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28 mai 2012 1 28 /05 /mai /2012 20:30

kosaburo-1945-01.jpg1945. Le Japon est en pleine guerre mondiale. Motivé par un désir de victoire et une fierté nationale, le gouvernement japonais et son empereur n'hésitent pas à envoyer à la mort des dizaines de jeunes hommes qui, par devoir de loyauté envers leur pays, acceptent avec fierté de participer aux combats. Parmi eux, quelques uns seront choisis pour se lancer dans des attaques suicides, destinés à faire le plus de dégâts possibles chez les américains.

Kosaburo est de ceux-là, ainsi que son ami d'enfance, Akira. Alors que Kosaburo, préparé à mourir, accepte cette mission avec ferveur, Akira, au contraire, s'enfuit dans la montagne, apportant ainsi l'opprobe et la honte sur sa famille. Pour éviter le déshonneur, c'est Mitsuko, la soeur du déserteur dont est amoureux Kosaburo, qui va prendre secrètement sa place.

 

Contrairement à toute attente, c'est une auteur belge qui nous livre ce roman japonisant nous conduisant tout droit dans l'enfer de la guerre.

L'empire du soleil levant est la cible des attaques américaines depuis longtemps et le Japon peine à rester maître des combats. Le pays est affaibli et la guerre est même en passe de se terminer. Pourtant, l'empereur japonais refuse toujours de capituler. Les journaux, la radio continent de faire prospérer de vaines paroles d'espoir et de victoires auprès de la population et d'exciter la fierté nationale, condition essentielle de tout japonais.

 

kosaburo-1945-03.jpgDépart de kamikazes japonais salués par des étudiantes


 

Nous allons donc suivre Kosaburo et Mitsuko dans leur préparation de kamikazes. Kosaburo appréhende son rôle de manière tout à fait sereine. La retraite solitaire qu'il s'est imposé précédemment l'a aidé à affronter ce sacrifice ultime qui ne lui fait pas peur. Mitsuko, de son côté,voit son engagement comme un acte d'honneur envers sa famille. La désertion de son frère est vécue comme une véritable trahison envers son pays et sa fuite rejaillit comme une honte intolérable sur tous les membres de sa famille.

Tous deux suivent donc un apprentissage étudié et deviennent des pilotes chevronnés. Mitsuko doit cacher son sexe mais aussi ses sentiments amoureux envers Kosaburo, qui doivent passer derrière sa loyauté envers le Japon. Jusqu'au jour où l'un d'eux est désigné pour partir en mission suicide.

 

On reconnaît dans ce roman une réelle imprégnation de la culture japonaise chez l'auteur. A travers cette histoire, Nicole Roland s'interroge sur les curieuses raisons qui ont poussées des jeunes gens à tout accepter pour sauver leur pays, avant leur propre vie. Héritier du code samouraï d'autrefois, la question d'honneur reste très forte dans la culture japonaise d'hier et d'aujourd'hui. Ces sacrifices humains volontaires paraissent d'un dérisoire absolu mais participaient d'une tradition qui mettait l'empereur du Japon au niveau des dieux et ses décisions, comme des ordres auxquels il n'était pas envisageable de désobéir.

Loin de l'image de jeunes fanatiques, les personnages semblent ici à la fois transcendés par ce don de soi, cet acte héroïque qui leur parait naturel et indispensable, et à la fois, pleins de doutes qu'ils étouffent en silence. La peur est palpable mais ils ne craignent pas la mort. Ils acceptent sans se rebiffer l'ordre de mourir mais derrière un enthousiasme et une fierté fortement exprimés, se cache aussi une certaine résignation et un "à quoi bon ?" qui pourrait être extrêmement dangereux et révolutionnaire s'il était avoué. La question de leur engagement, de leur ferveur est clairement posée et s'avère particulièrement intéressante. Morts pour leur patrie, on ignore tout de ces jeunes gens, de leurs sentiments face à ce suicide programmé qu'on leur vend comme un acte héroïque. Nicole Roland met en scène avec beaucoup de réalisme ces moments précédant le devoir ultime, où on sait la mort imminente, où on doit régler nos dernières affaires, dirent adieu (ou non) à nos proches.

 

kosaburo-1945-02.jpgAprès des premières pages énoncées par Kosaburo, c'est bien vite la voix de Mitsuko qui conduit le récit. Une femme dans un monde d'hommes, un femme amoureuse et sensible qui semble s'interroger plus facilement que ses compagnons, une femme qui a fait le choix de se faire passer pour un homme. Une voix originale et inédite sur un univers qui ne laisse que peu de place aux sentiments mais qui, pourtant, m'a semblé ne pas utiliser aussi efficacement qu'attendu cette question de la différence des sexes, de leur rôle, de leur statut au sein d'une société où la place de chacun est très clairement définie.

 

Kosaburo, 1945 se révèle ainsi un roman particulièrement prenant sur un épisode tragique de l'histoire japonaise. S'appuyant sur une connaissance de la culture japonaise et plus particulièrement du fameux code d'honneur et de conduite des samouraïs, Nicole Roland réussit à nous plonger dans le quotidien de ces morts en sursis avec une écriture subtile, épurée, à la manière japonaise. Elle questionne la question de l'engagement et du devoir et offre des pistes intéressantes sur la notion de sacrifice et de loyauté, sur l'absurdité de la guerre et l'incurie de ceux qui la font, sur la valeur de la vie qu'on ne comprend que lorsqu'il est trop tard.

Un roman qui m'a plu mais me laisse malgré tout avec un léger sentiment d'inachevé, une sensation que l'auteur n'est pas allée au bout de sa réflexion et est restée peut-être trop collée à son histoire.

De plus, les dernières lignes où l'auteur fait le lien entre Mitsuko et ces jeunes gens fracassés trop tôt par le destin et sa fille décédée m'ont semblées totalement hors de propos et casse, pour moi, la portée plus universelle de cette histoire.

 

Une belle histoire à découvrir même si ce n'est pas un coup de coeur !

 

 

Extrait :

 

" J'avais ouvert le cockpit, l'air marin montait jusqu'à mes narines, je fermai les yeux. Je voyais les autres, mes compagnons, ceux qui étaient morts avant moi, ceux qui avaient quitté leurs hautes écoles, leurs universités pour ceindre leur front du bandeau du kamikaze. J'entendais leurs voix, leurs rires, et maintenant ce silence. Je les revoyais sur une photographie prise avant leur départ. Casques d'aviateur, lunettes ramenées sur le front, aucun d'eux ne souriait. Ils allaient mourir. Ils le savaient. Certains semblaient farouchement déterminés, d'autres, songeurs, portaient encore sur leur visage la marque de l'enfance. Leurs fantômes me rejoignaient et me demandaient des comptes. Il fallait que je meure."

 

 

"Avec les premières brumes vint le temps de rejoindre l'université.
Kosaburo recouvrit de terre les dernières braises de notre feu,je roulai les préceptes des samouraïs et les nouai d'un lien de soie et nous partîmes, non sans avoir mis en pratique une méthode secrète : mettre de la salive sur le lobe de nos oreilles, respirer profondément et briser un objet entre nos mains.
Nous étions prêts. Sil fallait un jour partir au combat, nous abattrions nos ennemis jusqu'au dernier. Jamais nous ne nous avouerions vaincus et si, par malheur, cela devait arriver, nous nous ferions sans attendre seppuku, nous ôtant nous-mêmes la vie.
Nous avions tous les deux fortifié notre esprit et, puisqu'il valait mieux en cas de défaite mourir de la main d'un ami plutôt que de celle d'un ennemi, nous avions pris la résolution de nous assister mutuellement dans le rite de la mort volontaire. Nous avions vingt ans, nous avions mille ans et sur notre coeur palpitait l'éclat d'une armure invisible."


"Il aimait la bonté, la vérité. Mais où étaient-elles ? Ce qu'il endurait à présent venait de leur absence, du pressentiment que la guerre, au lieu de rendre les hommes plus nobles, comme on le leur répétait sans cesse, pouvait en faire des chiens, empoisonner leur âme"

 

 

D'autres avis :

Anne que je remercie ! - Voyelle et consonne - Livrogne -

 

 

 

 


Titre : Kosaburo, 1945

Auteur : Nicole Roland

Éditeur : Actes Sud, un endroit où aller

Parution : Février 2011

    148 pages

Prix : 16€


 


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29 décembre 2011 4 29 /12 /décembre /2011 07:00

retour-a-killybegs-01.jpgEirinn go Brach ! L'Irlande pour toujours !

 

C'est à travers la force de ces mots que Tyrone Meehan a grandit. Dans la petite ville de Killybegs. C'est aussi à Killybegs qu'il viendra attendre la mort et nous livrer son ultime vérité.

 

" Si je parle aujourd'hui, c'est parce que je suis le seul à pouvoir dire la vérité. Parce qu'après moi, j'espère le silence."

 

2006. Tyrone vient se réfugier dans la maison de son enfance. Il a trahi les siens et goûte désormais à la solitude. Une solitude qui le renvoie à lui-même, à son père, à ses amis de l'IRA, à sa vie passée. A ses choix, à ses erreurs.

Dans une narration alternant l'engagement des premiers temps et les derniers jours de traître, l'homme se confie.

Il y a le père tout d'abord. Violent, amer, avec sa guerre perdue contre les britanniques et la séparation de l'Irlande en deux en 1921. Il ne lui reste que la boisson et les coups. Et cette haine viscérale contre les anglais qu'il transmettra à son fils.

 

Quand mon père me battait il criait en anglais, comme s'il ne voulait pas mêler notre langue à ça. Il frappait bouche tordue, en hurlant des mots de soldat. Quand mon père me battait il n'était plus mon père, seulement Patraig Meehan. Gueule cassée, regard glace, Meehan vent mauvais qu'on évitait en changeant de trottoir. Quand mon père avait bu il cognait le sol, déchirait l'air, blessait les mots. Lorsqu'il entrait dans ma chambre, la nuit sursautait. Il n'allumait pas la bougie. Il soufflait en vieil animal et j'attendais ses poings.


A sa mort, la famille part pour Belfast. Là, on s'y bat contre l'Allemagne, au contraire de l'Irlande libre. Les irlandais, les catholiques sont brimés, repoussés dans des ghettos miséreux. A 16 ans, Tyrone choisit l'IRA.


" L'IRA. Ce n'était plus trois lettres noires, bavées sur notre mur à la peinture haineuse. Ce n'était plus une condamnation entendue à la radio. Ce n'était plus une crainte, une insulte, l'autre nom du démon. Mais c'était un espoir, une promesse. C'était la chair de mon père, sa vie entière, sa mémoire et sa légende. C'était sa douleur, sa défaite, l'armée vaincue de notre pays. Jamais je n'avais entendu ces trois lettres prononcées par d'autres lèvres que les siennes. Et voilà qu'un gaillard de mon âge osait les sourire en pleine rue.

L'IRA. Soudain, je l'ai vue partout. Dans ce fumeur de pipe chargé de couvertures. Ces femmes en châle, qui nous entouraient de leur silence. Ce vieil homme, accroupi sur le trottoir, qui réparait notre lampe à huile. Je l'ai vue dans les gamins qui aidaient à notre exil. Je l'ai vue derrière chaque fenêtre, chaque rideau tiré pour tromper les avions. Je l'ai vue dans l'air épais de tourbe. Dans le jour qui se levait. Je l'ai sentie en moi. En moi, Tyrone Meehan, seize ans, fils de Patraig et de la terre d'Irlande. Chassé de mon village par la misère, banni de mon quartier par l'ennemi. L'IRA, moi. "


Il devient un fianna puis un membre actif de l'organisation. Très vite, il découvre la prison. Ce qui l'érigera en héros sera aussi sa perte.

Comment un homme aussi engagé envers son Irlande, aussi respecté par l'IRA est-il devenu un traître ?

 

retour à killybegs 02

 

Nous avions découvert Tyrone Meehan dans Mon traitre où un petit français nous confiait son admiration et sa souffrance devant la traîtrise de Tyrone. Aujourd'hui, dans Retour à Killybegs, c'est à son tour de prendre la parole.

Un récit qui nous plonge véritablement dans l'histoire de l'Irlande que nous allons suivre à travers les années et le personnage de Tyrone qui fait corps avec son pays. Une histoire tourmentée, violente qui nous emmène de la guerre civile dans les rues irlandaises à la résistance dans les prisons anglaises sous forme de grèves de la faim et de la propreté. Une vie difficile donc où l'engagement politique se présente comme une évidence. Le récit a presque valeur documentaire. Le lecteur vibre à l'unisson des protagonistes, comprend la complexité de cette guerre où rien n'est simple que ce soit pendant ou après.

Pourtant cet engagement, cette vie consacrée à cette cause n'empêche pas les erreurs, les secrets. Tout cela est lourd, fatiguant pour les hommes.

 

" Alors, j'ai renoncé à mourir. A vivre aussi. Je serais ailleurs entre ciel et terre. Je les emmerderai tous! Les Brits, l'IRA, ces donneurs d'ordre! Je n'en pouvais plus de cette guerre, de ces héros, de cette communauté étouffante. J'étais fatigué."

 

Et Tyrone porte un fardeau au fond de son coeur. Un fardeau qui a fait de lui le héros respecté. Celui qui ne trahirait pas. Et pourtant... Chaque homme a sa faiblesse. Tyrone s'est laissé entraîné, malgré lui, à collaborer avec les britanniques, tout en se persuadant qu'il ne trahissait pas.

 

"Toute ma vie j'avais recherché les traîtres, et voilà que le pire de tous était caché dans mon ventre".

 


Quel roman que celui-là ! Sorj a écrit ici un roman extrêmement fort qui va au-delà d'un simple version romancée d'une expérience personnelle. Dans Mon traître, l'auteur réussissait déjà avec brio à réinterpréter avec ampleur son expérience de la traîtrise. Ici, il touche à l'art absolu du roman. Se mettant dans la peau du traître, de SON traître, Sorj donne la parole à celui qui l'a blessé, imaginant, interprétant les pensées de cet autre, tentant par là-même de le comprendre et pourquoi pas de l'absoudre. Quoi de plus difficile que de donner à voir un "ennemi" ? Cet homme qui a trahi devient sous sa plume un être très humain, une grande figure paternelle avec ses contradictions et ses failles. Un homme que l'on peut haïr et aimer à la fois. L'auteur y dresse le parcours d'un homme, de ce qui l'a fait et ce qui l'a défait. Un personnage complexe pris dans le tourbillon de l'Histoire, à la fois victime et coupable.


Son écriture est toujours d'une grande pureté, subtile, légère qui ne s'encombre pas de "trop de mots" tout en dégageant une grande force. Une écriture rythmée qui sait parfois se passer de verbes, qui ponctue de manière très intelligente la phrase en la stoppant, la reprenant.

 

Mais au-delà de tout ça, Retour à Killybegs est un hommage à la fois pudique et fort à une amitié perdue, au père protecteur qui tout en faillant reste d'une certaine manière admirable. Un roman où l'auteur tente d'offrir de manière juste et non manichéenne son Irlande qu'il aime tant et qu'il refuse d'oublier. Un roman où Sorj nous donne sa propre douleur, tentant par là-même d'en atténuer la force en l'enterrant dans un magnifique cercueil de papier. Un grand roman assurément.

 

 

( Je dédie cette modeste critique à ma chère Emmyne qui m'a tant ouvert les yeux sur cet auteur.)

 

 

D'autres avis :

Emmyne - Clara - Yv - Val - Maeve -

 


Titre : Retour à Killybegs

  Auteur : Sorj Chalandon

Editeur : Grasset

Parution : Août 2011

    331 pages 

Prix : 20€


 

Grand Prix du Roman de l'Académie Française 2011

 

1% littéraire 2011

 

prix lectrices ELLE

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19 décembre 2011 1 19 /12 /décembre /2011 19:05

rien ne s'oppose à la nuit 01Avec Rien ne s'oppose à la nuit, Delphine de Vigan écrit sa mère, sa famille mais aussi sa difficulté d'écrire sur soi, de prendre du recul sur sa propre histoire.

Ainsi donc, Lucile, la mère de l'auteur. Lucile s'est suicidée quelques années plus tôt. La douleur de cette perte est toujours sensible, d'autant plus que les relations entre les 2 femmes n'ont pas toujours été facile.

Delphine de Vigan choisit de se confronter à l'histoire familiale. Elle interroge les différents membres de sa famille, enregistre leurs confidences, lit correspondance et carnets. Peu à peu, elle reconstruit le passé de sa famille et de sa mère et livre un portrait très personnel de ses ancêtres tout en dévoilant à la fois sa propre intériorité.


On suit tout d'abord l'enfance de Lucille. Cette dernière a grandi dans une famille nombreuse, entourée de nombreux frères et soeurs (8). La jolie Lucille coure les séances photos pour des publicités de vêtements pour enfants. La mère leur laisse beaucoup de liberté et très tôt les laissent se prendre en charge eux-mêmes. Mais bientôt, les drames surgissent : un frère décède accidentellement. C'est le début de plusieurs disparitions qui toucheront la famille sur de longues années. Malgré les pertes, la famille reste soudée mais la douleur sourd à travers les silences plus nombreux.

Plus loin, l'auteur poursuit son portrait en y ajoutant ses propres souvenirs. Elle évoque le mariage de sa mère, sa propre arrivée, celle de sa soeur. On découvre les premiers problèmes de comportement de Lucille, ses séjours en maison de repos, le diagnostic de bipolarité. On assiste à ses multiples abandons, dérèglements et à la souffrance mais aussi la peur de ses filles.

Enfin, l'auteur conclut son portrait en donnant un regard distancé sur sa mère, analysant les conséquences à travers les générations des drames familiaux qui se répètent.

 

Comme ce livre dû être douloureux à écrire ! Douloureux mais nécessaire à la fois. L'auteur, en se penchant sur l'histoire de sa mère, tente d'exorciser sa propre douleur et de comprendre peut-être les raisons du geste fatal de sa mère. Une mère compliquée qui fut loin d'être exemplaire et dont la fille tente de reconstruire la vie pour mieux, peut-être, assumer la sienne.

De vigan fouille donc dans la mémoire des survivants de la famille. Elle interroge les oncles, les tantes, soulève certains secrets de famille (infidélité du grand-père, inceste sur Lucille possible). Les versions sont parfois différentes de l'un à l'autre mais l'auteur reconstruit sa propre vision, sa propre "Lucille".

Mais à travers ce portrait maternel, De Vigan se penche également sur le processus d'écriture. Le texte alterne régulièrement avec la voix de l'auteur en plein work in progress. Elle confie la difficulté de l'exercice, l'aspect plus terre à terre de ses entretiens familiaux, ses recherches personnelles, ses questions sur la vérité des faits. Elle fait le parallèle avec sa propre famille et ses enfants, se penche sur son propre rôle de mère.

 

Rien ne s'oppose à la nuit est donc à la frontière entre récit autobiographique et texte romancé. Delphine de Vigan recrée ici la personne de sa mère. Une mère qu'elle a tenté de nous offrir avec ses qualités et ses défauts, avec une certaine neutralité. Néanmoins, l'émotion affleure et on ne peut rester insensible à la souffrance partagée de cette famille qui a connu son lot de drames. L'auteur se dévoile ici avec beaucoup de pudeur tout en ne nous cachant rien des côtés sombres.

L'histoire est bien évidemment bouleversante. L'écriture s'est faite simple et assez épurée, évitant d'alourdir un peu plus une ambiance qui ne manquerait pas d'étouffer son lecteur dans le cas inverse.

Pourtant malgré toutes ses qualités, je garde une certaine réserve vis à vis de ce texte que j'ai pourtant aimé. Bien que je n'ai eu aucune impression de voyeurisme, j'ai malgré tout eu le sentiment que cette histoire ne m'appartenait pas. Cette famille, ces deuils, toute cette souffrance. Le tout est joliment raconté certes mais chaque famille a son lot de drames. Si j'avais lu ce texte comme une fiction, il en aurait certainement été autrement. Ici, je ne peux que constater que, une fois de plus, les auteurs trouvent du réconfort à se raconter. Je comprends parfaitement la démarche et trouverais plaisir et soulagement peut-être dans une démarche cathartique de raconter mes propres souffrances. Mais l'exercice reste peu innovant et, malgré la présence d'une narration de l'auteur se voyant en train d'écrire, Rien ne s'oppose à la nuit manque de la petite touche qui me permettrait de m'approprier le texte.

 

Au final, c'est véritablement un récit qui m'a beaucoup touchée par cette façon de se mettre à nu, de mettre à jour ses propres failles, de s'interroger avec recul sur son histoire familiale. Mais je regrette peut-être l'absence de portée plus universelle. Un texte qui toucherait tout le monde en dépit peut-être d'un parallèle avec sa propre histoire. Un très beau texte hommage donc mais pas le roman bouleversant de l'année pour moi... J'ai aimé mais je n'ai pas vibré.

 

D'autres avis :

Hérisson - Mango - Leiloona - Clara - Emeraude - Cathulu - Ankya - Marion - Kactusss - Hélène - Theoma - Val - Saxaoul - Irrégulière - La ruelle bleue - Lili -

 

 

 


 Titre : Rien ne s'oppose à la nuit

  Auteur : Delphine de Vigan

Editeur : JC Lattès

Parution : Août 2011

    440 pages 

Prix : 19€


 

1% littéraire 2011

 

prix lectrices ELLE

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18 novembre 2011 5 18 /11 /novembre /2011 07:00

le--silence-ne-sera-qu-un-souvenir-01.jpgSur une rive slovaque du Danube, vit une communauté rom. Alors qu'on célèbre les 20 ans de la chute du mur de Berlin et que les journalistes affluent, le vieux Mikluš, lui, est rongé par le passé. Un passé qu'il a toujours tu et dont le poids n'a fait que s'accentuer avec les ans.

Alors le vieil homme va raconter son peuple à l'un d'eux. Il lui narre l'histoire de sa communauté, son quotidien. Puis, peu à peu, sa langue se délie et bientôt c'est le profond secret autour duquel se joue un terrible drame familial que Mikluš confie à son interlocuteur.

 

" Je m'appelle Mikluš et je suis un truand. Aucun crime ne pèse sur ma conscience, mais mon délit ne mérite pas plus légère sentence que celui d'un tueur à gages. Je suis un malfrat de première classe, un vieux corsaire repenti sans navire, qui, honteux de son butin, a choisi de l'enfouir dans le sable avant de disparaître - en prenant soin de rouler la carte au trésor dans une bouteille, mais échouant à la jeter à la mer ; ce qui revient à porter un masque le reste de votre vie en espérant secrètement qu'un jour heureux de carnaval une main se hasarde à le lever et vous sauve. Personne n'a jamais débusqué la honte qui me ronge, et j'ai été trop lâche pour la regarder en face.
N'essayez pas de mettre un visage sur ma voix, je n'en ai plus, rongé par les vers, ce que vous penserez sans doute vous qui ne savez rien de la mort. Mais qu'importe. Une mauvaise grippe m'a finalement emporté, un méchant coup de froid vous expliqueraient les miens qui, escomptant chasser le mauvais oeil, m'ont patiemment veillé pendant dix jours et dix nuits. Ce qu'ils ne savaient pas, c'est que leurs incantations étaient inutiles puisque j'avais déjà décidé de mon sort, un privilège du grand âge sans doute que d'avoir le choix entre la vie et la mon : ou bien je restais encore un peu debout, mais je m'imposais de briser enfin le silence ; ou bien je choisissais de me taire et c'était pour toujours. Le courage m'a manqué, le «pour toujours» l'a emporté."

 

Les éditions Gaïa, connues pour leur catalogue nordique, propose ici leur premier roman français. Et quel roman !! Autant vous le dire de suite, il s'agit pour moi de LA perle de la rentrée qui passera certainement entre les mailles des journalistes mais s'avère pour un premier roman totalement abouti et réussi !

 

" N’allez pas chercher fleurs bleues et longs jupons ourlés d’or, on vous rirait au nez, et laissez les roulottes dans leur cimetière, ça fait une paye que le joli folklore n’est plus d’actualité. De la vie de bohème avec lequel votre inconscient continue peut être de nous marier, vous savez bien qu’il ne reste presque rien, quelques vieilles ritournelles et les cheveux bouclés de Carmen, tout ça ne pèse pas bien lourd dans l’héritage laissé aux suivants. Ce qui fait le poids, c’est tout le reste, tout ce qu’on met sur le dos du Rom avant même qu’il sache se tenir droit. Le nourrisson n’a pas poussé son premier cri qu’on lui demande de se taire, il n’a que trois cheveux sur le crâne qu’il est déjà pouilleux, et à peine parvient-il à aligner cinq mots qu’on l’accuse de mentir. Un jour ou l’autre il sera suspecté de vol, de violence et peut être même de crime. Vous trouvez que j’ai la main lourde ? Eh bien disons qu’il est de toute façon asocial et qu’à partir de ce constat, vous pouvez lui coller sur le front l’étiquette de votre choix."  

 

le--silence-ne-sera-qu-un-souvenir-02.jpg

 

Mikluš est donc le narrateur de cette histoire un peu déstabilisante dans ses premières pages mais très vite imposible à abandonner. Notre homme est mort et cette libération lui permet de se libérer du secret qu'il détient. Il s'adresse à la fois au lecteur et au journaliste. Il commence par évoquer sa communauté, les gamins de Supava qui font le singe devant les touristes pour récolter quelques sous, la défiance des gadjé qui les voit comme de "crasseux tsiganes et voleurs de poule".


" Le rom, il tient comme il peut, balloté d'un courant d'air à un autre, le vent s'engouffre partout où il pointe son nez. Il n'est attendu nulle part, vous le savez bien, on le refile à sn voisin ; à peine a-t-il posé sa famille qu'on le fait déguerpir, et on l'accuse de ne pas tenir en place. "

 

Il raconte leur tentative de les loger dans des immeubles les coupant de la Terre et de la collectivité amicale, de la stérilisation forcée des femmes, de l'école qui tente d'inculquer une autre culture aux petits roms. Il remonte l'histoire et parle de l'arrivée des nazis et de leurs méfaits sur les tsiganes : tontes, viols, raffles.

Et puis, à travers son récit, un petit garçon apparait par intermittence. Adam, dit le Petit, dit Dilino. Adam qui ne parle pas, qui n'a pas de famille, qui est le souffre-douleur des autres enfants, troublés par sa blondeur et par sa façon de trainer son violon envers et contre tout. On découvrira aussi Chnepki, désormais La vieille, à moitié folle.

 

le--silence-ne-sera-qu-un-souvenir-03.jpgMikluš, bientôt, remonte l'origine du secret. Il raconte le drame de Chnepki qui lui fit perdre sa gaieté originelle puis l'arrivée de celui qui saura réouvrir ses barrières : Lubko, le vagabond violoniste qui lui donnera une jolie fille Maruska. Il raconte le destin qui s'acharne sur cette pauvre Chnepki, son homme qui s'enfuit avec sa fille pour la sauver de la folie de sa mère. Il raconte leur vie à deux, le travail du bois pour créer des marionnettes. Et le drame qui une fois de plus vient les toucher.

Mikluš raconte tout, il se vide de sa honte, de son immobilisme devant le petit Dilino dont il nous confiera l'origine. Un enfant qu'il n'a pas su protéger, aimer. Un enfant à qui il aura caché jusqu'à sa mort la tragédie qui conditionne son existence.

 

Vous l'aurez compris, ce roman fait le portrait d'une communauté défaite qui peine à survivre devant les soubresauts de l'histoire, la haine de ses voisins (sera évoquée les nouveaux cranes rasés qui errent dans cette Allemagne contemporaine), l'indifférence du monde devant les persécutions passées et non jugées (Nuremberg les a oublié...), tout comme les humiliations d'aujourd'hui. Mais c'est aussi le portrait d'un groupe qui vit au rythme des saisons, qui se refuse à toute porte entre les personnes, pour lesquelles l'entraide n'est pas un vain mot.


" Les portes étaient des intruses, (...) du silence et de la solitude qui nous empêchaient de respirer, et c'est justement de ça dont nous ne savions pas nous passer, la respiration de l'autre à proximité. "

 

C'est un peuple fier qui continue à vivre libre et à s'épanouir dans des travaux manuels et dans ces joyeuses orgies musicales où chacun s'oublie dans le flot des violons.

Le roman est aussi l'histoire d'une famille qui voit construire son histoire dans un drame perpétuel qui dépasse les générations. C'est l'histoire de ce petit Dilino et de ses ancêtres, bousculés par une vie faite de malheurs, d'intolérance et de misère.

 

Le silence ne sera qu'un souvenir est véritablement un roman magnifique que l'auteur a écrit dans une prose poétique qui reprend les lancinants sanglots du violon tsigane. Laurence Vilaine nous offre ici un condensé d'émotion qu'on penserait écrit par un tsigane lui-même tant cette communauté est si bien décrite et interprétée. Pour un premier roman, je le répète, c'est un coup de maître !

C'est une histoire à la fois dure et douce. Une histoire qui parle d'amour et de souffrance. Une histoire que personne ne pourra oublier après avoir tourné la dernière page de ce roman que vous devez ABSOLUMENT découvrir !

 

Mais " N'oubliez pas que les fins heureuses n'ont jamais été le fort des histoires tsiganes"...

 

Un grand merci à Gaïa d'avoir fait cette découverte !

 

D'autres avis :

Le très beau billet d'Actualitté -

 

Liens :

Fiche de l'éditeur où vous pouvez écouter un extrait du texte et une interview de l'auteur.

Photos : © Fab William alexander

 

 


 Titre : Le silence ne sera qu'un souvenir

Auteur : Laurence Vilaine

Editeur : Gaïa

Parution : Août 2011

    176 pages 

Prix : 17€


 

1% littéraire 2011

 

Un grand merci à Babelio et à son opération masse critique !

 

 


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21 octobre 2011 5 21 /10 /octobre /2011 07:00

tu verras 01

  "Tu verras". Une expression serinée par le narrateur mais qui parle pourtant d'un futur qui ne sera pas. Car contre toute attente, Clément est mort. Il avait 12 ans. Son père nous dit la douleur qui l'habite, ses regrets, son impossibilité à continuer quand ce qui donnait sens à sa vie disparaît. Divorcé, il vivait seul avec son fils qu'il ne savait pas toujours comprendre. Toujours prompt à le reprendre, à pointer du doigt ses défaillances, le père s'escrime désormais à retrouver ces petits riens, à replonger dans le flot de ses souvenirs, coupable de ne pas avoir assez montré son amour.

 

Malgré les apparences, Tu verras n'est pas un récit autobioraphique. L'auteur s'est juste appuyé sur une expérience personnelle où il a failli perdre son enfant, renversé par une voiture. Une expérience forte qui rejaillit dans ce roman poignant où l'auteur a mis toutes ses peurs et ses propres interrogations.

 

Ecrit à la première personne du singulier, Tu verras est conduit par le père, narrateur de sa propre vie, de ses propres sentiments. Dès les premières pages, le lecteur plonge dans la douleur qui l'habite. Aucun parent n'est prêt à perdre des enfants si jeunes et pourtant Colin doit faire face à cette absence. Chaque geste, chaque objet, chaque son est prétexte à le renvoyer à Clément : un emballage qui traîne dans la voiture, une musique qui passe à la radio,... 

Le quotidien n'est que douleur. La vie n'est que douleur. Une douleur et un vide constant que Colin tente de remplir à l'aide de ses souvenirs. Alternant entre le quotidien qui rattrape violemment le père et les souvenirs et anecdoctes filiales qui affluent, la narration nous plonge véritablement dans l'horreur du deuil.  

Nicolas Fargues traduit la torture de voir l'avenir de son fils s'effacer. Clément ne connaîtra pas l'amour, ni la joie des baisers, ni ces milliers de petites choses qui font les petits bonheurs d'une vie. Clément ne comprendra pas les fameux "Tu verras" quand tu seras plus grand de son père.

 

Mais au-delà de l'aspect émotionnel de la mort et du deuil, l'auteur se penche particulièrement sur le rôle d'un père, sur l'amour et l'éducation que nous donnons à nos enfants. Au fil des moments avec son fils qu'il se remémore, le narrateur s'interroge sur la manière dont il a élevé son fils, sur ses propres réactions, sur la vision idyllique que nous avons de la parentalité qui s'avère bien différente de la manière dont nous l'appliquons. Colin se montrait détaché vis à vis de son fils : il ne gardait pas ses dessins, ne le prenait jamais en photo. Il avait une attitude assez dure envers Clément qu'il n'hésitait pas à alourdir de sarcasmes pour mieux dénoncer cette façon ridicule qu'il avait de suivre ses copains, de s'habiller comme eux, d'écouter la même musique ridicule. Un père sans souplesse donc qui a, d'une certaine façon, oublié sa propre jeunesse.

Colin se sent coupable et ne s'épargne pas dans les descriptions. Il a oublié ses principes personnels, s'est compromis avec des femmes qu'il n'aimait finalement pas, incapable de donner la priorité à son fils. Il observe la société d'aujourd'hui avec ses nouveaux codes, ses familles recomposées, les jeunes amantes qui n'assument pas les enfants d'une première union, les pères qui tentent de rester jeunes et ne sont que des vieux cons dépassés par leur époque, et les enfants dans tout ça qui doivent faire avec et s'émancipent en secret du poids des parents.

 

Je n'avais jamais lu Nicolas Fargues. Je suis rentrée dans ce roman avec circonspection, sujette d'a-priori un peu "parisien". Et pourtant, ce roman m'a totalement emballé. Scotché même. L'auteur évoque avec une grande force et surtout avec justesse des sentiments pour lesquels le lecteur ne peut ressentir que de l'empathie. L'émotion est présente dans chaque ligne. On vibre à l'unisson du narrateur et on aimerait tant que sa douleur s'allège.

Je n'ai pas d'enfants et la perspective d'en avoir reste pour le moment très lointaine mais ce roman m'a totalement renvoyé à cette position. C'est quoi être parent ? Comment doit-on envisager le quotidien à leur côté ? Que voulons-nous transmettre à nos enfants ? Comment leur montrer notre amour tout en les éduquant de manière juste ? Des questions certainement universelles mais dont les réponses ne sont pas si évidentes. L'auteur ne donne pas de réponses : elles sont à trouver en chacun de nous.

 

Tu verras est une véritable plongée dans le gouffre du deuil, de toute la douleur dont on ne sait que faire. Une douleur qu'on peut choisir d'affronter ou pas. On peut décider d'arrêter notre propre vie, fuir dans des paradis artificiels pour mieux oublier ou partir à l'autre bout du monde comme Colin. Une fuite qui ne résoud rien mais permet peut-être d'avancer. Un peu.

C'est aussi un portrait sans concession des relations d'un père avec son fils, tous deux ancrés dans une époque qui les sépare malgré eux. En analysant la complexité des rapports avec ses conflits de générations, ses incompréhensions, ses silences, Fargues dénonce aussi le poids de la société d'aujourd'hui qui, avec ses conventions, ses évolutions, ses petites compromissions quotidiennes, finit par fausser les rapports entre personnes.

 

Tu verras est véritablement un roman très puissant qui parlera aux parents comme aux autres. Un roman bouleversant sans tabous, sans pathos dont je regretterais uniquement l'épisode final en Afrique qui ne m'a pas complètement convaincue. L'absence d'un véritable dénouement m' a laissé une impression un peu flottante et presque interrogative sur le sens à donner aux derniers faits.

Un bémol qui ne doit pourtant pas vous empêcher de plonger dans cette histoire !

  

Extraits :

 

" Aimer son enfant, est-ce aimer un autre que soi ou bien continuer de s'aimer soi-même, mais sans s'accabler de la mauvaise conscience d'être égoïste ? Peut-on vraiment parler de sens du sacrifice et de générosité lorsqu’il s’agit de donner aux siens ? "

 

" Cette impression que, quels que soient mes regrets et mes frustrations personnels, quels que soient mes rêves inaccomplis, c' était lui et personne d'autre qui donnait du sens et du goût à mes journées. Que je n'avais pas besoin d'aller chercher plus loin que lui pour me trouver moi-même que mon bonheur, comme on dit, c'était de le voir heureux."

 

 

D'autres avis :

Celui de La ruelle bleue qui retranscrit bien mieux que moi les sentiments de lecture ressentis - Livrogne -

 

 


Titre : Tu verras

Auteur : Nicolas Fargues

Editeur : POL

Parution : Janvier 2011

194 pages 

Prix : 15,50€


 

prix lectrices ELLE

 

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10 octobre 2011 1 10 /10 /octobre /2011 07:00

mon-traitre-01.jpgmon-traitre-02.jpgAnnées 70, Antoine est luthier à Paris. C'est un homme assez silencieux que sa femme a quitté. Il vit pour son amour du métier et pour la joie de rendre vie aux violons qu'il soigne. Pour ses 30 ans, il s'offre un voyage à Dublin pour y retrouver un ancien ami. La fête est superbe, il joue du violon en public et se saoûle, un peu. Le lendemain, quelques heures avant son retour, il erre dans la ville et se souvient tout à coup d'une phrase d'un de ses client : " Vous ne connaissez pas le Nord ? Alors vous ne connaissez pas l'Irlande." Alors Antoine décide de faire un tour à Belfast, un tour rapide de 3h. Un tour qui va changer sa vie.

Au hasard de sa marche, Antoine va rencontrer Jim O'Leary et sa femme qui le croient perdu et l'invite chez eux. Une grande amitié va naître qui sera le point de départ de nombreux voyages successifs en Irlande du Nord. Des séjours qui permettront à Antoine de rencontrer l'Irlande, la vraie. Celle qui est loin des cartes postales de moutons, de murs en pierre, et de falaises vertigineuses. Celle qui le conduira au creux des pubs enfumés, dans le coeur de l'âme irlandaise, dans l'Irlande républicaine surtout qui se bat contre l'envahisseur britannique. Dans celle de Tyrone Meehan, activiste de l'IRA qu'il va bientôt considérer comme un frère. Un ami tant aimé avec qui il partagera tout, un ami qui pourtant trahira son pays et brisera le petit français.

 

Le fait est connu, Mon traître s'inspire de l'expérience personnelle de l'auteur. Sorj Chalandon, journaliste à Libération, a longtemps travaillé sur le conflit irlandais. Il a connu les activistes républicains qu'il a abondamment couvert, et en particulier un certain Denis Donaldson qui est devenu son ami. Un ami dont il a découvert avec les autres partisans qu'il avait trahi sa patrie pendant 20 ans... Denis, un des plus fervents leaders de la cause républicaine, était un traître à la solde des britanniques. Une révélation choc qui ébranla ses proches et Sorj Chalandon lui-même. Une trahison qui questionne aussi quant à la véracité de son amitié avec cet homme.

A travers les figures d'Antoine et de Tyrone mais aussi de Jim et Cathy, Sorj revient sur cet épisode dramatique. On y découvre un jeune homme naïf qui porte une sorte d'amour irraisonné pour un pays qui n'est pas le sien. Une curiosité hasardeuse qui devient vite une sorte de fil conducteur dans sa vie.

 

" Pourquoi ces rues? Je ne sais pas. J'aimais leur pauvreté, ce silence de froid gris. J'aimais aussi les figures que je croisais. Des visages durs. Des regards perdus. Des cheveux sombres et roux. Des étoffes râpées, des manteaux trop amples et des chaussures molles."

 

Un amour pour l'Irlande du Nord mais surtout pour ses habitants qui l'ont accueilli si chaleureusement sans rien lui demander. Un amour pour ces hommes et ces femmes qui ont choisi le combat et l'engagement politique en dépit de la pauvreté, de la souffrance et de la répression britannique. Une sorte d'amour admiratif qui s'épanouira particulièrement avec Tyrone, sorte de figure paternelle sous l'égide duquel il fera son apprentissage du combat. 

Sorj Chalandon y décrit donc une Irlande humaine et combattante qui prend corps dans les pubs et ses réunions houblonneuses, dans le quotidien d'un peuple qui voit ses enfants disparaitre par la guerre, la prison ou par une balle perdue. L 'auteur s'attarde longuement à décrire la découverte de ce nouveau pays et de ses combats, l'histoire de sa rencontre avec ses hommes, avec Tyrone. On vit avec lui la plénitude de cette amitié déterminante qui grandit au fil des années et sera un des piliers de sa vie. Et lorsque la trahison arrive en fin d'ouvrage, elle n'en est que plus choquante, à l'image de celle d'Antoine et celle de l'auteur, à travers lui.

 

" Il trahissait depuis près de vingt ans. L'Irlande qu'il aimait tant, sa lutte, ses parents, ses enfants, ses camarades, ses amis, moi. Il nous avait trahis. Chaque matin. Chaque soir… "

 

"Je n'étais plus de ce lieu, de ces immeubles qui empêchent le ciel. Je n'étais plus rien ici. Je voulais Tyrone Meehan, leur regard, Falls Road, le sourire de Bobby Sands, l'odeur de tourbe à l'âtre, les clins d'œil au coin des rues, une main sur mon épaule, le cahot des taxis collectifs, les enfants en uniformes d'écoliers, les frites graissant le journal roulé en cornet, ma pinte de bière noire, le métal des blindés ennemis, l'aigrelet des fifres, le sourd des tambours, le ciel d'Irlande, sa pluie, sa peau."

 

"Mon traître" est véritablement un bijou de sensibilité et de pudeur. D'émotion aussi. A travers son héros, Sorj Chalandon livre ses sentiments sur une trahison qui a bouleversé sa vie. Son écriture est libérée de tout superflu. Ses phrases sont courtes, parfois sèches et, à travers leur épure, révèle avec une très grande subtilité l'essentiel des faits et des émotions. On vibre à l'unisson d'Antoine, on découvre une Irlande inconnue toute en humanité, on y ressent l'importance des amitiés, la façon dont elles nous construisent mais aussi la manière dont elles peuvent nous détruire.

Il y sera question aussi de mensonge. Comment un homme dont la vie était basée sur le mensonge a-t'il pu vivre aux côtés des siens ? Quelle est la part de vrai dans ce qui a constitué son existence ? Se définit-il comme celui qu'il était aux yeux des autres ou comme celui qui trahissait dans l'ombre ? Comment réconcilier les 2 faces du personnage ?

Antoine, double de l'auteur, se questionne sur la part de mensonge et de vérité chez ce traitre, SON traitre. Leur amitié était-elle réelle ? Ou Tyrone l'a-til utilisé complaisament pour ses activités d'espion ? Est-il lui-même coupable de n'avoir rien vu ? Coupable d'avoir trahi la cause républicaine à laquelle il s'était attachée, en aidant Tyrone à se loger lors de ses séjours parisiens, prétextes secrets à ses trahisons ? 

Sorj, à travers ses personnages de papier, cherche des réponses, cherche à accepter l'innaceptable, à faire son deuil tout simplement d'un homme, d'un ami qui par sa traitrise remet en cause tous ses gestes et toutes ses paroles.


Mon traître est un roman admirable qui m'a extrêmement touchée et confirme tout le bien que je pensais de cet auteur après  La légende de nos pères. Ma critique n'est bien évidement pas à la hauteur de ce que j'ai ressenti à la lecture de ce roman mais j'espère vous avoir donné envie de découvrir ce grand auteur qui est pour moi un grand coup de coeur !

 

Mille mercis à la découvreuse qui m'a mis ce livre entre les mains !

 

 

D'autres avis :

Les conquis : Emmyne - Aurore - Marie - La liseuse - Enna -

Les mitigés qui me fendent le coeur : Amanda - Fashion - Chiffonnette - Ys -

 

 

Rencontre avec Sorj Chalandon :

 

mon-traitre-03.jpgEt oui, après David Vann, C'est Sorj Chalandon lui-même que j'ai pu découvrir lors d'une rencontre à la librairie du coin, à l'occasion de la sortie de Retour à Kyllibegs, qui revient sur cette trahison mais cette fois-ci du point de vue du traître.

Une rencontre fort prenante, fort émotionnelle qui m'a même fait oublier de prendre une petite photo souvenir mais peu importe !

L'intervenante n'était pas formidable mais Sorj s'est révélé un auteur chaleureux et bavard qui raconte avec beaucoup d'enthousiasme et de détail sa vie de journaliste et son travail d'écrivain.


 

En effet, il est tout d'abord revenu sur son parcours de journaliste au sein du journal Libération. Il a évoqué avec passion sa vision du journalisme.

"Je déteste les journalistes qui se mettent en scène, qui expliquent comment ils ont fait pour y arriver. "

Pour Sorj, seul les faits comptent. Il faut s'effacer devant eux pour pouvoir mieux les transmettre.

" Mon travail, c'est de montrer ce qui se passe."

Sa propre douleur ne compte pas et il doit juste rapporter ce qu'il a vu.

" Mon journalisme à moi est de rapporter ce que je vois et pas ce que je pense."

Néanmoins tout cela ne veut pas dire des reportages froids et désincarné.

" Nos émotions interviennent dans le choix des mots que nous faisons." mais surtout " L'écriture est un des vecteurs de l'émotion des autres, pas de la mienne. "

Il souligne d'ailleurs que : "On a toujours trop de mots". Voilà une assertion qui illustre parfaitement aussi son écriture romanesque.

 

L'auteur a ensuite évoqué L'Irlande et son rapport à ce pays.

C'est "un pays qui a un sens de la communauté très profond". Il constate que "tout ce que j'aime est interdit en Irlande du Nord"  car synonyme de rebellion : la langue, la musique, le drapeau, ...

" Si l'on supporte que tout ce qu'on aime est banni, alors on est vieux. "

Sorj reconnaît qu'il n'a "aucun droit d'écrire un livre sur l'Irlande." Mais qu'il a "pris ce droit car j'ai été parti prenante d'une trahison. "


En parlant de Denis Donaldson : " Cet homme-là a été comme un frère. C'est celui qui ne peut pas trahir. "

En tant que journaliste, il ne pouvait pas écrire là-dessus. " J'étais trop proche".

" Mais il fallait que ça sorte, d'où le roman." 

La seule question qu'il se pose : "est-ce que notre amitié était vrai ?" En écrivant ce roman, il pensait "que ma rancoeur serait apaisée." Hélas... 

" J'ai écrit Retour à Kyllibegs pour être lui, je voulais voir le petit français à travers ses yeux."

" En faisant les deux, je vais refermer cette tombe. "

Sorj reconnaît que, depuis qu'il a rendu ce livre, il n'a pas écrit une ligne. 

" Je suis vidé, fatigué, usé, apaisé de ma rancoeur."

" J'ai l'impression d'être allé trop loin dans la douleur." et qu'il va  "avoir du mal à redescendre."

"Tyrone est ma part de traitrise. "

Dans Kyllibegs, Sorj avance une raison de la trahison de Tyrone. C'est une  "raison qui a été avancée pour celle de Denis." mais  "surtout, c'est une trahison qui me va."

" Ce qui m'intéresse, c'est les mécanismes de la trahison."

Le traître peut aussi d'une certaine façon  "faire la guerre à la guerre". Il a  "l'espoir que ce qu'il fait est aussi une façon de faire la paix."


A la question d'une lectrice qui y voit une écriture masculine, il répond que "La blessure n'a pas de sexe " et rapporte une anecdocte de salon : des lectrices, trompées par leurs maris, qui ne s'intéressent pas particulièrement à l'Irlande mais qui ont retrouvées dans le roman le même sentiment d'humiliation qu'elles avaient connues.

Plus loin, il explique à un autre lecteur, sa manière de travailler en reportage. Il utilise un carnet de notes où sur la page de droite, il note tout ce qui est factuel, même les mensonges qu'on semble lui raconter, et sur la page de gauche, ses propres impressions. Des impressions qui peuvent devenir par la suite des romans.

L'auteur nous annonce que le plus beau compliment que l'on puisse lui faire, c'est de lui dire qu'on ne sait pas si on a VU ou LU son roman.

Lors de ses reportages journalistiques, Sorj prend à coeur d'accompagner les photographes.  A la différence de certains journalistes qui écrivent leur papier bien à l'abri dans leur hôtel, les photographes doivent aller sur le terrain pour ramener une image. Ils ne peuvent pas tricher et sont au plus près des faits.

il nous annonce d'ailleurs clairement sa position sur le journalisme d'aujourd'hui : "Je trouve que c'est un métier qui est salopé."

 

Sorj Chalandon terminera la rencontre en nous disant qu'il a l'impression que sa tournée de rencontres est "un tour d'adieu". Que "l'Irlande va redevenir ma sphère privée". Qu'il va enfin aller sur la tombe de Denis, lui dire les quelques mots qu'il n'a jamais su lui dire jusqu'à présent.

 

Vous l'aurez compris, ce fut une extraordinaire rencontre ! Sorj Chalandon est un auteur qui donne de sa personne. Il est sorti de cette rencontre épuisé d'avoir puisé dans ses émotions. Comme cela doit être difficile de toujours revenir sur les mêmes blessures devant des inconnus ! Et pourtant, cet homme se livre comme jamais avec pudeur et sensibilité. avec humour aussi. Il revient sur sa douleur, sur ses failles avec beaucoup de réserve. C'est un étonnant mélange de confession et de retenue qu'il est difficile de décrire. Ce fut aussi une rencontre où il livra de douloureux secrets familiaux avec une charge émotionnelle qui a dû prendre aux tripes toute l'assemblée présente. Des secrets que je ne vous rapporterais pas, car il a souhaité modestement qu'ils ne soient pas rendu publics, mais qui éclairent et donnent une autre dimension à son oeuvre. Sa facilité à les énoncer devant nous, pauvres lecteurs lambdas, qu'il ne connaît pas et en qui il ne peut avoir une totale confiance m'a complètement désarçonnée. Comment cet homme trahi peut-il continuer à avoir confiance dans les gens ? Je ne peux qu'être admirative devant cet homme généreux et blessé qui réussit à dépasser ses peurs et sa souffrance morale.

Un auteur que je commence à admirer pour ce qu'il écrit mais donc aussi pour ce qu'il est humainement, pour sa façon d'être au monde. Personnellement, je ne peux que vous en souhaiter tout autant si vous avez la chance d'aller à la rencontre de cet homme...

 

 

 


Titre : Mon traître

Auteur : Sorj Chalandon

Editeur : Grasset

Parution : Janvier 2008

  275 pages 

Prix : 17,90€


Editeur : Livre de poche

Parution : Août 2009

  216 pages 

Prix : 6€

 



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6 septembre 2011 2 06 /09 /septembre /2011 07:00

banquises 011982. Aéroport de Roissy. Une famille accompagne la jeune Sarah, 22 ans, pour son départ vers Uummannaq, au Groenland. La tension est palpable.La mère se retient de pleurer et d'être trop pressante. Le père rassure et Lisa, sa soeur plus jeune de 7 ans, ne dit mot.

C'est qu'après la mort de sa meilleure amie, Sarah avait abandonné tout velléité de voyage, elle qui parcourait inlassablement le monde. Sarah doit revenir quelques mois plus tard retrouver sa famille pour l'été. Pourtant, sa famille ne l'a reverra jamais, Sarah n'est pas dans l'avion de retour et on ne retrouve aucune trace de la jeune fille.

Commence alors pour ses parents et sa soeur Lisa, un travail de deuil impossible et le récit de 27 années ravagées par l'absence et l'ignorance. 27 ans nécessaire à Lisa pour suivre les traces de sa soeur et partir à son tour sur la banquise.

 

Je n'avais jamais lu Valentine Goby mais je peux dire tout haut que ce roman est un véritable coup de coeur !

Avec Banquises, l'auteur plonge véritablement dans les entrailles de la souffrance et de l'ignorance de la disparition d'un enfant ou d'une soeur. Le texte alterne les époques : tantôt nous découvrons les conséquences immédiates du non-retour de Sarah, tantôt nous sommes projetés dans le présent de Sarah, désormais femme et mère. S'intercale des passages familiaux au fil de ces 27 années.

Valentine Goby laisse la parole principalement à Lisa, la soeur, tout en ménageant des intermèdes où nous partageons le vécu de la mère ou du père.

L'écriture m'a quelque peu déstabilisée au début. Valentine Goby bouleverse la construction des phrases, met des virgules à la place de point, inverse l'ordre des sujets et de compléments.

 

" Respirer côte à côte. Ça suffit. Sans chercher à remplir, à combler, le silence est une masse pas un vide. "

 

Et pourtant, on se laisse peu à peu emporter dans le rythme du récit dont l'alternance de narrateur et d'époque évite l'ennui et provoque l'attente chez le lecteur.


Alors de quoi parle Banquises, me dirait vous ?

Banquises est un récit magnifique sur l'absence, sur la douleur de la perte quant celle-ci n'est pas totalement avérée, sur le deuil impossible.

Nous allons suivre la famille de Sarah dans son difficile parcours : l'attente infinie à l'aéroport à traquer tous les vols où Sarah pourrait descendre, l'attente interminable du coup de fil de Sarah, l'obligation d'être présent à la maison afin de ne pas rater sa venue ou son appel, les démarches auprès des autorités réticentes (elle est majeur et fait ce qu'elle veut...) pour retrouver des traces de Sarah, les affiches distribuées pour trouver un témoin, l'impossibilité pour le couple de se donner encore du temps pour l'amour, etc....

 

" Elle dort, anesthésiée, jusqu'à ce qu'une main tambourine à sa porte. [...] De l'autre côté de la porte, la mère et le père prêts à partir, sac à main, clés de voiture. Lisa jette un oeil à la pendule, 7 heures trente, vous allez où ? A l'aéroport. Passer des annonces sonores, attendre dans les halls d'arrivée, faire la queue au comptoir Scandinavian Airlines, harceler les hôtesses, les douaniers, la police si Sarah ne se montre pas. Qu'elle reste à l'appartement, elle, surtout ne pas sortir il faut quelqu'un près du téléphone, qu'elle commande une pizza si elle a faim mais vite, pas de conversation prolongée, laisser la ligne disponible, à tout à l'heure."

 

Sarah la disparue, Sarah l'absente, Sarah qui va obligatoirement revenir... Une Sarah qui monopolise toute l'attention, toute la vie. Une Sarah qui éclipse une Lisa....

Car si la quête désespérée des parents est totalement poignante et bouleversante par son désespoir devant lequel personne ne peut rester indifférent, l'histoire de la vie de Lisa est tout aussi prenante. Lisa, jeune soeur de Sarah, devient totalement transparente pour ses parents et sa vie semble presque contestée par rapport à celle de la disparue. Comment vivre et continuer à exister ? Comment se construire sur l'absence d'une autre ? Comment surmonter sa propre douleur tout en portant celle de ses parents ?

 

"Lisa sait leur chagrin, et putain elle l’éprouve. Les hait de le lui imposer, en plus de celui qu’elle porte."

 

Lisa construit sa vie malgré tout. Elle est mariée, a 2 enfants mais la soeur manque toujours.

 

"Vingt-sept ans d’absence. Vingt-sept anniversaires qui ont pris le dessus, année après année, sur le jour de naissance : ils n’ont plus compté l’âge écoulé de Sarah mais mesuré l’attente. Vingt-sept ans, donc. Depuis longtemps Lisa déserte le rituel du 11 juillet, le repas maigre chez ses parents avec lumignon sous la photo de sa sœur. Désertion, c’est exactement ça, jeune femme elle a pensé je sèche, maintenant elle ne craint pas les mots et, en effet, elle quitte le front, elle ne lutte plus que dans le cercle étroit de sa propre famille, nucléaire, et tout de suite ça la protège du reste du monde. "

 

Peu à peu, le désir d'aller sur les traces de sa soeur, de parcourir les derniers lieux où elle serait allée pour voir ce qu'elle aurait vu, se fait jour. 27 ans plus tard, c'est donc à Lisa de partir pour le Groenland.  Son voyage se fait initiatique. Elle découvre une terre, ses habitants, une autre façon de vivre. Un lieu où la disparition a aussi force de loi. Car le Groenland voit ses terres disparaître. La banquise rétrécit, suite au réchauffement climatique, la population s'amenuise et les chiens de traîneau en surpopulation, sont abattus par nécessité. 

 

Valentine Goby nous parle ici d'une monde qui s'efface, qui nous efface peu à peu de sa surface. Banquises est un sublime roman désenchanté. Bref, Banquises est un concentré de finesse et d'émotion qui bouleversera son lecteur par la force de son écriture et son récit !

 

Un des livres de la rentrée à ne pas rater, à mon avis !!

Et je suis d'autant plus étonnée qu'il n'ait pas encore touché la blogosphère....

 

 

 

Extrait :

 

" La mère n’a jamais changé de coiffure, ses cheveux tombent sur ses épaules, mais elle a fait une couleur hier, à cause des cheveux blancs. Un brushing ? Elle répond non, elle n’a jamais eu de brushing. Il pourrait parler à sa place, le père, il pourrait dire les mots qui cognent dans la tête de cette femme, il sent les vibrations de ses terminaisons nerveuses, devine le rythme de son cœur, il fait le compte, quarante-deux ans qu’ils se connaissent, il pense se connaissent plutôt que s’aiment non par manque d’amour, non parce qu’il doute, mais parce que à ce point de la vie ce n’est plus la question, l’amour, il est en elle, elle est en lui, distincts et soudés, bouturés, et ce qu’ils forment pourrait s’appeler chimère, du nom de ces organismes greffés l’un à l’autre, poire et coing, orange et mandarine, qui donnent un même plant mais conservent chacun leur patrimoine génétique. Mêmes, et différents."

 

Liens :

Interview de l'auteur

Les 30 premières pages à lire ici

 

 


Titre : Banquises

  Auteur : Valentine Goby

Editeur : Albin Michel

Parution : Août 2011

  246 pages 

Prix : 18€


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chronique de la rentree litteraire

 

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12 juillet 2011 2 12 /07 /juillet /2011 07:00

refrain-sur-les-murs-01.jpgIsabelle est une quadragénaire divorcée qui vit avec ses 2 enfants, Romane et Adrien. C'est une femme fermée, rigide qui n'arrive pas à s'ouvrir aux autres et à exprimer ses sentiments, même envers ses proches. Ce qui a certainement causé la séparation avec son mari. Aujourd'hui, Isabelle se contente de sa vie étriquée et bien réglée. C'est l'été et les enfants partent en vacances chez leur père. Isabelle doit aller passer les siennes en compagnie de sa mère. Elle prépare ses bagages quand un coup de fil vient tout bouleverser : sa mère a retrouvé un vieil ami (amant ?) et préfère partir en sa compagnie. Pour Isabelle, c'est le choc. La voilà, face à elle-même, bien obligée de s'occuper seule. Voilà bien une chose dont Isabelle n'a pas l'habitude et nous la votons errer dans la ville , s'occupant comme elle peut.

Sur sa route, elle croise à plusieurs reprises un jeune musicien qui essaie de gagner quelques sous sur le trottoir. Le vagabond cherche un toit et lui propose d'effectuer quelques travaux en échange du logement. Isabelle finit par accepter, un peu malgré elle, un peu aussi parce que ce So what, comme il se surnomme, est un des rares à la regarder malgré ses efforts pour être invisible aux yeux de tous. Le garçon s'installe chez Isabelle pour refaire la chambre de sa fille et va entraîner cette dernière dans son sillage de vie, apprivoisant à sa manière cette femme si coincée, si réfléchie. Il va lui apprendre le rêve et l'imaginaire et bouleverser sa vie à jamais.

 

Un refrain sur les murs est une perle de roman et j'ai eu un vrai coup de coeur pour cette histoire !

Le récit est construit sur 2 narrations : celle d'Isabelle qui nous raconte ce fameux été 1987 et celle de sa fille Romane qui, en 2010, revient sur les traces de sa mère.

Romane sort d'un terrible accident. Brûlée au visage et à moitié défigurée, elle revient dans l'appartement de sa mère décédée. Ses souvenirs sont amers : Isabelle représente tout ce qu'elle a détestée. Romane est une fille libre, oublieuse des conventions, qui vit de manière passionnée sa vie. La froideur, l'extrême réserve et les habitudes immuables de sa mère l'ont toujous profondément agacée et Romane s'est construit en totale opposition à elle. L'appartement cristallise sa colère et Romane se met à arracher le papier peint, posé autrefois...

 

" Envie de hurler ! Putain ! Cette chambre, ça suffit. Mon enfance en mausolée. La peinture écaillée,  les petits anges ! Ils ont vu ma gueule, les petits anges ? (…)Je vais leur faire la peau. L’heure est venue. Plus personne pour m’en empêcher. Plus de maman maniaque dans le secteur qui retiendrait ma main d’agressive, d’enfant à problème, de gueule qui l’ouvre, de ventre qui vrombit (…)"

 

... pour mieux y découvrir une petite signature : "So What 87". Les questionnements viennent, son frère Adrien lui donne quelques explications et Romane découvre que sa mère avait peut-être une face cachée.

 

C'est une histoire bouleversante qui m'a terriblement émue. On y découvre 2 femmes qui n'ont jamais su communiquer entre elles, qui sont noyées dans leur solitude et peinent à en sortir. On y perçoit la relation inexistante d'une mère et de sa fille qui cherche désespérement à la comprendre par delà la mort. On y suit la résurrection à la vie d'une femme qui s'était oubliée et enfoncé dans le silence, sa relation si touchante et quelque peu sensuelle avec So What, la façon dont elle s'ouvre à lui petit à petit. Et surtout on finit par comprendre que l'imagination vaut toutes les vies que l'on aurait pu avoir.

 

C'est écrit avec subtilité, pudeur et pourtant ça contient une grande force. On ne peut rester indifféremment devant ces personnages poignants qui nous ressemblent tant. C'est un roman qui va bien au-delà de son sujet de départ et dépasse nos attentes. J'ai aimé la petite musique de l'écriture qui m'a emporté dans ses filets. La fin est sublime et éclaire le roman d'un signification autre tout en laissant son lecteur dans une certaine incertitude.

"Un refrain sur les murs" est une vrai réussite et Murielle Magellan, une plume à découvrir absolument !

Lisez-le et puis c'est tout !

 

Extraits :

 

" Quelques larmes douces et désespérées. Larmes autonomes et solitaires. La solitude est insupportable quand elle vous est renvoyée à la figure par les autres, et, plus encore par les proches. Ce n'est pas une déception. C'est une humiliation. D'autant plus offensante qu'elle est prononcée avec de la culpabilité et de la compassion. Plus j'y pense, plus je pleure. "

 

" (...) j'étais la seule de la famille, je pense, à savoir le nombre exact de cigarettes que mon père consumait en notre présence. Un jour, je le lui ait dit. Il l'a pris pour un reproche alors que c'était une déclaration d'amour. J'ai conclu que se taire valait mieux que parler. "

 

" Depuis le début du mois et sa présence à mes côtés, mon regard sur la ville, ses murs, ses objets, ses paysages, a évolué ; comme si elle révélait enfin des secrets qu'elle avait toujuors dérobé à mes yeux. (...)Mon regard sur les êtres, également, s'est modifié. J'ai passé presque quarante de ma vie à tant lutter pour ne pas être vue, que je ne voyais  pas moi-même ceux qui m’entouraient. Ou alors, par « flash », comme si un éclair illuminait soudain tel ou tel aspect de leur personnalité, et disparaissait si vite, que ces fulgurances trop éparses ne pouvaient créer en moi un tout suffisamment homogène pour que cela devienne une pensée constructive, une « opinion », en quelque sorte. Non, cela restait comme des pieces d’un puzzle que j’étais impuissante à reconstituer, puisque je savais qu’il n’existait pas de modèle à suivre, et que je n’avais donc pas la certitude qu’un jour me serait donné la totalité des pieces."

 

" Toutes les vies permettent de défaillir si toutefois on sait les regarder à la bonne hauteur. Il y a dans chaque journée, dans chaque rencontre, des raisons de défaillir. Il faut juste en prendre la mesure. Le risque. Regarder la peau. Le souffle. L'impermanence de celui qui nous fait face. Alors oui, on est au bord de défaillir. "

 

D'autres avis :

Clara - Mango - In cold blog - Brize - Leiloona - Chiffonnette -     

 

 

Un refrain sur les murs

Murielle Magellan

Editions Julliard - Mars 2011 - 18€

 

Merci à Adeline et aux éditions Julliard !


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16 juin 2011 4 16 /06 /juin /2011 07:00

 

légende de nos peres 01

 

Auteur : Sorj Chalandon

Editeur : Grasset

Date de parution : Août 20

  256 pages

Prix : €

 

 

Je n'avais jamais lu Chalandon et grace à Emmyne, j'ai découvert un excellent auteur !

 

Marcel Frémaux est le fils d'un ancien résistant. Modeste et très pudique, ce dernier n'a jamais voulu parler de son passé à son fils. Il mourra sans lui avoir laissé la clé.

Devenu adulte, Marcel est devenu biographe. Non pas biographe de personnes célèbres, non. Biographe familial. Biographe des petites gens qui souhaitent léguer leurs histoires à leur famille, à leurs amis.

"Toute vie mérite d'être contée" argue-t'il dans ses publicités.

Un jour, c'est une certaine Lupuline Beuzaboc qui se présente à lui. Elle souhaite mettre par écrit les mémoires de son père et toutes les grandes histoires qu'il lui racontait au bord du lit.

Marcel se souvient : Beuzaboc et sa fille était présent à l'enterrement de son père. Beuzaboc était résistant lui aussi mais c'est également un homme blessé qui refuse tout hommage et qui est réticent à se lancer dans cette biographie. Lupuline réussit à le convaincre et Marcel commence alors ses entretiens avec le vieil homme.

Cherchant son père à travers le père de Lupuline, Marcel va aller à la recherche de la vérité. Mais la vérité correspond-t'elle toujours à ce qu'on souhaiterait ?

 

"La légende de nos pères" est un roman formidable. Ce n'est pas un roman trépidant, l'histoire s'installe lentement. On suit les entretiens du biographe et du résistant, les recherches de Marcel concernant des points de détails de l'histoire ou quelques incohérences. Néanmoins la puissance de ce roman grandit inéxorablement au fil des pages. L'ambiance s'alourdit et va conduire vers la terrible tension finale.


On pourrait penser qu'il s'agit d'une livre sur la 2ème guerre mondiale mais il n'en est rien.

Il s'agit surtout ici de la question de la mémoire. La mémoire des vivants et des morts. De la façon dont elle est transmise et des éléments que l'on transmet. Sommes-nous ce que nous sommes ou seulement ce que nous racontons de nous-même ? Où est la part de vérité et d'imagination, d'interprétation de notre passé et de notre vie ?

Marcel n'a pas su entendre son père avant qu'il meure et il s'aperçoit qu'il ne sait pas qui est réellement son père. Lupuline, au contraire, a grandi avec les récits héroiques que ce dernier lui contait avec enthousiasme pour ne pas la décevoir mais connait-elle mieux pour autant son père ?

 

L'auteur ne se pose pas ici en juge et se contente de montrer toute la difficulté de la transmission familiale. Nos propos ne sont-ils pas faussés d'une certaine manière par notre manque de recul, d'objectivité sur nous-même. Ne racontons-nous pas aussi ce que nos interlocuteurs aimeraient entendre ? Les choses que nous choisissons de raconter ont été au préalable passées au prisme de notre propre sélection naturelle. Mais dès lors, peut-on malgré tout nous accuser de mensonges ?

 Etre fidèle à quelqu'un peut signifie en trahir en autre alors où se trouve la juste position ?


Les mots justes peuvent être difficiles à trouver également, pour le personnage du biographe comme pour l'auteur lui-même. On découvre la difficulté de l'écriture, d'être au plus près de ce que l'on souhaite exprimer à travers nos mots.

 

J’avais la première phrase de la biographie. “Novembre. C’était novembre, et il pleuvait sur nous.” Non. Trop solennel. Il fallait dépouiller chaque mot. “C’était novembre, et il pleuvait.” Les élaguer encore. “Il pleuvait. C’était novembre.” Les tailler d’avantage. “Novembre, et il pleuvait.” Voilà. C’était ça. Je me suis arrêté à un angle de rue. J’ai sorti mon carnet noir à élastique et écrit cette phrase avant de la souligner. “Novembre, et il pleuvait.” "

 

Pourtant que dire de l'écriture de Chalandon : si juste et d'une belle sobriété qui n'empêche pas un style poétique à la force poignante.

 

Les extraits parlent d'eux-même :

 

" On fait son deuil. C'est effroyable, mais on le fait. Après avoir été au loin, au plus profond, creusé par l'absence et le silence, sans air, sans lumière, sans souffle, sans pensée, ans rêve, sans voix, après avoir perdu la faim, la foi, les nuits, après avoir tremblé à l'infini, après avoie eu froid de tous ces jours sans l'autre, après avoir traversé seul les fêtes maudites, les saisons détestables, après tant de matins pour rien, on défroisse le linceul qui nous couvrait aussi. On caresse l'étoffe, on la regarde encore, on la plie avec soin, on la range dans un coin de sa vie en attendant la suite. On fait son deuil, mais on ne revient pas d'un rendez-vous manqué. "

 

 

"Je suis sorti au crépuscule. Je marche parfois la nuit pour recueillir un mot. J'ai regardé le ciel au dessus de la grand place. Un ciel de juin avant l'orage. je me suis demandé si je pouvais écrire le ciel sans autre mot que ciel. Comment décrire cet état de lumière. Comment approcher l'évident, le simple, des feuilles qui frissonnent. Parce qu'écrire frissonner, c'est déjà s'éloigner de la feuille. Elles ne frissonnent pas les feuilles. Elles font tout autre chose que ce qu'en dit le vent. Elles ne bougent pas, ne remuent pas, ne palpitent pas. Elles feuillent, les feuilles. Elles font leur bruit, sans autre mot. Et le ciel, il nuage. je me suis dit, qu'un matin, au réveil, il me faudrait pour Beuzaboc quelque chose de Tescelin. Ne pas le dégrader par un prêt-à-écrire, mais prendre ses mesures et coudre un mot pour lui. "

 


" Je me demandais comment ces mots avaient pu survivre à ces hommes, continuer leur chemin de mots, revenir plus tard sous nos plumes, dans nos lettres, sur nos lèvres en paix. Je me demandais comment nous avions pu après eux encore écrire " adieux ", " amitié " ou " chagrin ". Je me demandais ce que seraient devenus nos mots sans les leurs. "

 

Il sera aussi question ici de choix, d'engagement, de notre culpabilité face à certains mais aussi de pardon et de renoncements. Pleins de choses très belles que je vous laisse de toute manièe découvrir.


 

"La légende de nos pères" est un très très beau roman qu'il serait dommage d'oublier.

 

 

 

D'autres avis :

L'avis d'Emmyne, amoureuse - Stemilou -

( Pas d'autres lecteurs ??! je ne peux pas le croire ! )


 

Quand elle vous dit qu'il faut lire Chalandon, écoutez-là.

Parce que moi aussi, je vous le dis !

 

 

Faites moi lire

Lu dans le cadre de mon opération Faites-moi lire !

Merci Emmyne !

 


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14 juin 2011 2 14 /06 /juin /2011 07:00

 

Touriste-01.jpg

 

Auteur : Julien Blanc-Gras

Editeur : Au diable Vauvert

Date de parution : Avril 2011

  260 pages

Prix : 17€

 

 

Fasciné dès son plus jeune âge par les cartes et les atlas, le narrateur (dont nous ne connaîtrons pas le nom), atteint de "pathologies géographiques" , décide très tôt de prendre la route pour l'Ailleurs. Il va devenir un Touriste.


  " Il faut se rendre à l'évidence. Je dois aller dans tous les pays du monde. Je ne trouverais pas le repos dans l'immobilité. (...) Certains veulent faire de leur vie une oeuvre d'art, je compte en faire un long voyage.

Je n'ai pas l'intention de me proclamerexplorateur. Je neveux ni conquérir les sommets vertigineux, ni braver les désert infernaux. Je ne suis pas si exigeant. Touriste, ça me suffit. "

 

Désormais, nous allons suivre le jeune homme dans ses escales toutes aussi dépaysantes les unes que les autres.

Débutant dans un port de pêche anglais où il n'y a strictement rien à faire excepté forniquer...


  " C'était un mini-monde en construction, dont les habitants disposaient de neuf mois pour accumuler le plus grand nombre de partenaires sexuels possibles avant de rentrer à la maison auréolés d'une éducation globalisée "

 

... se poursuivant en Colombie où le crime est une "valeur ajoutée du secteur touristique. "

...atterrissant en Inde et au Népal où il peut voir :


"Le sâdhus mendient, fument et portent des tuniques orange. D'un point de vue occidental, ça ressemble donc à un mélange de clodo, de rasta et de supporter hollandais."

 

Etc, etc... Tunisie, Maroc, Polynésie, Brésil, Chine, Guatemala, Proche-Orient, Madagascar, Mozambique,...

Les autres pays ne sont pas en reste !


 

Touriste-02.jpg

 

Loin d'être le touriste stéréotypé dont il s'annonce, le narrateur fait plutôt partie de ces voyageurs au long cours qui prend le temps d'observer les locaux et leurs coutumes ainsi que la horde de "touristes" qui colonise ces contrées. Son passeport est bien rempli, il n'hésite pas à se lancer dans des aventures improbables et à voyager à la "roots", tout en sachant apprécier de temps en temps le confort occidental.

Armé d'un humour noir et ironique sur ses contemporains, il dénonce les troupeaux de voyageurs qui, loin de vouloir découvrir de nouvelles cultures, s'attachent plus à retrouver leurs repères nationaux et à se contenter des sentiers balisés des prospectus.

 

On peut dire sans peine que l'auteur et son narrateur a l'art de la formule ! Les remarques sont fines, souvent pertinentes et on en redemande.

 

" Nous sommes neuf dans une Peugeot 504 break. Je suis coincé entre un vieux barbu taiseux et un Touareg enrhumé. J’ai un poulet sur les genoux et je suis assis sur le frein à main. J’aime voyager seul. C’est le meilleur moyen de ne pas le rester très longtemps."

 

"L'allemanenshort désigne un gros touriste âgé de plus de 40 ans et doté d'un bedon confortable sur lequel repose un caméscope. Il a un short, c'est entendu."

 

Touriste-03.jpgLe célèbre allemanenshort :)


 

Sous des dehors potaches et moqueurs, affleure malgré tout un instantané de chaque pays traversé où les travers locaux ou les problèmes politiques ne manqueront pas non plus d'être pointés du doigt.

 

" Ari est un jeune globalisé, il pourrait prétendre à l'universel mais il se sent condamné à être l'autre. Etre juif, il trouve çà épuisant : "çà ne veut rien dire pour moi. Je n'ai pas choisi de l'être. Je voudrais aller vivre ailleurs. Mais je sais que partout dans le monde, avec ma gueule et mon nom, il y aura toujours quelqu'un qui me verra avant tout comme un Juif. C'est presque une malédiction pour moi. "

 

"Je travaillais à l'usine pour pouvoir voyager. Ils avaient beaucoup, beaucoup voyager pour venir travailler à l'usine."

 

" La vérité, la sinistre vérité, c'est que ce crapaud érudit refuse de sacrifier une journée de recherche sur ses chers mollusques pour essayer de sauver la vie d'une quinzaine de pauvres nègres analphabètes.
Comprenez-le : il a un budget à tenir, des résultats à présenter à ses mécènes - parmi lesquels on trouve une multinationale connue pour ses profits exorbitants et ses marées noires dévastatrices. "

 

 

C'est donc à un périple "globalisé" que nous entraîne le sympathique narrateur de Touriste. Loin d'être une succession morne de visites, la traversée des divers pays se fait rythmée et loin d'être monotone. Chaque pays a ses particularités et son lot de réflexions faussement naïves.

Néanmoins, rédigeant mon billet 3 semaines après ma lecture, je m'aperçois que si le propos est assez jouissif à découvrir, la conclusion finale se dissout assez rapidement dans mon esprit, déjà porté vers les ailleurs évoqués, pressé de porter ma propre casquette touristique...


  " Vue d'ici, on se rend bien compte que l'humanité n'a rien d'indispensable au fonctionnement de cette planète. Nous sommes éphémères, la végétation est persistante. On peut brûler l'herbe qui pousse sous nos pieds, elle repousera toujours derrière nous. Nous sommes les touristes de luxe de l'évolution, les simples passagers d'une époque. Nous avons visité la Terre, nous l'avons magnifiée et dévastée, nous allons repartir. "

 


Touriste-04.JPGL'auteur

par pur plaisir personnel... ^^

 

 


D'autres avis :

Keisha - Aifelle - Yvon -Akialam -


 

Vous pouvez lire un extrait en PDF ici

 

 

Un grand merci à Babelio et au Diable Vauvert pour cette découverte !

 

 

 


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Humeur

Le 26 Août 2013 :
Le grenier de choco n'est plus...
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