
Lire est bien le cadet des soucis de la reine d'Angleterre... jusqu'au jour où elle se retrouve dans un bibliobus par un concours de circonstances qui l'amène à emprunter un livre par politesse. Un commis de cuisine rencontré au bibliobus va alors devenir son conseiller de lecture. Choisissant tout d'abord les ouvrages d'auteurs qu'elle a cotoyé dans le grand monde, elle finit par attaquer les romanciers les plus ardus. Bouleversée par ses découvertes littéraires qui en entrainent indéfinement d'autres, la reine va commencer à négliger les obligations dûs à son statut et devoir faire face à la désaprobation grandissante du palais.
Nous allons découvrir dans ce roman une reine très touchante mais un peu coincée qui, à 80 ans, va se mettre à penser grace à la lecture. L'ironie de l'auteur sur le protocole du palais de Buckingham, sur le manque de sincérité et de spontanéité de ses habitants, sur l'intimité des écrivains, sur les chefs d'état incultes (oui oui on pense au même !) est présent tout au long du roman. On se régale de la chute complètement inattendue
Il offre également de belles réflexions sur la lecture, son pouvoir subversif et sa place dans nos sociétes actuelles. Place qui devient si peu importante qu'on soupçonne la reine de sénilité à force de s'y adonner avec tant de passion !
C'est une lecture jubilatoire que ce roman à l'humour bien trempé que je vous conseille fortement !
Petit extrait :
"Windsor accueillait ce soir-là un banquet d'apparat : le président de la République française s'était placé aux côtés de Sa Majesté tandis que la famille royale se regroupait derrière eux ; la procession se mit lentement en marche et rejoignit le salon Waterloo.
- Maintenant que nous sommes en tête à tête, dit la reine en adressant des sourires de droite à gauche à l'imposante assemblée, je vais pouvoir vous poser les questions qui me tracassent au sujet de Jean Genet.
- Ah... Oui, dit le président.
La Marseillaise puis l'hymne britannique suspendirent durant quelques instants le déroulement des opérations, mais lorsqu'ils eurent rejoint leurs sièges, Sa Majesté se tourna vers le président et reprit :
- Il était homosexuel et il a fait de la prison, mais était-ce vraiment un mauvais garçon ? Ne pensez-vous pas qu'il avait un bon fond, au contraire ? ajouta-t-elle en soulevant sa cuillère.
N'ayant pas été briefé au sujet du dramaturge chauve, le président chercha désespérément des yeux sa ministre de la Culture, mais celle-ci était en grande conversation avec l'archevêque de Canterbury.
- Jean Genet, répéta la reine pour lui venir en aide. Vous le connaissez ?
- Bien sûr, répondit le président.
- Il m'intéresse, dit la reine.
- Vraiment ?
Le président reposa sa cuillère. La soirée promettait d'être longue. "
Note : *****
Editions Denoël - 12€