 pages 

Prix : 23€


 

1% littéraire 2011

 

challenge nature writing

Partager cet article
Repost0
5 octobre 2011 3 05 /10 /octobre /2011 07:00

3-secondes-01.jpgImaginez : vous suivez le parcours d'un rayon de lumière se réfléchissant  sur la moindre surface qui croise son parcours.

Imaginez que ce parcours de 3 secondes soit ralenti et découpé de manière à vous permettre de voir à taille humaine l'environnement qu'elle parcoure.

Imaginez que cet environnement que vous découvrez contient en son sein l'intrigue d'un meurtre, ses protagonistes et ses raisons.

Imaginez que c'est à vous de démêler le pourquoi du comment en faisant preuve d'observation.

Vous obtiendrez l'album 3''.

 

Difficile d'expliciter mieux cet album hors-norme et très conceptuel. 3 '' est un album sans paroles qui place le lecteur au coeur du trajet d'un photon et va lui permettre de suivre le trajet de la lumière sur 3 secondes. Un trajet pas anodin qui va traverser une ville de divers côtés et former peu à peu un scénario que le lecteur va devoir reconstituer. 

Par exemple, vous partez d'un oeil dans lequel se reflète le téléphone portable que tend devant lui le personnage ; téléphone qui lui-même reflète la scène qui se passe derrière le personnage, scène qui contient un miroir, etc...  Vous allez ainsi sauter d'une surface réfléchissante à une autre, dans une sorte de travelling zoomé. A vous d'observer attentivement les éléments du décor et de reconstruire un récit de manière linéaire à l'aide des différents indices.


L'intrigue en elle-même se base sur un scandale qui parait dans la presse et va entraîner la suppression de celui qui dérange. Qui est visé ? POurquoi ? Quels sont les commanditaires ? A vous de le découvrir !

Une intrigue qui, il faut bien le reconnaître, ne s'avère pas fort originale et laisse quelque peu froid.

Mais pour autant, l'intérêt de l'album est ailleurs. Vous l'aurez compris, il s'agit de la construction extrêmement ingénieuse que Marc-Antoine Mathieu a donné à cette histoire. Habitué aux expérimentations graphiques, il compose à travers des planches de 9 cases, un parcours étudié qui donne toutes les clés au lecteur à coup de ricochet lumineux.

En effet, en suivant les reflets de la lumière, le lecteur va avoir droit à différents angles de vue d'une même scène, complétant ainsi à chaque page les informations distillées sur la scène. Je dirais même les scènes. Car outre, la scène centrale, la lumière va se balader aux alentours, dans le ciel, dans d'autres bureaux, etc... offrant ici encore d'autres pistes.

3 secondes qui paraissent peu, d'un point de vue temporel, mais MAM réussit à faire sensiblement avancer les faits décrits. Par exemple, nous pouvons voir l'avancée d'une balle tiré d'un pistolet. Des secondes tout à fait essentielles qui vont amener les suppositions du début à une autre conclusion finale.

Bref, toute la difficulté et la prouesse de cet album est de tracer un découpage cohérent qui donne à chaque planche des indices pertinents pour le lecteur avec la contrainte de la réfléction de la lumière. Mais aussi, en dehors du scénario lui-même,c'est la justesse et la cohérence des images entre elles. Certaines images sont des reflets, des reflets de reflet. Le sens gauche / droit des décors doit être respecté.Le lecteur doit d'ailleurs se munir d'un miroir afin de découvrir certains indices.

Tout a été extrêmement calculé donc et a dû nécessiter une somme de travail !

 

On pourra noter également de nombreux clins d'oeil qur l'auteur a distillé tout le long. On peut relever Nikki de Saint-Phalle ou Anish Kapoor par exemple. On croisera aussi un certain Cantona dont l'anagramme du nom se retrouve chez tous les personnages (Tony Carcena, Carine Tonca, ...). Sans compter tous les autres que de nombreux lecteurs s'acharnent à débusquer sur le forum dédié :)

 

Ce qu'il faut indiquer également, c'est que l'album possède un pendant numérique accessible grace à un code situé à l'intérieur. Le site en question vous permet de vivre la même expérience graphique mais sans la coupure de la page dans une sorte de zoom infini (ou presque !) que vous pouvez ralentir ou accélérer, ou même revenir en arrière. Une vidéo graphique intéressante mais qui ne m'a, pour ma part, rien apporté de plus par rapport à l'album papier.

 

Pour moi, s'il ne m'a pas totalement convaincu sur l'histoire en elle-même qui reste un poil légère de par le concept de l'album, 3 '' est vraiment un chef d'oeuvre au niveau de la construction !

De plus, j'ai aimé que MAM mette ici le lecteur au centre de l'action. Loin de demander la lecture passive habituelle, l'auteur pousse son lecteur à réfléchir et d'une certaine façon à construire lui-même l'intrigue. Tout n'est pas donné dans cet album et finalement il y a un certain travail créatif à fournir. Un album qui ne se lit pas en 3 secondes donc !

Un album à l'expérimentation narrative et graphique fortes dont on parle beaucoup actuellement mais, pour une fois, à juste titre. N'hésitez pas !

 

D'autres avis :

Mo' - Noukette - Lunch - Antigone - Yaneck - mec d'Alfie - Lelf -

 

  3 secondes 03

 

 

3-secondes-02.jpg

 

3 secondes 04

 


Titre : 3 ''

  Dessinateur / scénariste : Marc-Antoine Mathieu

Editeur : Delcourt

Parution : Septembre 2011

   80 pages 

Prix : 14,95€


 

bd du mercredi

 

 

Merci à Babelio et à Delcourt !

 

 

Partager cet article
Repost0

Humeur

Le 26 Août 2013 :
Le grenier de choco n'est plus...
Ce blog sera à terme supprimé.
Suivez moi désormais sur :

 

Rechercher