Jack est en passe de fêter ses 5 ans. Contrairement aux autres petits enfants de son âge, il n’y aura pas de grosse fête d’anniversaire. Pas de cadeaux en profusion. A peine un gâteau. C’est que Jack vit seul avec sa maman dans une petite pièce dont il n’est jamais sorti. De l’extérieur qu’il pense imaginaire, il ne connaît rien, à part le ciel aperçu de la lucarne et les étranges images que la télévision lui renvoie. Peu importe, il vit en fusion totale avec sa maman qui l’allaite encore et invente d’innombrables jeux pour l’occuper. Seul le grand méchant Nick qui vient visiter sa mère la nuit trouble son sommeil. Aussi, quand maman lui fait comprendre petit à petit que l’extérieur existe vraiment et qu’il faut tenter de s’enfuir, Jack ne comprend pas et voit son petit monde chamboulé.
Jack est le narrateur de cette histoire divisée en différentes parties. La première est centrée sur la vie à l’intérieur de cette petite pièce qui constitue leur seul univers. Avec son langage enfantin, il donne à voir à sa façon son univers aussi restreint soit-il. Il donne un nom aux objets qu’il côtoie (Monsieur Tapis, Monsieur Lit, Madame Table, Petit dressing…) et semble avoir une vie parfaitement rythmée par des tâches ou des jeux quotidiens : le jour du bain, le jour du ménage, le Cadeau du dimanche apporté par Grand Méchant Nick.
« On a des milliers de choses à faire tous les matins, comme donner une tasse d'eau à Madame Plante, dans Monsieur Evier pour pas en renverser partout, et après remettre le pot sur sa soucoupe, sur Madame Commode. Avant, Madame Plante habitait sur Madame Table, mais la figure dorée du bon Dieu lui a brûlé une feuille. Il lui en reste neuf de ma largeur de main et toutes couvertes de fourrure. Maman dit que les chiens sont pareils. Mais les chiens, ça existe que dans Madame Télé. Je trouve un bébé feuille qui commence à pousser : ça fait dix. «
Sa maman semble vraiment très attentive et tendre à son égard. Elle fait preuve d’une grande inventivité pour occuper le petit garçon et crée des jeux, invente des histoires, à partir d’objets du quotidien, de petits riens faits avec les moyens du bord. Il fait du sport, des activités manuelles, de la lecture. C’est un enfant très vivant qui parait équilibré tandis que sa maman connaît une souffrance qu’il ne comprend pas. « Maman », elle, souffre de cet enfermement. Même si elle tente d’épargner son fils de ses peurs, elle tombe parfois dans une tristesse et une catatonie auquel Jack est habitué. Son envie de fuite est un mystère pour le petit Jack pour qui la chambre est un véritable cocon. Un « nid » dangereux néanmoins dont la mère va tenter de s’échapper.
Sans vous déflorer la suite de l’histoire, je pense que vous avez compris la problématique de cette histoire. Une mère et son fils, enfermés dans quelques mètres carrés. Un homme dangereux qui leur rend visite la nuit. L’envie de fuir de cette jeune femme qui veut retrouver la vie extérieure.
Voilà un roman qui vous rappellera de sombres pages des faits divers.
Je dois donc dire que je suis vraiment rentrée à reculons dans Room, suspicieuse une fois encore à toute utilisation de faits véridiques pour nous fourguer un simili roman.
Et contre toute attente, j’ai vraiment été bluffé par ce roman !
L’entrée dans le récit ne s’est pas faite évidente. La personnalisation de tous les objets du quotidien de Jack, leur répétition ainsi que la description routinière de leur vie s’avère particulièrement longue et peu passionnante. Pourtant, indispensable, elle ne fait que mettre en relief l’horreur de cette vie limitée, quand bien même Jack ne s’en rend pas encore compte.
Puis peu à peu, le récit prend de l’ampleur. On discerne les questionnements de la maman, son implication dans le développement « normal » de l’enfant, sa difficulté à l’épargner tout en souhaitant lui faire prendre conscience d’un Dehors où la notion de liberté existe.
La suite sera encore plus impressionnante lorsque le Dehors prendra véritablement place dans leur vie. Quelle sorte de vie peut les attendre là-bas ? Peuvent-ils trouver leur place dans une vie où toutes les règles édictées ou presque sont abolies, où l’espace et la liberté donne le vertige et font peur ?
Room est un roman véritablement surprenant, un tour de force qui, loin du pathos attendu, délivre une parole à la fois naïve et terrible, à travers la voix de Jack. Eloge de l’amour et de la maternité, il est aussi une sorte de roman d’apprentissage un peu particulier, celui d’un petit garçon qui découvre le monde et ses possibilités, du haut de ses 5 ans et qui va devoir trouver son propre libre arbitre, indépendant de sa maman. Un roman particulièrement fort que le sujet, de prime abord difficile, ne doit pas vous empêcher d’aborder !
D’autres avis :
Mango –Joelle – La ruelle Bleue – Zarline – Clara – Virginie -
Titre : Room
Auteur : Emma Donoghue
Editeur : Stock, La cosmopolite
Parution : Aout 2011
400 pages
Prix : 21,50€