18 octobre 2009
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Nous sommes début XXème. Les époux Kampf sont de nouveaux riches qui cherchent à mettre en valeur leur nouvelle opulence. Ils décident d'organiser un bal qui assoiera leur nouveau statut. Antoinette, leur fille de 14 ans, rêve bien sûr d' y assister mais sans compter le refus et la rigidité de sa mère qui lui refuse tout signe d'affection et lui dénie toutes projections dans sa vie de future adulte. Il en résultera un acte malveillant de la part d'Antoinette, fait dans l'innocence et la méchanceté de l'enfance, qui amènera un joli drame dans la famille.
"Le bal", écrit en 1930, est un court récit sur l'adolescence tourmentée, les relations mère-fille mais aussi une critique sociale acerbe sur les nouveaux riches et leur ambition.
Le couple pathétique de parvenus cherche tant bien que mal à intégrer l'aristocratie et espère lui en mettre plein la vue en organisant un bal dantesque, paré des meilleurs mets et visité par tout le gratin mondain de l'époque. L'auteur n'hésite pas à tourner en dérision ce couple, plus préoccupé à se faire une place dans le monde qu'à aimer leur fille unique.
"Dis donc, tu vois d'ici la tête de la tante Loridon qui s'est brouillé avec moi parce que j'avais épousé un Juif, et de Julie Lacombe et de l'oncle Martial, tous ceux dans la famille qui prenaient avec nus un petit ton protecteur parce qu'ils étaient plus riches que nous, tu te rappelles? Enfin, c'est bien simple, si on n'invite pas Isabelle, si je ne sais pas que le lendemain ils crèveront tous de jalousie, j'aime autant ne pas donner de bal du tout !"
Fille unique, justement, plus encombrante qu'autre chose... Refusant le bal à sa fille et la reléguant dans une lingerie pour laisser place au bal et à ses festivités, Mme Kampf l'estime comme une quantité négligeable, juste bonne à être sage et à faire ses devoirs. Les face à face entre la mère et sa fille sont violents et dénués de toute affection.
" Mme Kampf éclata subitement :
- Ca, par exemple, ça, c'est magnifique, cria-t-elle d'une voix enrouée de colère : cette gamine, cette morveuse, venir au bal, voyez-vous ça !... Attends un peu, je te ferai passer toutes ces idées de grandeur, ma fille... Ah ! Tu crois que tu entreras 'dans le monde' l'année prochaine ? Qu'est-ce qui t'a mis ces idées-là dans la tête ? Apprends, ma petite, que je commence seulement à vivre, moi, tu entends, moi, et que je n'ai pas l'intention de m'embarrasser de sitôt d'une fille à marier... Je ne sais pas ce qui me retient de t'allonger les oreilles pour te changer les idées, continua-t-elle sur le même ton, en faisant un mouvement vers Antoinette. "
On pénètre dans l'incompréhension de l'adolescence, ses tourments à travers les pensées d'Antoinette qui, cherchant à suivre les traces de sa mère, s'en voit finalement refuser l'accès. Quelle ironie !
"Un bal... Mon dieu, mon dieu, ce serait possible qu'il y eût là, à deux pas d'elle, cette chose splendide qu'elle se représentait vaguement comme un mélange confus de folle musique, de parfums enivrants, de toilettes éclatantes...de paroles amoureuses chuchotées dans un boudoir écarté, obscur et frais comme une alcôve...et qu'elle fût couchée ce soir-là, comme tous les soirs, à neuf heures comme un bébé... Peut-être des hommes qui savaient que les Kampf avaient une fille demanderaient-ils où elle était ; et sa mère répondrait avec son petit rire détestable : "Oh, mais elle dort depuis longtemps, voyons..." Et pourtant qu'est-ce que ça pouvait lui faire qu'Antoinette, elle aussi, eût sa part de bonheur sur cette terre ?... Oh ! mon Dieu, danser une fois, une seule fois, avec une jolie robe, comme une vraie jeune fille, serrée dans des bras d'homme... Elle répéta avec une sorte de hardiesse désespérée en fermant les yeux, comme si elle appuyait sur sa poitrine un revolver chargé :
- Seulement un petit quart d'heure, dis, maman ?"
La vengeance non-préméditée de cette dernière (que je vous laisse découvrir !) provoquera un véritable séisme chez la mère, qui n'aura d'autre consolation que de se réfugier auprès de sa fille.
Une conclusion on ne peut plus cynique sur l'honnêteté des sentiments maternels !
Un petit roman très fort et très cruel à ne pas rater !
Note : *****
Editions Grasset - 6,90€
Editions Hachette, Bibliocollège - 3,50€
Objectif PAL : # 3