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16 avril 2012 1 16 /04 /avril /2012 07:00

maison-de-sugar-beach-01.jpgHélène Cooper est née au Libéria dans les années 60. Issue d'une famille aisée, ses ancêtres étaient des esclaves américains affranchis qui ont quittés l'Amérique pour s'installer au Liberia au 19ème, des congos. Des hommes qui par leur statut de héros, de responsables politiques ont acquis une position fort enviable par rapport aux indigènes locaux. Mais de toute ceci, Hélène n'a cure, petite fille qui vient de s' installer dans une immense villa et qui s'effraie de ces nuits dans la grande chambre où elle doit désormais dormir seule. Sacrifiant à la coutume, ses parents lui trouve alors une compagne en la personne d'Eunice, jeune indigène de basse condition. Si les débuts de la cohabitation sont difficiles, les  filles finissent par nouer une amitié forte. Leur vie se poursut insouciante jusqu'au coup d'état de 1980 qui obligent Hélène et sa famille à fuir le pays, en laissant Eunice...

 

Hélène Cooper nous livre ici un récit autobiographique qui mélange destinée individuelle et Histoire nationale du Libéria. Le lecteur découvre son enfance libérienne, le quotidien d'une famille d'importance que tout le monde connaît et respecte. On navigue entre les jeux naïfs de l'enfance, les premières amours, le déchirement du divorce parental et les grandes lignes de l'histoire libérienne  à travers le parcours des ancêtres d'Hélène qui ont participé à la création de cet état. 

A la moitié de l'ouvrage, tout bascule et Hélène doit faire face à des violences insoupçonnées. Sa famille fuit aux Etats-Unis où elle peine tout d'abord à reconstruire sa vie. Son coeur est encore au Libéria ainsi que sa soeur Eunice. Peu à peu, elle réussit à devenir une vraie américaine et se lance à corps perdu dans le projet de devenir une grande journaliste reporter. Oubliant son pays d'origine pour mieux avancer, Hélène finira pourtant par revenir à cette terre qui l'a vu grandir.

 

Autant annoncer la couleur tout de suite : ce livre m'a profondément ennuyé....

Contrairement à d'autres lecteurs, je n'ai pas réussi une seule seconde à m'intéresser au parcours d'hélène Cooper. La longue trajectoire de ses ancêtres, la multiplicité de leurs noms qui m'ont totalement perdue, l'insouciance de cette famille aisée qui a des "boys" pour la servir, leur formidable maison de 22 pièces, cette petite Eunice qu'on vient adopter pour mieux réconforter les 2 filles de la famille, l'occultation d'Hélène par rapport à Eunice pendant x années, son retour coupable au Libéria : tout ça m'a laissé de marbre et je n'ai ressenti aucune empathie devant leur parcours plus ou moins chaotique.

Je dois dire que, pour une raison que j'ignore, le continent africain ne m'intéresse pas. Aussi plonger dans l'histoire du Libéria envers lequel je n'ai aucune curiosité outre mesure ne m'a pas aidé à m'enthousiasmer pour cet ouvrage.

Certes, j'ai découvert l'histoire de ce pays à travers le destin des Cooper mais pour autant, je ne m'en trouve pas plus riche. Bref, je pense que ce livre n'était tout simplement pas pour moi. Inutile de m'étaler donc et de trouver des raisons.


Je vous renvoie donc aux avis de lecteurs plus positifs :

Leiloona - La ruelle Bleue - Lucie - Claire -

 

 


Titre : La maison de Sugar Beach

Auteur : Hélène Cooper

Editeur : Zoé

Parution : Septembre 2011

    352 pages 

Prix : 22€


 

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17 mars 2012 6 17 /03 /mars /2012 10:00

gaston-et-gustave-01.jpgOlivier Frébourg est un écrivain qui s'apprêtait à être père. Mais c'est trois mois avant terme que les jumeaux que sa femme attendait sont arrivés. Arthur est mort. Gaston, lui, a survécu. Mais c'est une douloureuse attente que les parents s'apprêtent à vivre. Soigné dans un service de néonatalité, le jeune prématuré doit se battre pour survivre. Entre espoir et cauchemar, le père tente de maintenir la tête hors de l'eau en convoquant la grande figure de Flaubert, dont la statue orne l'entrée de l'hôpital. Un auteur qui a toujours refusé la paternité pour mieux écrire et auquel s'est beaucoup nourri Olivier Frébourg.

 

Olivier Frébourg n'est pas le premier auteur à se pencher sur le deuil d'un enfant.

 

"Alors pourquoi s'entourer de ce petit tas de livres sur les enfants morts ? Quand je parviens à en lire quelques lignes, ils me paraissent étrangers : j'essaie de trouver en eux une improbable consolation. La mort d'un enfant est devenu un genre littéraire. Il est impossible pour un écrivain qui subit une catastrophe de ne pas en faire un linceul de papier. Combien de parents ont perdu leur enfant sans encombrer les librairies ?"

 

Cette tragédie qui le frappe de plein fouet est un véritable naufrage pour l'auteur qui va développer une culpabilité certaine. Cette escapade à Saint-Malo était-elle une bonne idée ? N'a-t'elle pas involontairement provoqué cet accouchement prématuré ? A-t'il fait les bons choix dans sa vie ? Cette vie voyageuse et aventureuse qui a toujours été la sienne est-elle compatible avec la vie de famille ? Père heureux de 3 grands enfants, l'auteur s'interroge pourtant sur la figure du père et de l'écrivain. Peux-t'on porter les deux rôles en même temps ? Pour Flaubert, la réponse est non. Le prolifique écrivain a, pour sa part, fait le choix de l'écriture alors que Frébourg a pris les deux casquettes. A tort ?

Entre confession douloureuse et réfléxion littéraire sur l'écriture et sur Flaubert, Gaston et Gustave n'échappe pas à une certaine forme de voyeurisme. Frébourg n'hésite pas à confier ses peurs, ses sentiments, sa colère, son quotidien de père de prématuré. Il nous narre l'infini de ces journées, à attendre un signe de bien portance de l'enfant survivant, à craindre les rechutes, nombreuses, à refuser le coup de fil du matin qui annoncerait le pire. Il décrit l'horreur d'avoir à faire le deuil de celui qui n'eut pas le temps de vivre, l'organisation de sa crémation, sa solitude face à sa douleur, l'équilibre de la famille qui est brisé.

Il s'interroge sur sa vie, sur la manière dont il l'a conduite faisant peu à peu le lien avec celle de Flaubert. Tissant des parallèles entre eux deux, il nous conduit peu à peu dans l'intimité du grand homme, détaillant parfois des pans biographiques de l'auteur, explicitant certain faits d'écriture, certaines conduites qui le ramène à son propre statut d'écrivain.

S'il parle de lui en toute sincérité, Frébourg garde pourtant une certaine pudeur. Rien ne sera dit ou presque de ses relations avec la mère des jumeaux, de son propre ressenti à elle. Une femme qui semble un peu absente ici et qui d'ailleurs finira par l'être tout à fait envers l'auteur. Un point de vue que l'on pourrait regretter sauf que le sujet n'est pas là.


Se penchant sur sa propre douleur, sa propre culpabilité, Frébourg nous oblige malgré tout, d'une certaine façon, à voir le délitement de sa vie, à partager peut-être une part intime qui ne nous concerne pas. Comme pour le "roman" de  De Vigan qui m'avait gênée, le lecteur se voit plongé dans la vie d'un homme qu'un bouleversement soudain plonge dans une terrible souffrance. S'il est impossible de rester de marbre devant ce drame humain, il n'empêche qu'on assiste à une période très personnelle de l'auteur. C'est un homme plutôt bourgeois qui fréquente des milieux intellectuels élevés, à qui la vie réussit et qui semble mener une vie facile ponctuée de belles amitiés et de nombreux voyages. Jusqu'au jour où la machine se grippe et le conte de fées se termine.

Néanmoins, Frébourg réussit peu à peu à donner de l'ampleur à son récit. Se soustrayant quelque peu à son histoire personnelle, le livre prend un tour plus intéressant lorsque ce dernier pénètre plus profondément dans la vie de son auteur fétiche. Animé d'une belle plume qu'on ne peut lui enlever, Frébourg m'a beaucoup plus convaincue dans sa réflexion littéraire que sur sa propre expérience de la prématurité.

C'est donc un axe d'écriture assez original que de mettre en echo sa propre vie avec celle d'un grand auteur. Si le décalage est grand entre les deux auteurs, les passerelles m'ont semblées pertinentes tout en laissant malgré tout un sentiment ambigu de mélange des genres.

Gaston et Gustave est donc un document qui ne remportera pas l'adhésion de tout le monde.

 

 

D'autres avis : 

Leiloona qui s'est, au contraire, ennuyée avec les passages flaubertiens - Lucie -Claire -

 

 

 

 


Titre : Gaston et Gustave

Auteur : Olivier Frébourg

Editeur : Mercure de France

Parution : Septembre 2011

    233 pages 

Prix : 17,90€


 

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3 janvier 2012 2 03 /01 /janvier /2012 07:00

veuf 01Jean-Louis Fournier a perdu sa femme. Le coeur de Sylvie s'est arrêté de manière inattendue, laissant l'auteur à sa solitude et à son chagrin.

Veuf, loin d'être un récit larmoyant sur la détresse d'un homme, est un véritable hommage à l'absente, à celle à qui il doit d'être ce qu'il est.

 

L'auteur nous raconte donc son veuvage, au gré de ses souvenirs. Il parle de leur rencontre, des moments de joie à ses côtés. Mais surtout, il se penche sur sa propre solitude et à travers elle, ne fait qu'évoquer un peu plus Sylvie.

Il y a le courrier qui arrive toujours à son nom, les catalogues de roses et les factures d'un téléphone qui ne sert plus. Il y a son nom dans le répertoire qu'il faut un jour effacer à tout jamais. Il y a les questionnaires stupides de satisfaction du crématorium ou pire encore, l'échelle de point de malheur qu'un grand psychologue dresse dans son "sortir du deuil".

 

« Celui qui a eu 10 contraventions, ça lui fait 110 points, donc il est plus malheureux que s'il avait perdu sa femme.»

 

Il parle de la gêne des proches, des mots de consolation qu'on ne trouve pas et qui ne servent, de toute manière, à rien.

Mais surtout, il nous raconte Sylvie, sa Sylvie. Celle qui avait tant de coeur, ce coeur qui l'a lâché injustement. Celle qui savait donner vie aux plantes, qui a su apprivoiser ses 2 enfants handicapés. Celle qui était attentive et l'aidait dans son travail.

Il s'adresse parfois à elle directement, souligne avec douceur les conséquences de son départ.

 

" Le plus terrible c’est que je vais mourir seul, tu ne seras pas là pour me rassurer, me tenir la main, me fermer les yeux. "

 

Mais loin d'être le récit plombant attendu, le texte contient la légèreté, l'humour aussi parfois dont l'auteur use ici avec pudeur et élégance. Il se moque de sa propre personne, dédramatise les faits tout en nous montrant par là toute la difficulté de continuer à être, tout simplement. Une litanie rythme ses mots, qu'il tente de faire sienne.


"Tous les jours, à tout point de vue, je vais de mieux en mieux."

 

L'humour et la dérision lui servent de garde-fou pour ne pas sombrer.

 

Mais à travers ses successions d'anecdotes, de souvenirs, Jean-Louis Fournier offre en fait un véritable hommage envers son aimée. Il ne pouvait lui faire plus beau cadeau que ce texte où l'auteur se met à nu avec ses failles, ses erreurs, et tout cet amour qui occupe souvenirs et objets qui se rattachent à elle. Un amour qui l'a grandi et dont il est reconnaissant de tout ce qu'il lui a apporté.

 

" Elle croyait en moi, et grâce à elle j’ai commencé à y croire. A l’époque, j’étais presque rien, maintenant je suis presque quelque chose."

 

Avec une économie de mots, une pudeur délicate et une élégance sans pareille qui se pare parfois de touches ironiques pour alléger son propos, Jean-Louis Fournier réussit avec brio à parler du deuil, de son propre deuil sous une forme originale qui ne pourra que toucher au coeur le lecteur. Un hommage vibrant et émouvant à une femme aimée comme chacun voudrait peut-être en être un jour l'instigateur. A mille lieux d'un récit nombriliste et larmoyant , Veuf nous confie le souvenir poétique de Sylvie afin qu'elle continue d'être à travers la mort. A nous de faire de même avec nos morts mais aussi nos vivants, en n'oubliant pas la valeur des petits bonheurs et de l'amour dans sa simplicité.

La vie continue et n'oublions pas qu'il "est poli d'être gai" comme nous le rappelle l'auteur avec cette exergue de Voltaire.

 

 

Extraits :

 

"Quand je regarde tes petits chapeaux, je pense avec une infinie tristesse à ton cerveau, tombé en panne sèche, de sang. Il est éteint définitivement. Tu ne penseras plus jamais à moi… J’ai regardé à l’intérieur des chapeaux s’il ne restait pas une petite pensée pour moi."

 

"Tu étais le pôle positif, j'étais le pôle négatif. ça faisait de la lumière , et souvent des étincelles."

 

"Elle n’aimait pas parler d’elle, encore moins qu’on en dise du bien. Je vais en profiter, maintenant qu’elle est partie."

 

" Depuis que la rayonnante Sylvie s'est éteinte, il fait sombre dans la maison , je vis dans la pénombre . J'ai eu beau changer les ampoules, j'ai eu beau en mettre des plus puissantes avec plein de watts , il fait toujours sombre."

 

" Tu as été ma plus belle qualité,j'espère ne pas avoir été ton plus gros défaut."

 

D'autres avis :

Cathulu -

 


Titre : Veuf

  Auteur : Jean-Louis Fournier

Editeur : Stock

Parution : Octobre 2011

    160 pages 

Prix : 15,50€


 

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1% littéraire 2011

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26 décembre 2011 1 26 /12 /décembre /2011 12:20

disparue de san juan 01

Marie-Anne Erize a disparue en octobre 1976 à San Juan, Argentine. Enlevée sur la place publique, la jeune femme n'est jamais réapparue et son corps n'a jamais été retrouvé. Elle avait 24 ans.

Philippe Broussard, journaliste au Monde, a rencontré la mère de Marie-Anne, il y a 10 ans à l'occasion d'un reportage. 3 ans plus tard, cette histoire continue à le hanter. Il décide alors d'enquêter sur la disparition de la jeune femme, tentant de trouver la vérité à son sujet.

 

Le journaliste débute son ouvrage en retraçant les premières années de Marie-Anne. Il raconte sa famille installée dans une pampa désertique. Il la suit adolescente dans les années 70 où la jeune fille vit quelque temps à Paris, jouant les mannequins tout en gardant un engagement important envers son pays. Bientôt, elle devient une militante active des Montoneros, péronistes de gauche et s'affirme contre la dictature. La pression du gouvernement argentin se fait de plus en plus marquée mais Marie-Anne refuse de quitter son pays. Elle paiera le prix de son engagement : elle sera enlevée et tuée, comme des milliers d'autres argentins qui dérangeaient la dictature.

 

L'auteur semble véritablement fasciné par son sujet.

Broussard a fait d'ailleurs le choix de présenter la vie de cette dernière de manière romancée. Un choix qui ne me convainc pas du tout.

Le portrait qu'il dresse de la jeune fille est très (trop) flatteur. Marie-Anne est belle, intelligente. Elle a du coeur et paraît être la jeune femme parfaite. Trop parfaite. La volonté de l'auteur de nous la montrer sous son meilleur jour devient rapidement agaçante et la figure de sainte qu'elle revêt, trop accentuée.

Broussard n'a pas connu cette fille. Il reconstruit son image à partir de témoignages variés et semblent embellir continuellement son "personnage".

A un peu plus de la moitié de l'ouvrage, le lecteur ne plongera toujours pas dans l'enquête sur sa disparition proprement dite et restera empêtrée dans la vie de cette jeune fille qui finit par lasser. 

Autant vous dire que pour ma part, j'ai fini par jeter l'éponge...  j'espérais plonger dans les coulisses de la dictature argentine, découvrir l'atmosphère de l'époque. Je pensais que l'ouvrage aurait une portée plus universelle envers tous les disparus de la dictature. Que nenni.

L'auteur reste fixé sur cette jeune femme et peine à s'en délier. Peut-être que mes attentes étaient décalées quant au contenu de l'ouvrage...


Toujours est-il que la construction de l'essai ne m'a pas beaucoup plus convaincue.

Broussard intercale entre chaque chapitre les longues lettres qu'il envoie à la mère de Marie-Anne. Des lettres à sens unique dont on ne connaît pas les réponses (mais y'en-a-t-il eu ?), ce qui réduit d'autant plus l'intérêt de cette correspondance. Il détaille avec un luxe de précisions ses démarches, ses recherches et donne l'impression de se lamenter sur la disparition de cette jeune femme si bien. On ne saura rien de la réaction maternelle face à ses missives : agacement, ignorance, reconnaissance ? Pour ma part, j'ai eu le sentiment que l'auteur réveillait régulièrement la douleur de la famille, obligeait la mère à suivre son enquête. Cette femme n'avait rien demandé, tentant certainement de faire le deuil d'une fille au corps perdu. La démarche de l'auteur part certainement d'une bonne intention mais peut-être que la mère souhaiterait aussi que le passé ne soit pas déterré ? Nous n'aurons pas la réponse.

Des lettres donc à l'intérêt limité mais qui coupe en plus la lecture de manière régulière et intempestive.

 

disparue-de-san-juan-02.jpg

 

Vous l'aurez compris, je n'ai pas aimé cette enquête qui ressemble plus à une tentative de reconstruction idéale d'une jeune femme disparue. Si la démarche de recherche de la vérité que Broussard entreprend est salutaire, ce dernier semble bien trop impliqué et fasciné par son sujet pour donner un ouvrage véritablement intéressant sur la dictature argentine. On pourra me rétorquer que son enquête prend un tour nouveau dans la dernière partie de son livre qui aborde un peu plus, je le suppose, le sort de Marie-Anne après son enlèvement. Néanmoins, les 300 pages précédentes sur la vie romancée de la disparue n'auront eu pour effet que de me faire fuir.

 

 

D'autres avis :

Leiloona - Lucie -

 


Titre : La disparue de San Juan

  Auteur : Philippe Broussard

Editeur : Stock

Parution : Février 2011

    442 pages 

Prix : 22€ 


 

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25 octobre 2011 2 25 /10 /octobre /2011 15:25

la-plus-belle-histoire-des-femmes 01Derrière le titre un peu pompeux de cet essai se cache tout simplement l'histoire de la condition féminine à travers les âges. L'ouvrage se présente sous la forme d'entretiens conduits par Nicole Bacharan, historienne et politologue, avec 3 femmes de qualité, spécialistes du sujet.

Découpé en 3 parties, il se penche tout d'abord sur les origines de la discrimination féminine qui remonte à la préhistoire, puis trace les grandes lignes de l'évolution du statut de la femme à travers les siècles et les différentes sociétés, avant de terminer en posant les bases philosophiques de la place des femmes contemporaines et la place qu'il leur faut trouver aujourd'hui.

 

C'est Françoise Héritier, anthropologue, qui débute la réflexion dans cette première partie. Elle explique que la supériorité du masculin sur le féminin est bien culturelle et remonte aux temps anciens des hommes préhistoriques. La femme a "le privilège exorbitant d'enfanter" des femmes à son image mais aussi des hommes. Ce pouvoir est dès lors la cause de la subordination des femmes : les hommes s'approprient les femmes afin de s'assurer qu'elles enfantent LEUR fils à eux. Ils les privent de liberté, leur refuse l'accès au savoir pour empêcher toute émancipation et les relègue dans le domestique.

Une conception originelle qui pose les bases de notre condition aujourd'hui et qu'on retrouve encore dans notre inconscient. Par exemple, lorsque vous expliquez à un enfant la procréation, on dit facilement que le papa met une graine dans le ventre de maman. Cela revient à dire que la femme est une "marmite" et que l'identité de l'enfant vient du père ! Françoise Héritier poursuit sa réflexion en précisant la répartition des rôles et les premières atteintes aux femmes (viols, mutilations sexuelles, ...)

la-plus-belle-histoire-des-femmes-02.jpg

Michelle Perrot, historienne spécialiste de l'histoire des femmes, dresse dans la seconde partie du livre le parcours de la femme à travers les époques. Les thèmes abordés sont extrêmement variés. Après avoir explicité son statut intime et personnel (bébés filles non désirées, instruction orientée, mariage, imaginaire amoureux, maternité, amour maternel, naissances non désirées, veuvages, ...), elle se penche ensuite sur ces femmes qui sortent des critères traditionnels (religieuses, saintes, femmes violées, prostituées, lesbiennes, femmes artistes ou écrivaines) en s'appuyant particulièrement sur le rôle de l'Eglise. L'historienne évoque ensuite le statut de la femme au travail, ses domaines de compétence très typés, la différence de salaire, l'évolution de son instruction. Elle termine enfin par la place des femmes dans la "cité", dans la sphère publique et politique où sont prise les décisions, son rôle de citoyenne et son statut juridique, et les débuts du féminisme.

 

Dans la dernière partie, Sylviane Agacinski, philosophe, ouvre la réflexion sur la pensée et l'identité féminine d'aujourd'hui. Elle évoque, par exemple, le problème du féminin dans la langue et les règles de grammaire ou les représentations domestiques encore en cours aujourd'hui. Mais la philosophe prône surtout le fait que les femmes doivent aujourd'hui inventer leur propre identité et non pas s'affirmer en copiant les hommes. Elles doivent assumer leur féminité et trouver une place équilibrée entre vie familiale, vie professionnelle et même politique. Selon elle, une parité inscrite dans la loi est indispensable pour faire avancer les choses. La philosophe est également contre les mères porteuses et la prostitution qui ne sont qu'une preuve supplémentaire que le corps féminin est nié tout comme son propre désir. Elle évoque également les nouvelles techniques de procréation et les dons de sperme et d'ovocytes qui modifie le rapport à la parentalité.

 

la-plus-belle-histoire-des-femmes-03.jpgVous l'aurez compris le regard et la connaissance que posent ces 4 femmes sur notre propre histoire en tant que femme est terriblement passionnant ! Cet essai se révèle presque une lecture indispensable pour les femmes mais aussi pour les hommes, afin de comprendre l'origine de cette non-égalité des sexes et des répercutions contemporaines qui en découlent. 

Conduite sous forme de dialogues, la réflexion est très fluide et très dynamique. Nicole Bacharan questionne ses interlocutrices avec intelligence et permet de suivre un cheminement naturel dans la parole. Elle relance habilement, demande des précisions et nous suivons de manière addictive le schéma d'une condition féminine qui s'est faite avec le temps. Le récit est émaillé de nombreux faits concrets, de statistiques aussi parfois qui viennent éclairer de manière vivante et réaliste le contexte historique. Les propos ne sont pas conduit de manière chronologique et la situation de la femme se décrit surtout à travers les différents thèmes, tous connexes. On y trouve également de nombreux auteurs cités dont les textes reflètent de manière consciente ou non le rôle secondaire de la femme, tout comme des femmes de poids qui se sont dressés pour l'égalité des sexes ( George Sand, Simone de Beauvoir, Simone Weil, Olympes de Gouges, etc..).

Pour autant, les auteurs sont justes et sans gros parti-pris. Elles n'hésitent pas à pointer du doigt aussi les erreurs des défenseurs des femmes ou leur contradiction.

 

La plus belle histoire des femmes s'avère donc en définitive un ouvrage extrêmement salutaire dans une société qui continue de véhiculer l'inégalité des sexes au profit du masculin. Il ne s'agit bien sûr pas d'un ouvrage exhaustif retraçant de manière complète l'histoire de la condition féminine. Il y a tant à dire qu'en 300 pages, l'essai ne pouvait être que synthétique. Pourtant, il permet d'avoir une vision globale et fort bien sélectionné sur les grandes lignes du parcours féminin. Très accessible et sans érudition excessive, l'ouvrage pourra donc renvoyer chaque femme à sa propre identité et l'aider à prendre conscience de la place qu'elle doit prendre aujourd'hui.

 

Salutaire et passionnant, vous dis-je !

(au point que l'ouvrage peut voyager chez les commentatrices connues)

 

D'autres avis :

Leiloona, tout aussi convaincue

 

 

 


Titre : La plus belle histoire des femmes

Auteurs : Nicole Bacharan, Françoise Héritier, Michelle Perrot, Sylviane Agacinski

Editeur : Seuil

Parution : Mai 2011

  309 pages 

Prix : 19,50€ 


 

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27 septembre 2011 2 27 /09 /septembre /2011 07:00

cahier-d-aziz-01.pngChowra Makaremi est une française d'origine iranienne. En 2004, elle découvre un cahier où son grand-père Aziz y consignait les années noires de ses 2 filles disparues dans les méandres de la République islamique iranienne, afin que ses petits-enfants apprennent les détails de leur disparition.

C'est donc le destin tragique de la mère et de la tante de l'auteur qui sont à découvrir ici. Constitué des carnets de son grand-père, l'ouvrage présente également la correspondance croisée des deux jeunes femmes et de leur père, ainsi que le récit de Chowra quant à sa rencontre avec les cahiers de son grand-père.

 

Les notes d'Aziz vont nous plonger au coeur de la révolution iranienne de 1979 et de la répression qui a suivie. Fataneh et Fatemeh, la mère de l'auteur, sont des militantes du parti des mojahedins, principal mouvement qui oeuvra contre la dictature du Shah et qui permit la mise en place de la révolution iranienne. Pourtant, peu après, le mouvement est durement réprimé. Les 2 soeurs sont arrêtés en 1981 et 1982 et vont désormais devoir faire face à de nombreuses tortures et pressions. Fataneh, enceinte, passera quelques mois en prison avant d'être exécutée, après différents simulacres de mort. La mère de Chowra passera 7 années terribles en prison où elle doit affronter interrogatoires musclés, transferts intempestifs, et tortures. Elle sera finalement tuée lors d'une action d'envergure d'exécutions d'opposants. Les corps ne seront jamais rendus à la famille qui aura interdiction de pleurer et de "célébrer" le deuil.


Le cahier d'Aziz, débuté en 1988 jusqu'en 1994, est donc le témoignage d'un homme qui voit ses filles menacées et craint chaque jour pour leur vie. Dans un récit linéaire (mais découpé en chapitres par sa petite-fille), Aziz raconte la peur, les incertitudes, et les multiples recherches. Courant d'une administration à une autre, il tente de connaître le sort de ses filles, essaye de les aider et de les libérer. Il fait passer des colis de nourriture. Des visites familiales seront parfois autorisées mais la peur demeure toujours. La première est exécutée, le désespoir s'abat. Il faut trouver de l'argent, s'occuper des enfants orphelins alors que leur père s'est réfugié en Europe. Le père et la mère découvre peu à peu la déchéance physique de leur fille et leur demande vainement de signer des confessions. Mais les 2 soeurs resteront fidèles à leur engagement et refuseront de se plier à leurs geôliers jusqu'à la mort. 

Bref, c'est l'amour et la détresse d'un père qui est à lire ici.

Mais au-delà du témoignage personnel, c'est également un texte à la portée plus globale qui se révèle une véritable immersion dans les coulisses de la République islamique mise en place par Khomeiny. La répression fut considérable et les morts se comptent en dizaine de milliers. Les corps ont disparus, les tombes sont souvent inexistantes ou fausses et certains détenus sont encore en prison aujourd'hui. Les responsables des massacres sont toujours au pouvoir et l'Iran continue de nier les libertés individuelles.

 

cahier-d-aziz-02.jpgFemmes révolutionnaires - Téhéran, 1979

 

Les cahiers d'Aziz non destinés à être publiés mais à faire connaître la vérité aux 2 enfants de Fatameh présente le défaut de ne pas être très écrit. La construction est un peu bancale, les références parfois peu explicites pour les néophytes en histoire iranienne. Chowra y a d'ailleurs adjoint de nombreuses notes permettant de comprendre le contexte historique de l'Iran, les allusions religieuses et autres spécificités propre à cette culture. On regrettera qu'elles aient été regroupées en fin d'ouvrage au lieu du bas de page, obligeant à un constant aller-retour.

La correspondance et l'histoire du carnet qui suivent les mémoires d'Aziz sont un ajout intéressant qui permettent de mieux mettre en perspective le contexte d'écriture du cahier, la réflexion qui s'est engagé sur l'intérêt de sa publication.

Je dois dire que ce fut, pour ma part, une très intéressante découverte. Je connaissais assez mal l'Iran et plonger dans le passé de cette république dictatoriale permet de mieux comprendre la situation du pays aujourd'hui. Mais malgré les explications de l'auteur, je regrette de ne pas avoir totalement perçu toutes les subtilités historiques des faits. J'ai dû me reporter parfois à quelques recherches sur internet pour mieux comprendre l'enchaînement de certains actes. Le manque de certaines clés personnelles ont certainement été néfastes à la compréhension totale de tous les tenants et aboutissants.

Néanmoins, je comprends l'importance que Chowra donne à ce texte. Outre la forte charge émotionnelle de l'histoire tragique de cette famille, on assiste à une sorte de décryptage intérieur des méthodes de la dictature de l'époque dont on peut malheureusement craindre qu'elle n'ait pas totalement changé...

Dans notre monde d'aujourd'hui, il me semble important de savoir que de telle choses sont encore possibles. Des faits dont on ne parle peut-être pas tous les jours aux informations et qu'il me semble bon de connaître.

 

"C’est dans l’intensité étrange et brute de cette parole arrachée à la mort que la certitude a pris forme : le cahier d’Aziz devait être publié. Il témoignait, à travers le récit d’un homme qui confessait "prendre la plume en l’une des rares occasions de sa vie", de ces moments où l’histoire pénètre les vies individuelles et en façonne aussi bien le cours que la texture même. Ces moments où les destins singuliers, les expériences subjectives du temps et les événements du siècle se fondent dans un même creuset brûlant, aux bords duquel se retourne, les yeux écarquillés, un père au soir de sa vie. "

 

Bref, si Le cahier d'Aziz manque d'une certaine profondeur, d'une vue plus globale des faits qui ouvrirait la réflexion sur la dictature iranienne en elle-même, (mais cela, de par le contexte et le but de son écriture originelle même), il n'en demeure pas moins que cet homme est un témoin de son temps et de son époque et que les crimes, quels qu'ils soient, doivent être dits et connus.

 

« Comment des milliers d’hommes et de femmes, prisonniers politiques, furent exécutés et ce qu’ils vécurent. Comme l’écrit mon grand-père par une dénégation dont je comprends et épouse la tension : "Que cela ne reste pas non dit." »

 

cahier-d-aziz-03.jpgSection femmes de la Prison d’Evin - Laleh Sherkat


 

D'autres avis :

La Recherche - Lucie -

 


Titre : Le cahier d'Aziz

Auteur : Chowra Makaremi

Editeur : Gallimard, Témoins

Parution : Avril 2011

  199 pages 

Prix : 16,90€


 

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26 août 2011 5 26 /08 /août /2011 07:00

vie-immortelle-d-henrietta-lacks-01.jpgHenrietta Lacks : peu de gens savent qui elle est. Et pourtant, c'est une des femmes qui a permis de nombreuses avancées dans la recherche scientifique. Mais Henrietta n'était pas un de ces chercheurs, non. C'était juste une patiente, atteinte d'un cancer invasif de l'utérus. Des médecins ont prélevés quelques cellules afin de tenter de les cultiver en dehors du corps humain. Les expériences tentées jusqu'à présent sont fort peu concluantes, les cellules mourant rapidement. Mais ce qu'ils vont découvrir, c'est que les cellules d'Henrietta sont particulièrement tenaces et qu'elles vont être les premières à survivre en milieu externe et surtout à se diviser et à proliférer avec succès. Un grand pas de la médecine est en marche...

 

C'est à l'occasion d'un cours de biologie que l'auteur entend parler d'Henrietta. Ou plutôt de ses cellules HeLa, comme elles sont nommées d'après les initiales de la patiente.

 

" Il y a sur le mur, la photo d'une femme que je n'ai jamais rencontré . Le coin gauche est déchiré et recollé au ruban adhésif. Arborant un tailleurs impeccablement repassé, elle regarde droit dans l'objectif et sourit, les mains sur les hanches, les lèvres peintes en rouge vif. Nous sommes à la fin des années quarante et elle n'a pas encore trente ans. Sa peau brun clair et lisse, ses yeux encore jeunes et espiègles, semblent se rire de la tumeur, qui privera ses cinq enfants de leur mère, et bouleversera à jamais le cours de la médecine. Sous la photo une légende indique Henrietta Laks, Helen Lane, Helen Larson".

 

Rebecca Skloot entreprend alors des recherches qui vont durer des années pour découvrir la femme qui se vie-immortelle-d-henrietta-lacks-02.jpgcachait derrière HeLa. Henrietta est une femme noire de basse condition qui savait à peine lire, mariée très jeune et mère de nombreux enfants. Femme courageuse, Henrietta a subit des souffrances affreuses que son cancer provoquait sans piper mot. Elle mourra en 1951, à 30 ans, des suites de la maladie qui avait été mal diagnostiquée par les médecins.

A l'époque, de nombreux laboratoires médicaux s'essayent à des tentatives de culture in-vivo afin de cultiver des cellules humaines et de pouvoir réaliser toutes sortes d'expériences. C'est dans ce contexte que les cellules d'Henrietta ont été prélevées, sans qu'elle-même ou sa famille ne soit prévenue. Il va s'avérer que ses cellules feront preuve d'une longévité exceptionnelle et qu'elles se répandront dans tous les laboratoires existants, dans lesquels on les retrouve encore aujourd'hui. Chaque chercheur produit ses propres expériences et de nombreuses innovations vont en découler : congélation de cellules, vaccin contre la polio, composition de l'ADN, recherche sur le cancer et le sida, test et envoi de cellules dans l'espace, banque de cellules,  test des effets de la bombe atomique,  etc...

Pourtant, ce n'est que bien des années plus tard (20 ans !) que la famille Lacks découvre les bénéfices offertes à la science que leur mère leur a laissé en héritage. Un choc à rebours qui va bouleverser leur vie et les faire se sentir trahis et spoliés par les hôpitaux et les médecins qu'ils n'ont eux-même pas les moyens de s'offrir ! Étrange et malheureux paradoxe !

 

"Si notre mère est si importante pour la science, pourquoi est-ce qu'on a même pas le droit à être couverts par la Sécu ?"

 

Rebecca Skloot a entrepris de nous narrer de manière tout à fait accessible l'histoire d'Henrietta, de ses héritiers et celle de la médecine. Elle procède à une construction intelligente qui alterne les chapitres entre pans purement scientifiques de la recherche médicale, histoire familiale d'Henrietta et de sa maladie, et ses propres recherches sur la famille Lacks. Ces 3 pistes alternent à chaque chapitre évitant ainsi un ennui ou une overdose scientifique des faits. Le début de l'ouvrage sera plus concentré sur l'histoire d'Henrietta et sur la recherche scientifique de l'époque alors que la 2ème partie sera plus tournée vers les héritiers d'Henrietta et le "journalisme" (terme de la fille d'Henrietta) de l'auteur.


Pour ma part, l'histoire de la recherche cellulaire et de toutes les avancées scientifiques qui en ont découlées est ce qui m'a le plus intéressé. La journaliste réussit avec brio à expliquer des faits compliqués en ne se noyant pas trop dans un jargon scientifique abscons pour tout lecteur non initié. Comprendre à quoi tiennent les progrès médicaux d'aujourd'hui a été une vraie découverte. On apprendra que les progrès scientifiques n'ont pas toujours été roses et ce sont fait parfois au détriment de certaines personnes. On notera par exemple des cobayes humains ignorant des traitements qui leur étaient appliqués.

Au delà de l'histoire de la recherche en elle-même, on va découvrir les répercutions contemporaines et les grandes questions qui peuvent nous toucher aujourd'hui ou demain : utilisation de vos "déchets" organiques sans votre autorisation, commercialisation de tissus humains, éthique de la médecine,...

 

vie-immortelle-d-henrietta-lacks-03.jpgL'autre partie m'a moins convaincue. Rebecca Skloot raconte avec forces détails ses propres investigations pour entrer en contact avec la famille Lacks. Elle finit par les rencontrer tant bien que mal et noue une certaine relation avec sa fille Déborah. Si ces parties éclairent de manière constructive les répercutions négatives de HeLa sur la famille Lacks en évoquant l'ignorance des enfants sur leur mère, la marchandisation de parties de leur mère qui n'a jamais été partagé avec eux, l'ignorance totale des concepts et des avancées scientifiques par la famille peu cultivée, les difficultés de l'auteur pour construire son livre et retrouver des informations perdues, les atermoiements et les gémissements de la famille ont finis quelque peu par m'agacer et auraient nécessités d'être très légèrement coupés. L'auteur s'est peut-être un peu trop attardée sur l'aspect malheureux mais néanmoins légitime de cette famille et sur les aspects fastidieux de son enquête qui m'ont à la longue un peu ennuyée.

 

Néanmoins, ce document reste à mon avis extrêmement intéressant de par l'éclairage qu'il donne sur notre histoire médicale dont chacun devrait connaître les premières bases. (pourquoi n'apprend-t'on pas ceci à l'école ?) Savoir par quel chemin, quelles expériences mais aussi quels travers, les hommes en sont arrivés à un tel niveau de connaissance sur l'humain me semble important pour savoir à quoi et à qui nous devons notre santé, notre longévité, nos soins. Un ouvrage qui ne se contente pas de se pencher sur notre passé médical mais élargit également le sujet sur notre propre avenir. Quelle place donnons-nous à l'humain dans la recherche médicale ? Peut-on accepter des sacrifiés sur l'autel du bien-être général ?

 

La vie immortelle d'Henrietta Lacks est finalement un bon essai de vulgarisation sur les origines de la médecine moderne à travers l'histoire d'une femme qui a offert, bien malgré elle, la clé d'un progrès scientifique inattendue. Mais c'est aussi un traité sur les enjeux futurs de la recherche qui va devoir aussi avancer sur les concepts éthiques et financiers de la science.

 

 

D'autres avis :

Stephie - Estellecalim - Maggie - Livrogne -

 

 


Titre : La vie immortelle d'Henrietta Lacks

Auteur : Rebecca Skloot

Editeur : Calmann-lévy

Parution : Janvier 2011

440 Pages

Prix : 21,50€


 

prix lectrices ELLE

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5 juillet 2011 2 05 /07 /juillet /2011 16:40

 

mardi c'est permis

 

 

Aujourd'hui, je rejoins Stephie et ses comparses

dans l'opération "le premier mardi, c'est permis"

pour vous présenter une lecture inavouable... ou presque !

Je vais en profiter pour vous parler d'un petit guide

gagné au concours de 5ème de couverture !

 

 

 

 

osez-la-chasse-a-l-homme-01.jpgMesdames,

Vous en avez marre d'attendre que les hommes prennent les devants ? Vous souhaitez choisir vos partenaires avec toute la liberté auquelle les femmes ont désormais droit ? Vous êtes peut-être une chasseuse qui s'ignore et ce livre est fait pour vous ! Ce guide vous donnera une méthode de chasse infaillible, que vous vouliez chasser pour le plaisir ou pour dénicher la perle rare...

 

Vous doutez encore, voilà 7 bonnes raisons de vous convaincre :

" 1- Vous avez passé la trentaine et le prince charmant n'est toujours pas en vue

2 - Vous êtes en train de vous rendre compte qu'il y a "quelque chose de pourri au royaume du mariage".

3 - Vous vous ennuyez dans votre vie sexuelle et sentimentale

4 - Vous vous sentez maussade, vous allez voir trop de docteurs

5 - Vous avez besoin de tester votre séduction

6 - Vous êtes d'un naturel impatient

7 - Vous êtes en train de vous prendre la tête sur le choix d'une cuisine intégrée. "

 

Après vous avoir expliqué les bonnes raisons de vous lancer, l'auteur dresse un petit portrait psychologique de la chasseuse. Indépendante, libre des carcans de la société et un poil féministe, cette dernière se décline en différents courants : les nomades, les collectionneuses, les séductrices, ...

Pour d'autres, la chasse ne peut être qu'une étape avant de trouver l'amour. Néanmoins, le moteur principal reste tout de même le sexe et la chasseuse, une "experte du plaisir".

 

"Devenir une chasseuse implique un changement de mode de vie." Il faut désormais être à l'affût et se saisir de toutes les opportunités qui s'offrent à vous. Grande consommatrice, elle varie les lieux de chasse. Et surtout ne perd jamais le contrôle de ses émotions.

" Habituez-vous, quoi qu’il arrive, à ne jamais vous projeter dans le futur, même une minute, avec qui que ce soit. Chaque fois que vous allez au lit avec un homme, ou même prenez un verre avec un homme, dites-vous que c’est la dernière fois que vous le voyez ".

L'auteur n'hésite pas non plus à nous mettre en garde contre les dangers de la chasse : rentrer bredouille, tomber amoureuse, être chassée, tomber sur une ordure ou sur un dingue.

 

Sachez mesdames que les meilleures périodes de chasse sont :

- Les périodes hormonales : oui, ça manque de glamour mais "la faim fait sortir le loup du bois".

(Brigitte Lahaie nous livrera même son secret pour faire l'amour pendant les règles...)

- Les périodes estivales et les moments de détente qui vont avec : ça tombe bien, nous y sommes !

- Pensez aux heures du midi et attablez-vous près d'un groupe de complets vestons ; quant au soir, moment privilégié à exploiter. Sachez adapter vos lieuxet vos périodes de chasse selon le type de gibier : " Si vous aimez les pères de famille, faites les sorties d'écoles avant 16h30, pendant qu'ils attendent, après, c'est le raz de marée des mioches. "

Attention de bien trier le gibier et apprenez à repérer les bons et mauvais coups."Ne cédez pas à la panique d'une période de pénurie, n'acceptez jamais d'aller au lit avec un homme qui ne vous inspire pas à 100%. "

 

C'est désormais l'heure de découvrir la psychologie du gibier. Attraper un homme, c'est bien mais  faire en sorte qu'il se comporte correctement au lit, c'est mieux.

Voilà les 10 grandes constantes que l'auteur va s'employer à nous décrypter :

" 1 - Les hommes sont lâches, ont peur de tout

2 - Comme ils sont l^ches, ils veulent néanmoins passer pour des héros, ils détestent donc les personnes et situations qui leur donnent une mauvaise image d'eux-mêmes.

3 - Ils n'aiment pas avoir à décider, mais ils n'aiment pas non plus qu'on décide pour eux (passez-moi l'aspirine)

4 - Ils n'aiment ni les conflits, ni les commentaires désobligeants, car dans le monde des hommes tout est forcément parfait, sans problèmes ; normal ce sont eux qui commandent

5 - Les hommes ne voient pas le temps passer

6 - Les hommes sont polygames (mais pas vous !)

7- Les hommes baisent là où ils travaillent, font du sport, mangent ou dorment, pas ailleurs (trop compliqué)

8 - Les hommes n'aiment pas les complications

9 - Les hommes ont une propension naturelle à en faire le moins possible au lit comme ailleurs

10 - Ils ont peur de l(amour, tomber amoureux leur fout une trouille monstre.

Et le numéro complémentaire : une fois qu'un homme a vidé ses testicules, son intérêt pour le réceptacle de son éjaculation baisse au moins de moitié..."

 

Pour conclure par quelques règles de chasseuse à respecter :

" 1. Jamais après tu ne lui courras

2. Amoureuse si tu es, avant lui jamais ne te déclareras

3. Disponible à la dernière minute, jamais tu ne seras

4. A ton heure et dans ton lieu, l’amour tu feras

5. S’il disparaît, aucune question ne posera

6. S’il réapparaît, trois jours entiers devant ta porte il attendra

7. S’il est médiocre au lit, jamais tu ne lui diras et jamais ne le reverra

8. Jamais par dépit tu ne baiseras

9. Dans tous les cas, te fâcher avec un homme tu éviteras

10. Ceux qui te feront souffrir toujours tu quitteras"

 

Jane Hunt vous rappellera qu'une tenue de chasse appropriée est obligatoire. Pas besoin de tenues ostentatoires, de simples messages peuvent être suffisants : des dessous sexy, des bijoux voyants et l'inévitable ROBE ( ou jupe). Le pantalon peut être porté s'il est moulant et met en valeur hanches et fessiers. Osez les matières comme le cuir, la fourrure (qui n'a pas fantasmé à la peau de bête devant la cheminée ^^), les imprimés agressifs panthère, python.Les accessoires sont fondamentaux : talons, sac clinquant, maquillage des yeux et lunettes noires pour jouer avec le regard.

"Pour autant, les messages sexuels émanant du vêtement ou de la mise doivent être clairs"

 

Par la suite, l'auteur nous donne ses conseils beauté pour faire succomber l'homme malgré notre âge, notre poids, notre laideur, etc... (rayez la mention inutile) : l'essentiel est d'être sexuellement excitante ! Soyez prête à tout instant à faire des galipettes et n'hésitez pas à garder un kit de secours sur vous (lingettes intimes, déo, brosse à dent).

"Soyez belle et croyez en vous".

 

Une fois que vous êtes prête, il est temps d'aller sur le terrain. Le monde du travail est un formidable vivier, comme bon nomre de séries US s'escriment à nous le démontrer. Attention cependant aux problèmes de hiérarchie. Internet est un outil fort pratique mais qui a  lui aussi ses défauts. N'oubliez pas les lieux publics, lieux traditionnels de drague, mais qui demandent de la patience.

 

La drague demande  véritablement un plan marketing que la chasseuse doit s'efforcer d'appliquer. Connaissez bien votre "zone de chalandise" et adaptez "votre offre à votre marché" ! Le marché est segmenté en catégories et sous-catégories. L'auteur conseille de "toujours privilégier le coup spontané " et d'apprendre à gérer l'abandonce et la pénurie. Apprenez à repousser l'échéance avec intelligence.

 

L'auteur terminera son ouvrage par le but final de tout ça : le sexe. S'ensuit quelques données hautement pratiques que je vous laisse découvrir !

 

Au final, ce petit guide s'avère assez jouissif . Jane Hunt parle avec humour des techniques de la chasse à l'homme mais ne limite pas son emploi à une pure collectionnite quantitative. Recherchant la qualité et ne dédaignant pas l'amour qui peut surgir à l'issue d'une rencontre sexuelle, ce guide peut s'avérer finalement pratique pour tout type de célibataire chasseuse ou pas, rappelant quelques vérités oubliées (ou non) qui vous aideront à séduire. Ponctués de témoignages, il alterne conseils pratiques, humour et exemples concrets.

Ce fut pour ma part, ma première rencontre avec cette collection et j'ai été très agréablement surprise par le ton humoristique qui cache néanmoins un fond tout ce qu'il y a de plus sérieux ! Je suis prête à renouveler l'expérience !

 

A votre tour mesdames d'oser !!

 

 

 

Osez ... la chasse à l'homme

Jane Hunt

Editions La Musardine

2007 - 128 pages - 7€

 

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20 juin 2011 1 20 /06 /juin /2011 21:40

quinzaine nippone

 

C'est parti pour la quinzaine nippone !

 

Day 1 

 

 

Le-chrysantheme-et-le-sabre-01.jpg

Aujourd'hui, je vais commencer par vous parler d'un essai très connu sur le Japon : "Le chrysanthème et le sabre".

Il s'agit d'un essai commandé par l'administration américaine à une anthropologue. Les Etats-unis sont en guerre contre le Japon et cherche à mieux comprendre les mécanismes de pensée d'un peuple qui les déstabilise.

Ecrit en 1 an, dans un contexte bien particulier, le fait le plus notable de cet ouvrage est que son auteur n'a jamais mis en pied au Japon ! Pourtant, Ruth Bénédict livre ici  un essai de qualité qui fera date et servira de référence aux ouvrages suivants qui s'inscriront en adéquation ou en opposition à celui-ci.Notant les contradictions extrêmes des japonais, elle va s'attacher à les expliquer.

 

"Le sabre et le chrysanthème font tous deux partie du tableau. Les japonais sont au plus haut degré à la fois agressifs et pacifistes, militaristes et férus d'esthétique, insolents et polis, rigides et malléables, soumis et difficiles à mener, loyaux et tricheurs, braves et peureux, conservateurs et ouverts aux nouveautés. Ils se préoccupent beaucoup de ce que les autres vont penser de leur comportement, mais cela ne les empêche pas de se sentir profondément coupables quand ils commettent des erreurs qui demeurent ignorées. Leurs soldats sont capables de la plus stricte discipline, mais ils savent aussi se rebeller. Au moment où il devint si important pour l'Amérique de comprendre le Japon, c'en fut fini du temps où l'on pouvait mettre ces contradictions et d'autres tout aussi frappantes de côté. "

 

Après avoir présenté sa démarche au lecteur, l'auteur évoque l'attitude du Japon actuel (1945) pour pouvoir lancer les grandes lignes de ses recherches.

Le Japon, qui est donc en guerre, possède une vue hiérarchique du monde. Il y a les gagnants et les perdants, des états supérieurs à d'autres et un étagement des relations humaines également. Pendant la guerre, nombreux ont été étonnés de l'attitude des japonais. Belliqueux, prêts à donner leur vie et à subir des privations, les combattants japonais ont pourtant fait preuve d'un revirement excessif lorsque le Japon a rendu les armes. En effet, la population a acceptée avec facilité la défaite et proposa rapidement son aide aux américains persuadés qu'il y aurait rébellion dans les rangs. Mais il n'en fut rien. Cet état de fait vient de l'importance de la hiérarchie dans la conscience japonaise. A partir du moment où ils perdirent la guerre, où l'empereur déclara la reddition, les japonais acceptèrent la défaite : c'est leur loyauté envers l'empereur qui est en jeu.

 

De cette attitude surprenante, l'auteur en tire 2 grands thématiques : le sens de la hiérarchie, le sens de l'honneur et des devoirs.

 

- Les japonais sont ainsi très attachés à la hiérarchie.

 

" Toute tentative pour comprendre les japonais doit commencer par une interrogation sur ce qu'ils entendent pas << chacun à sa place >>. Leur croyance en l'ordre et la hiérarchie, et notre foi en la liberté et l'égalité sont aux antipodes l'une de l'autre ; (...) La confiance des japonais dans la hiérarchie est la base de leur conception des rapports d'homme à homme, ainsi que de l'individu à l'Etat (...) "

 

Les règles sont apprises dès l'enfance. On salue par exemple selon des règles bien définies qui tiennent compte de l'âge, du sexe, de la classe sociale, du rang dans la famille. Dans le cercle familial, le plus âgé décide. La femme est assujetie à l'homme mais reste libre : elle gère le budget, dirige le foyer et est libre de circuler librement. Les enfants, même adultes, doivent se ranger aux décisions du plus ancien ou du conseil de famille. La famille se plie sans remous à ses codes. La tyrannie domestique est rare, le rôle de chef de famille est pris très au sérieux et l'homme se doit d'assumer le statut et les responsabilités qui en découlent pour des questions d'honneur. Pour les autres, le code est aussi synonyme de sécurité.

 

" Les exigences de la famille passent avant celles de l'individu. (...) Les japonais n'apprennent pas, dans leur vie familiale, à valoriser l'autorité arbitraire et on ne les encourage pas à s'y plier aveuglément. Si l'on exige la soumission à la volonté de la famille, c'est au nom d'une valeur suprême qu'en dépit du prix à payer, tout le monde a intérêt à respecter : la solidarité dans la loyauté. "

 

Cette tradition hiérarchique tient son origine du temps du régime des Tokugawa. La culture des clans y était très importante. Il y avait un shogun qui régentait ses seigneurs vassaux (les daimyos) sous lesquels étaient assujetis les 4 classes de population : guerriers (samourais), fermiers, artisans et marchands.

Le besoin de hiérarchie, appliqué tout d'abord à la famille, fut peu à peu assimilé dans les autres domaines : économiques, politiques, ...

 

- Le second point notable est la haute importance de la morale et du sens des obligations.

Les japonais se considèrent comme des héritiers du passé. Ils ont un profond sentiment de dette envers leurs parents, son patron, envers le monde,... conscients de tout ce qu'ils leur doivent, de ce qu'il leur a été donné. On appelle ces sortes de dette, ces obligations passives : le "On". C'est une dette inexpugnable qui ne pourra jamais être totalement remboursée, qui s'accroît avec le temps. Il y a différents types de "On" et d' importances diverses. Ce peut-être tout de qu'on doit à notre mère de nous avoir élevé, l'aide d'un professeur ou d'un collègue de travail, un verre offert par une connaissance, etc...Cet état de débiteur est extrêment inconfortable et rembourser ce "On" est une question de dignité, le contraire apportant honte et perte d'honneur. C'est pourquoi il convient de limiter les "on" et d'éviter à contracter un "On" qu'on ne pourra pas rembourser. Les faveurs accordées aux étrangers par exemple sont mal perçues car elles impliquent un "On". L'inverse est tout aussi délicat : il faut éviter toute intervention qui obligerait le bénéficiaire à assumer un "On". D'où, par exemple, la passivité de la foule lorsque survient un accident.

 

" L'amour, la gentillesse, la générosié, auxquelles nous tenons d'autant plus qu'ils sont accordés sans contrepartie en exigent une au Japon. Et chaque manifestation de générosité fait de vous un débiteur. "

 

Le remboursement suit des règles précises et se réparti en 2 catégories.

Le "Gimu" représente les dettes illimitées : envers l'empereur et les parents.

On appelle "Giri" les autres types de remboursement (famille éloigné, serviteurs,... ).

 

" La dette de quelqu'un (On) n'est pas une vertu ; son remboursement en est une. La vertu commence au moment où le débiteur se met à se consacrer activement à la tâche exigée par la gratitude. "

 

Le "Gimu" est une dette obligatoire qui se doit d'être remboursé à n'importe quel titre, même si les protagonistes sont en tort et peut supposer de fermer les yeux sur une injustice.La piété familiale en fait partie. Une piété qui n'implique pas forcément estime des membres de la famille, d'où les rancunes tenaces  entre membres de la famille...

Le "Giri" est une obligation envers son propre nom, des actes par lesquels on garde sa réputation intacte. Il s'agit de garder sa réputation sans tâches comme un véritable devoir. Cela peut impliquer des actes divers pour effacer un affront ou une insulte : vengeance, domination de sa souffrance et du danger, sang-froid, vivre selon son rang, s'interdire de reconnaître ses échecs ou son ignorance, ... Le "Giri" est une obligation forte qui peut entraîner susceptibilité excessive, suicide, dépression, ... Si la vengeance a tendance à s'estomper aujourd'hui, la violence tend maintenant à se retourner contre soi-même.

 

" La vulnérabilité des japonais aux échecs, aux affronts et aux rebuffades les conduit tout naturellement à se tracasser eux-mêmes plutôt que les autres. Leurs romans ne cessent de décrire l'impasse constituée par l'alternance de la mélancolie et des accès de colère, dans laquelle les japonais cultivés se sont si souvent fourvoyés dans les dernières décennies. (...) les héros des romans japonais dévoilent un monde où les émotions les envahissent le plus souvent, un écrivain le dit, comme un nuage de chlore. (...) Ils ont retournés contre eux l'agressivité que leurs héros du passé dirigeaient contre leur ennemi, et leur dépression, ils ne cherchent pas à l'expliquer. "

 

 

" L'acte le plus agressif envers lui-même qu'un japonais contemporain puisse perpétrer, c'est le suicide. Correctement accompli, le suicide, selon les critères des japonais, est un moyen de laver son nom et de rétablir l'image qu'on laissera de soi. En Amérique, la condamnation du suicide réduit la destruction de soi-même à une soumission résignée au désespoir, alors que les japonais ont, pour ce type de comportement, un respect qui en fait un acte honorable et réfléchi. "


De nombreuses règles de civilité ont été ainsi édictés pour éviter les situations provoquant la honte et mettant en cause son "Giri" : rites d'hospitalité, principe du secret pour tout projet n'ayant pas atteint le succès, utilisation d'intermédiaire pour éviter confrontation directe. La compétition est fortement perturbatrice et il y a une volonté de la réduire. Elle arrive très tard dans le parcours scolaire où en primaire, le redoublement et la notation n'existe pas.

 

Parallèlement au poids important des obligations, on trouve malgré tout un cercle d'émotions humaines très important. Les plaisirs sont loins d'être supprimés et sont même recherchés à partir du moment où ils n'interfèrent pas avec le "Giri".

ON trouve chez les japonais une culture du plaisir avec les bains chauds, du sommeil, de l'amour,du repas et même de l'ivresse.

Le temps du sommeil n'est pas vécu comme une phase récupératrice mais comme un plaisir qui peut être totalement supprimé pendant les examens ou la guerre, par exemple.

La nourriture est appréciée autant pour son goût que pour son apparence et on constate beaucoup de recherche dans la présentation des plats.

L'ivresse est courante et est une façon de relacher les règles strictes. Une ivresse non-violente qui n'implique pas d'alcoolisme chronique, ni de violence conjuguale.

Du côté de l'amour passion, il n' y a pas de tabous. L'érotisme et le sexe échappe du domaine de la morale. Tant qu'on lui accorde une place mineure, il est considéré comme bon. Le domaine conjugual est séparé du domaine érotique. Les deux sont permis et tolérés au grand jour. Le sexe est un délassement mineur alors que le mariage et l'épouse font partie des obligations (mariage souvent organisé par les parents qui ont toute autorité). Les plaisirs homosexuels sont aussi reconnus par la tradition, tant que la hiérarchie est respectée (les hommes adultes vont avec des hommes plus jeunes et passifs, maintenant ainsi la dignité) tout comme l'auto-érotisme.

 

Contrairement à l'occident, pas du jugement moral, pas de culpabilité pour ces pratiques acceptées. On ne trouve pas de vision opposant le Bien et le Mal, les 2 font partis du monde. L'esprit et le corps ne s'opposent pas et la jouissance des plaisirs n'est pas un péché.

Pour les japonais, le but de la vie n'est pas le bonheur mais il s'agit de remplir ses obligations, quitte à sacrifier ses désirs. Ils sont préparés à souffrir et acceptent les sacrifices que ça implique.

 

" Les forts, selon le verdict japonais, sont ceux qui ne tiennent pas compte du bonheur personnel et remplissent leurs obligations. "

 

Bien évidemment, les différentes obligations énoncées ci-dessus peuvent provoquer de nombreux problèmes.

On juge un homme selon les codes qu'il respecte ou pas. Malheureusement certaines obligations peuvent se contredire. Rembourser un "Giri" peut vous mettre en porte à faux par rapport à un autre "Giri", s'acquitter d'une obligation peut en bafouer une autre. Ces conflits peuvent entraîner de nombreuses voltes faces ou même amener à une impasse. Cela peut parfois conduite à des suicides lorsque la personne est dans l'incapacité de faire face, perdant ainsi sa dignité.

La vertu du "Giri", du sens des sacrifices a été fort transcendée par les samourais qui en faisait une véritable ligne de conduite. La loyauté à un maître discident peut se contredire avec la loyauté au seigneur. Parfois c'est la piété familiale qui peut entrer en conflit avec d'autres types d'obligations.

Le cinéma et la littérature japonais abondent d'histoires au dénouements tragiques. Alors que les américains privilégient les happy-end, les japonais, au contraire, privilégient la compassion et préférent des héros qui se sacrifient.On peut relever les histoires d'amour malheureux pour cause de mariage imposé par la famille, des histoires de conflits entre clans (le récit des 47 ronins, par exemple).

On peut constater que les japonais ont une culture de l'estime de soi extrêmement importante. Il s'agit de ne rien faire qui puisse attirer la honte sur soi, son nom, sa famille. La honte est plus importante que la culpabilité et s'avère être chez eux "la racine de la vertu".


Ce comportement procède d'une véritable auto-discipline. Améliorant les moyens de conduire son existence, elle s'appuie sur une volonté de l'esprit qui démontre sa supériorité sur le corps. Les sacrifices ne sont pas ressentis comme tel et les japonais sont entraînés dès l'enfance à se soumettre à un certain types d'obligations.

 

" un homme de bien ne doit pas considérer comme une frustration personnelle ce qu'il fait en faveur des autres. "


L'auteur revient d'ailleurs dans le dernier chapitre sur l'éducation des enfants  et de la façon dont il sont envisagés dans le cercle familial. L'enfant est nécéssaire pour continuer la lignée et les femmes se doivent d'être fécondes pour acquérir véritablement son statut d'épouse. Alors que l'âge adulte est conduite par bon nombre de contraintes, la petite enfance (tout comme la vieillesse sont synonymes de liberté.

 

 

 

Vous l'aurez compris, cet essai est véritablement passionnant. Ce très looooooong résumé ne donne pourtant qu'un très petit aperçu des éléments de culture et de comportement que vous trouverez dans cet ouvrage.

S'il a été écrit il y a longtemps, il n'en reste pourtant pas moins actuel. J'y ai pour ma part, retrouvé bon nombre d'éléments que je connaissais (parfois par intuition) et gagné de nombreuses clés de compréhension. En comparant avec certaines oeuvres littéraires ou cinématographique, certaines choses, certains faits se sont trouvés éclairés à la lecture de cet essai.

Certains éléments sont peut-être à prendre avec plus de recul aujourd'hui, plus de 50 ans après, la comparaison régulière entre japonais et américains pourra en agacer certains (je rappelle que cet ouvrage leur est destiné), pourtant "Le chrysanthème et le sabre" est un ouvrage anthropologique, ethnographique et sociologique passionnant et facile d'accès pourvu qu'on en ait une lecture très suivie.

Je ne peux bien évidemment que le conseiller fortement à toute personne désireuse de comprendre la culture japonaise !!

 

 

Le chysanthème et le sabre

Ruth BENEDICT

Editions Picquier - 1987 - épuisé

Editions Picquier Poche - 1995 - 356 pages - 10,50€

 


challenge In the mood for Japan

 

 

Aujourd'hui, pour la quinzaine nippone, vous pouvez découvrir chez :

 

Mango : La piscine, de Yoko Ogawa

Anassete : Je suis un chat, de Natsume Soseki

Emma : Icare, de Taniguchi

Mrs Pepys : Le gourmet solitaire


 

A suivre !


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21 juin 2010 1 21 /06 /juin /2010 07:00

 

mer-engloutie-1.jpg

 

Auteur : Taras Grescoe

Editeur  : Noir sur Blanc
Date de parution : Avril 2010

Prix :  24 Euros 

453 pages

 

 

 

 

Vous l'ignorez surement mais je suis végétarienne. Je ne mange ni viande, ni poisson pour des raisons éthiques. Parallèlement, l'écologie est un domaine qui me touche également.

Aussi quand BOB m'a offert la possibilité de lire cet essai sur le poisson et l'industrie de la pêche, j'ai eu très envie de découvrir les dessous de VOS assiettes...

Et je dois dire que je suis très contente d'avoir lu ce livre, même si ce qu'on y découvre n'est pas franchement réjouissant.

 

Taras Grescoe, qui a lui même supprimé la consommation de viande dans son alimentation, a voulu savoir comment manger sainement et de façon éthique du poisson alors que les informations quant au bien fondé de sa consommation était contradictoires. Alors que les populations grandes mangeuses de poissons se révélaient en meilleure santé, de nombreux signaux d'alarmes quant à la toxicité et à l'impact écologique de la pêche font réfléchir.

L'auteur est donc parti faire un tour autour de la planète à la rencontre de différents lieux et systèmes de pêches.

Le constat se fait plutôt alarmant...

 

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Un chef cuisinier célèbre, un article dans la presse peuvent susciter l'engouement pour un poisson ignoré jusqu'à lors et provoquer une sur-pêche qui mène à une quasi extinction.

La pêche intensive a fini par épuiser les stocks et pire à détruire l'environnement marin. Le chalutage, la pêche à la dynamite détruisent de nombreux écosystèmes et laisse un désert derrière eux, supprimant ainsi les moyens de subsistance de toute une population locale dont elle est la seule source de revenu.

La baisse des grands prédateurs surpêchés (thon,...) perturbent complètement la chaine alimentaire et les poissons de bas de chaine prolifèrent et étouffent la diversité. On doit s'attendre à terme à voir les eaux peuplées de méduses et d'algues.

Les prises dites accessoires sont rejeteés à la mer et se révèlent comme un énorme gachis.

Les élevages de poissons, cherchant à pallier à la raréfaction des poissons sauvages provoquent de nombreux dégats d'un point de vue environnemental, en polluant tous les lieux à proximité. Bourrés d'antibiotiques, parqués dans des espaces confinés propices au développement des maladies, les poissons en s'échappant permettent aux bactéries de proliférer et de tuer la faune locale.

On découvrira aussi que pour nourrir ces élevages, on utilise bien de matières premières (des petits poissons transformés en farine, quand ce ne sont pas des déchets de viande impropres à la consommation humaine et animales.... ) pour produire une quantité moindre de chair consommable, alors que certaines populations meurent de faim ailleurs.

On pourra noter l'absence de réel souhait des politiques de préserver des ressources que tout le monde pense infini. Les quotas imposés sont toujours bien trop élevés, les lois édictés non appliqués, la corruption et le lobbying peut aussi faire rage et ne laisser aucune chance à notre planète pour retrouver sa diversité d'autrefois.

Bref, je vous en passe des pires et des meilleures...

 

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Taras Grascoe ira à New York (Lotte), dans la baie de Chesapeake et en Bretagne (huitres), en Angleterre (fish and chips), à Marseille (bouillabaisse), au Portugal et en France (sardines), en Inde (crevettes), en chine (ailerons de requin), au Japon (Thon rouge), en Colombie-Britannique (saumon) et en Nouvelle-écosse (colin) pour nous faire découvrir la pêche dans tous ses aspects et bien souvent les pires.

Son enquête est extrêmement fouillée tout en nous faisant comprendre facilement les tenants et aboutissants des enjeux de la pêche d'aujourd'hui. Alarmiste, il nous confiera aussi les formes positives que la pêche peut prendre et citera des cas d'industrie éthique et durable.

Une appendice finale listera clairement pour les consommateurs les espèces à éviter et celles que l'on peut manger. 

 

Taras Grescoe nous offre ici un essai édifiant que chaque consommateur de poissons devrait lire. Donnant les clés d'un développement durable des ressources marines, il nous enjoint d'avoir une attitude responsable quant à nos choix alimentaires si l'on veut que nos petits-enfants connaissent la même biodiversité.


  " Est-ce qu'en changeant nos habitudes alimentaires nous pouvons vraiment aider les océans .

La réponse est oui, catégoriquement.

Pour moi, continuer à choisir mon poisson en étant dans l'ignorance n'est plus acceptable. Je me suis aperçu qu'en suivant le fil reliant l'animal qui était dans mon assiette à l'hameçon ou au filet qui l'avait pris - ou bien au bassin dans lequel il avait été élevé -, je découvrais trop souvent un spectacle de désolation. La lotte grillée à new York vous amène à une plaine de vase, ce qui reste du fond de l'Atlantique après le passage des chaluts de fond ; le napoléon à la vapeur à Shanghai vous conduit à des coraux empoisonnés par du cyanure et réduits en miettes  par de la dynamite ; les crevettes panées frites dans les centres commerciaux d'Amérique vous entraîne vers des forêts de mangrove mortes et des eaux de consommation devenues toxiques, et ce dans certaines des contrées les plus pauvres du globe. Partout dans le monde, une seule force a provoqué cette déconfiture : l'appétit de l'homme, encouragé par toutes les industries & destructrices qui sont nées pour le satisfaire.

Alors oui, ce que vous décidez de manger compte. (...) Et quand nous achetons du poisson sans chercher à nous préoccuper de sa provenance - eh bien, quand vous multipliez cette déciciosn par quelques  milliards de bouches, alors ça compte vraiment, vraiment beaucoup. "


Après cette lecture, je dois dire que je suis contente et fière d'être végétarienne!

Mais je ne suis pas du genre militant alors sans vouloir vous commander, je vous engage juste à lire ce livre ou du moins à vous documenter sur le sujet.

Je suis toujours un peu agacée par ces personnes qui me disent, au sujet de la viande, refuser de voir comment elle est produite et industrialisé car elles en seraient écoeurées...

La même chose est valable pour les poissons. Refuser d'apprendre comment votre nourriture atterrit dans votre assiette est pour moi,  une façon de se voiler la face que je trouve un peu lâche et égoiste.


On annonce un "effondrement de toutes les pêches du monde aux alentours de 2048 "


Vous ne pourrez pas dire : je ne savais pas...

 


 

Et pour conclure la minute militante lol,

sachez que je ferais voyager ce livre avec grand plaisir aux consommateurs intéressés...

 

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En attendant... Bon appétit !



Sachez que vous pouvez retrouver les 40 premières pages de cette étude ici !


Les avis tout aussi positifs de Folfaerie, Catherine, Yv

 

 

 

Mille merci à BOB et aux Editions Noir sur Blanc pour cette enquête passionnante !

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Humeur

Le 26 Août 2013 :
Le grenier de choco n'est plus...
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