Nous sommes en 1962 dans une communauté inuit. La chasse à la baleine est une activité quotidienne qui permet aux hommes de se nourir. Un jour, alors qu'ils découpent leur proie, ils decouvrent dans ses entrailles un escarpin blanc. Quand un des esquimaux fait le lien avec un poster de Marilyn Monroe qu'il possède, la conclusion est que cette chaussure lui appartient. Tous savent qu'il est impossible de marcher avec une seule chaussure : il lui faut donc lui ramener. Sakaeunnguaq part donc pour la mission improbable d'aller à Hollywood, retrouver la star... pour le meilleur et surtout pour le pire.
Notre héros entame donc son périple et va aller à la rencontre d'une civilisation qu'il ignore, sans en parler la langue. Il croise sur son chemin de curieux individus un peu en marge qui ne lui feront pas forcément de cadeaux. Deux crapules sous couvert de sympathie le traitent avec mépris et espère l'utiliser d'une quelconque manière. Plus loin, c'est une jeune femme en colère aux visées écologistes qui le prend sur son baleinier qui l'obligera à plonger à la mer. Notre esquimau va de Charybde en Scylla et va se retrouver bien malgré lui dans l'enfer des bas-fonds américains, tout ça à cause d'une chaussure.
Monroe se révèle un très bel album mais beaucoup plus sombre que ce à quoi je m'attendais. Ce qui parait une petite aventure loufoque au départ se termine dans la noirceur et la perte des illusions. L'inuit est touchant de naïveté et on s'émeut de la manière dont il est maltraité par ses contemporains. Les 2 cultures contrastent fortement et les auteurs accentuent les différences. Les inuits parlent peu et laissent la part belle au silence alors que les autres sont inutilement bavards. Les américains sont désabusés et porte un regard pessimiste sur la vie alors que le héros s'accroche à sa chaussure comme à une planche de salut.
La fin quelque peu ouverte m'a totalement prise au dépourvu par sa dureté abrupte. Symbole de tout son peuple, le héros termine écrasé par cette civilisation qu'il ne comprend pas tout comme sa propre culture est appelée à disparaitre dans un futur proche.
On retrouve ici le traitement graphique de Tirabosco avec bonheur et son travail aux pastels. Le trait est gras, arrondi et on aperçoit joliment la trame du papier. Les teintes sont plutôt sourdes (beaucoup de marron) accentuant la noirceur du sujet.
Tirabosco et Wazem signe ici une fable désenchantée sur la fin de l'innocence d'un homme et d'un peuple tout entier, contaminé par le rêve américain et bientôt par la cruauté et l'égoisme d'une civilisation.
Voilà un album bien plus profond qu'il n'en a l'air que j'ai beaucoup aimé ! A votre tour maintenant !
Monroe
Scénariste : Pierre Wazem
Dessinateur : Tom Tirabosco
Editions Casterman, Un monde
Juin 2005 - 48 pages - 14,95€
Challenge PAL sèches chez Mo'