Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
19 août 2011 5 19 /08 /août /2011 07:00

berceuse-pour-un-pendu-01.jpgVoilà un étonnant roman qui m'est bien difficile de présenter !

Nous sommes en Islande et nous allons suivre 3 curieux huluberlus qui se sont trouvés en amitié. Le narrateur, immigré polonais, est un poète qui s'invente toute sorte de métier pour survivre, comme celui de mime dans une ville qui n'en a jamais connu ! Il y a Boro, un croate, peintre de son état et homme excentrique qui joue de l'harmonica à une orque apprivoisée ! Enfin, on découvre Szymon, un autre polonais, violoniste de haut vol mais aussi souffrant d'une bipolarité qui le rend parfois fou.

 

Les 3 amis se retrouvent régulièrement pour des expéditions atypiques et rocambolesques quelque peu improbables. Le narrateur se déguise en clown et finit par devenir mime. Ou alors, il improvise une peinture pour mieux la fourguer à un prix luxueux dans un café. Il tente de vendre des poèmes dans une armoire sous le nom de Hugo de Hugo.

Boro a la phobie du vert et se change en pelouse.

Szymon n'est pas en reste lui qui part se baigner... dans un champ de lupins bleus, semblable à un océan.

 

[...] Nous nous sommes retrouvés sur un plateau jonché de lupins, des kilomètres de toutes les nuances de bleu possibles et imaginables. [...] Nous sommes sortis. Je me suis appuyé au capot, me délectant de l'extraordinaire spectacle, et Szymon a pris dans la voiture son maillot de bain et sa serviette qu'il a étendue par terre comme le font les baigneurs à la plage de Miedzyzdroje. Il s'est complètement déshabillé et a enfilé son maillot de bain bleu, a sorti son archet, son violon, l'a accordé et a demandé : “Tu ne te baignes pas, n'est-ce pas ?” et avec son violon il est entré dans le champ de lupins. Il est allé de l'avant , lentement, tenant son instrument au-dessus de sa tête, comme s'il ne voulait pas le mouiller, comme s'il barbotait dans les vagues. [...] Il s'est immobilisé, j'ai entendu une douce musique en provenance du champ. C'était un air serein et mélodieux, en parfaite harmonie avec le lieu. [...] Le vent s'est levé. La mélodie s'est mêlée à son souffle. Un orchestre philharmonique au coeur de la mer, oui, au coeur de la mer, car à cet instant seulement j'ai compris que nous étions vraiment au bord de la mer, que c'étaient des vagues marines, que c'était un vent marin, que tout n'était que musique, et qu'au loin l'homme se baignait, se baignait dans les vagues et dans la musique.

 

berceuse-pour-un-pendu-02.jpgChamp de lupins bleus islandais


Nos trois compères vont trainer à Rekjavik et dans les environs. Ils iront faire peur à des voleurs de groseilles pour mieux se repaître de leur butin. Ils repeindront en vert et rose la statute d'un poète local. Ils se font des virées à Ikée... pour le restaurant et ses hot-dogs ! etc...

 

Vous l'aurez compris, c'est un texte fort atypique dont il s'agit ici, oscillant entre absurde et poésie. Ce roman est en réalité d'inspiration autobiographique. Klimko retrace d'une certaine manière son exil dans l'ile islandaise et évoque tout particulièrement son amitié avec Szymon Kuran, un vrai violoncelliste célèbre, atteint de bipolarité et qui s'est suicidé en 2005 dans sa folie.

 

“Hubert, promets-moi  d'écrire quelque chose après ma mort. Sur nous, notre amitié, l'amour ... Tu le mettras à ta sauce, tu donneras des couleurs à tout ça. Dis, tu le feras ? Promets-le-moi !” J'ai promis."


Et de fait, Berceuse pour un pendu est une sorte d'hommage à Szymon mais aussi à Boro, hommes à la fois burlesques et désespérés que l'exil ou la maladie fait souffrir.

En dehors de cette ode à l'amitié, le roman se révèle être également une réflexion sur le statut de l'exilé comme sur celui de l'artiste incompris. Les 3 amis sont des immigrés et peinent à trouver leur place. Déracinés, leur seul point d'ancrage est le trio qu'ils forment et les aventures loufoques qu'ils vivent. Leur statut d'artiste leur permet toutes les excentricités mais il n'en rste pas moins qu'ils demeureront anonymes, pauvres et incompris. Seul le narrateur trouvera sa voie en rencontrant la femme de ses rêves. Cela signifie-t'il que seul l'amour peur sauver ? La question est posée !

 

Je dois dire que ce roman m'a totalement déstabilisé ! Je ne suis pas vraiment adepte de l'absurde et je dois dire que j'ai eu des difficultés à rentrer dans le petit monde hors-norme des 3 personnages. POurtant, peu à peu, le lecteur se laisse embarquer sans plus chercher à comprendre et découvre un univers où les fous sont en liberté, où la désespérance fait loi tout en étant nuancé par l'ironie et l'humour présent dans diverses situations.

 

[...] ces islandais qui n'ont pas la moindre notion de l'art car, toujours selon Boro, en cinquante ans, on ne peut pas passer, d'un coup, de la cabane aux salons, du viol des brebis au sexe raffiné avec la princesse.

 

Un auteur surprenant à découvrir donc !

 

Extrait :

 

" L’homme qui ressemblait à Korczak, Maximilien Kolbe et Gandhi et portait des lunettes susceptibles, par beau temps, de mettre le feu à un champ de blé ou à une grange s’est présenté. Je suis Szymon Kuran. Enchanté, ai-je répondu. Non, c’est moi qui suis enchanté, a-t-il rétorqué, toi, tu as seulement l’impression de l’être. Il devait avoir raison, il était sans doute enchanté, alors que moi je ne faisais qu’exprimer une impression par une formule toute faite. C’est ce qu’on appelle la bonne éducation. Un mélange d’interdits et d’accommodements climatiques. Szymon mangeait son hot-dog, j’ai voulu lui poser une question, mais Boro s’est interposé. Alors, cette histoire de graviers, a-t-il zézayé. Ce n’est pas bien compliqué, ai-je répondu. Il faut que tu fasses comme les poules ou les autruches, elles n’ont pas de dents non plus, et pour bien digérer elles avalent de tout petits cailloux qui broient les aliments à la place des dents. Abasourdi par le raccourci intellectuel et cette histoire sans queue ni tête, Szymon a écouté mon bref exposé gastrologique, a posé l’emballage de son hot-dog sur la table et s’est mis à rire doucement. Boro et moi poursuivions une conversation entamée le mois précédent à propos de l’achat d’un dentier ou d’un petit sac de graviers. Voyant la réaction de Szymon, Boro a conclu sa phrase comme de coutume. À l’anglaise et laconiquement. « Fuck you », a-t-il dit, puis il a enfourné le reste de son hot-dog en fanfaronnant. Comme il avait du mal à avaler l’énorme bouchée, il a bu quelques gorgées de flotte rapportée des toilettes dans un gobelet en carton et a répété : « Fuck you. »"

 

A noter :

Le nouveau roman d' Hubert Klimko sort au mois de Septembre 2011 : Les toutes premières choses.

Le coeur brisé par une beauté cruelle, le jeune Hubert quitte son pays natal. Prêt à dévorer le monde, il commence par faire du stop, plumer des volailles et cueillir des fraises tout en rêvant à la belle Ulla.
Visitant l'Europe et son propre passé, le jeune vagabond croisera les destinées rocambolesques d'un Japonais fleur bleue diseur de bonne aventure, d'un oncle fanatique de la gelée de framboise, d'un pommier magique et d'un psychothérapeute qui joue à l'hirondelle. Des rencontres aussi belles qu'insolites qui le conduiront à entreprendre une tout autre odyssée, celle de l'écriture.

 

D'autres avis :

Bluegrey -

 

Liens :

Interview de l'auteur


 

Berceuse pour un pendu

Hubert Klimko

Editeur : Belfond

Septembre 2010 - 156 pages - 16€

Partager cet article
Repost0
19 septembre 2009 6 19 /09 /septembre /2009 11:14



Dzsata, 11 ans, vit dans la Roumanie (qui n'est jamais nommée) des années 80, en compagnie de ses parents. Mais un jour, son père s'en va en compagnie de mystérieux inconnus sous prétexte de travail et promet à son fils de l'emmener voir la mer à son retour. En vérité, il a été arrêté et envoyé aux travaux forcés pour cause d'opposition au pouvoir mais cela, son fils ne le découvrira que plus tard. Dès lors, l'attente de Dzsata se fait longue.

Récit à la première personne,  nous allons découvrir son quotidien dans un pays sous la dictature communiste où la corruption fait rage, où les enfants sont forcés au travail pour le paiement de bonbons pris par obligation, où la guerre naît entre 2 clans d'enfant pour la possession d'un ballon de foot, où les entraineurs dirigent leur jeunes recrues à coup dans les tibias, où la menace nucléiare n'est pas loin... Bref un pays difficile pour un enfant qui cherche sa place.
Mais il y a aussi les premiers émois amoureux, les expéditions à la recherche d'une salle de projection secrète et coquine, les rencontres avec un grand-père silencieux.
Dzsata espère toujours le retour de son père que beaucoup croient mort et que lui-même cherche à faire revivre dans ses gestes du quotidien : très belle scène de cueillage illicite de fleurs pour sa mère comme avait coutume de faire son père. Père qui est toujours "le roi blanc" (pièce d'échec volée dans la maison d'un ambassadeur du parti) qui le protège de la violence du monde.

Les anecdoctes se succèdent et le roman dresse un portrait noir de cette enfance sous le signe de la violence mais éclairée malgré tout par quelques embellies.
La succession peut toutefois devenir un peu lassante et donner quelques signes d'ennui et de longueur.
Le roman reste pourtant poignant, sans pathos et écrit dans une langue enfantine qui correspond parfaitement au narrateur.

Inspiré par la vie de l'auteur lui-même, hongrois de Roumanie, "Le roi blanc" est un récit très réaliste dans la Roumanie de Ceausescu. A 15 ans, Dragoman a quitté la Roumanie avec sa famille pour s'installer à Budapest en 1988 et ce sont les dernières années précédant son départ, les pires du régime, que nous retrouvons ici.
Un auteur à découvrir !


Note : ***


Editions Gallimard - 23,50€

Partager cet article
Repost0

Humeur

Le 26 Août 2013 :
Le grenier de choco n'est plus...
Ce blog sera à terme supprimé.
Suivez moi désormais sur :

 

Rechercher