Nous sommes à l'extrême sud du Chili, dans une zone à moitié désertique uniquement fréquentée par de rares géologues. C'est dans ce quasi isolement que grandit Paolo en compagnie de ses parents. Un jour, un homme survient. Et tue ses parents pour s'approprier le refuge et se cacher de la police. L'enfant est épargné et doit désormais partager son quotidien avec Angel, l'assassin. Le temps fait son oeuvre et finit par rapprocher les 2 hommes en silence.
Paolo est un garçon assez mutique qui parle peu. Son enfance ne semble pas totalement épanouie, ni remplie d'amour. L'arrivée d'Angel et la disparition de ses parents n'entament pas beaucoup son silence. Son émotion est assez peu palpable et donne presque une impression d'indifférence. Pourtant, peu à peu, au contact de l'assassin, Paolo reprend vie. Tout comme Angel qui s'humanise au contact du jeune garçon.
Puis c'est Luis, un étranger un peu vagabond qui va atterrir à leur cabane. Echappant au couteau d'Angel, il va partager leur vie. Bientôt la faim les oblige à retourner en ville, à Punta-Arenas. Où le passé ne manquera pas de rattraper Angel.
"Les larmes de l'assassin" est tout d'abord un roman d'Anne-Laure Bondoux. C'est Thierry Murat qui signe ici l'adaptation BD. Le dessinateur construit son récit à partir de Paolo qui est le narrateur de l'histoire. Tout en retenue et en silence, il est constitué de vastes planches découpées le plus souvent en 3 cases laissant ainsi la part belle au décor et aux personnages. Les dialogues sont rares et ne prennent pas place dans un phylactère. La narration, elle, prend place sous chaque vignette. Les couleurs se font ternes et assez neutres, majoritairement en ocre, accentuant ainsi l'effet désertique des paysages. Murat s'arrête longuement sur les paysages dont il rend avec brio l'âpreté et la difficulté qu'il y a à vivre dans cet environnement.
Mais finalement, l'album s'avère riche en émotion. La relation entre Paolo et l'assassin de ses parents évolue vers un attachement qui devient indispensable à chacun.
"Je ne t'abandonnerai jamais. J'imagine que je devais être la seule personne au monde à qui il pouvait dire des mots aussi improbables que "toujours" ou "jamais"."
Angel, malgré sa violence intrinsèque, atteste de gestes affectueux : il s'inquiète de sa disparition, lui ramène un bébé renard, ... Le jeune garçon découvre, de son côté, la conscience d'exister aux yeux de quelqu'un, tout assassin soit-il.
"- C'est quoi le jour de ta naissance, essaye de te souvenir...
- C'est le jour où tu es arrivé ici. Je ne me souviens de rien avant ce jour."
Car leurs rapports restent malgré tout ambigus. Paolo n'oublie pas qu'Angel est un tueur. Et c'est tout l'art de l'auteur de suggérer cette ambivalence.
Aussi n'attendez pas ici un album trépidant : il s'agit d'un récit contemplatif où tout se tient dans l'ambiance et les non-dits.
Les larmes de l'assassin est finalement un très bel album à la fois noir et poétique qui remuera le lecteur pour la charge émotionnelle qu'il contient et le portera par son dessin très évocateur.
A découvrir absolument !
D'autres avis :
Noukette - Théoma - Kactuss - Yvan - Chiffonnette - Véro - sont tous sous le charme.
Joelle qui n'a pas été touchée.
Titre : Les larmes de l'assassin
Dessinateur / Scénariste : Thierry MUrat
Editeur : Futuropolis
Parution : Février 2011
128 pages
Prix : 18€