Joseph Lapouthre est professeur au lycée Georges Brassens. Il découvre le nouveau président de la république qui vient d'être élu : Pierre-Marie Tardjet. Ce dernier met rapidement en place une politique sécuritaire et traditionaliste. Il instaure le catéchisme à l'école, les cours de morale, la conscription militaire et les professeurs doivent se conformer aux nouvelles directives. Joseph, choqué, semble pourtant résigné et préfère s'intéresser de près à la jolie et nouvelle collègue, Marie.
Voilà une histoire à forte teneur réaliste qui nous conte la plongée d'un état vers une prise de pouvoir totalitaire. Tardjet, après de premières mesures qui ne semblent pas rencontrer beaucoup d'opposition, intensifie ses actions. Bientôt des caméras de surveillance envahissent les rues et même les salles de classe. Une milice chrétienne est créée et les contestations publiques qui commencent à se faire entendre sont durement réprimées. Au milieu de tout ceci, Joseph tente de contester gentiment au sein de l'école ces mesures mais face à lui il n'y a qu'indifférence ou pire encouragement de son directeur au visage fasciste. Seule Marie, qu'il va bientôt fréquenter, semble éclairer son morne quotidien fait de passivité. Mais, en attendant que les beaux jours reviennent, Joseph va peut-être finir par s'en mêler...
C'est avec effroi que l'on découvre les dérives totalitaires de cet état qui ressemble tant au nôtre... Un état raciste, ultra-sécuritaire qui utilise les peurs des habitants et manipule la population et qui ne sera pas sans rappeler une présidence sarkozyste qui aurait extrêmement mal tournée. Manolo Prolo signe ici un album très engagé envers toute forme de mesure liberticide mais dénonce par ailleurs les dangers de la passivité. Si une certaine opposition secrète finira par se manifester, on ne pourra que constater que le mal et la violence ont, hélas, déjà pris place dans le pays.
On ne peut que remercier l'auteur pour cette intention louable de mise en garde contre les extrêmismes, en ces temps d'élections en tout genre. Si les nouvelles règles édictées se mettent en place progressivement et de manière tout à fait insidieuse, leur accumulation dans un temps plutôt court semble malgré tout moins réaliste. Les personnages, très différenciés, offre d'un angle d'approche très intéressant. Joseph est un monsieur tout le monde qui, tout en s'indignant immédiatement sur ces différentes mesures, peine malgré tout à aller au bout de son engagement et à s'impliquer de manière plus concrète dans la rébellion. Son direteur, au contraire, présente un visage plus que déplaisant, appuyant avec enthousiasme toute sorte de réflexions racistes et moralisantes, stigmatisant les intellectuels forcément inutiles, les arabes forcément tous intégristes, les pauvres forcément des branleurs, les jeunes forcément tous des sauvages, etc...
Marie et l'histoire d'amour qu'elle entraîne m'a semblé plus effacée et moins pertinent.
Manolo Prolo déploit un trait fort adéquat à cette histoire morose et délaye de beaux lavis en noir et gris.
Il nous offre un album intelligent qui nous rappelle de ne pas être des moutons et de n'accepter aucune action qui tenderait à resteindre nos libertés. Une histoire plus qu'intéressante mais qui peine quelque peu à s'éléver et à être véritablement marquante. A découvrir sans se poser de question pour la piqure de rappel libertaire et pour apprécier son expression graphique !
D'autre avis :
Paka -
Titre : Les beaux jours reviennent
Auteur : Manolo Prolo
Éditeur : Même pas mal
Parution : Avril 2012
112 pages
Prix : 20€