Abélard est un jeune poussin qui vit dans les marais. Il passe la journée en compagnie de ses amis, à taper le carton ou à pêcher. Une vie tranquille et sans grande surprise où on boit des bières et on joue au banjo avec insouciance, une douceur de vivre qui malgré tout ne contente pas totalement notre héros. C'est que Abélard n'a jamais quitté son marais. L'ailleurs l'intrigue et l'arrivée pour le week-end d'une bande de jeunes accompagnée de la belle Epilie le pousse à expérimenter de nouvelles choses. Fasciné par la jeune femme, il tente une approche avec une simple fleur. C'est un échec. Un des amis d'Epilie se moque alors de lui lui précisant qu'il faudrait la lune ou un bouquet d'étoiles pour la séduire. Le groupe repart et laisse un Abélard le coeur brisé. Naïf, le petit poussin essaie en vain de décrocher la lune, muni d'un filet à papillon. Mais quand il apprend que des américains viennent d'inventer une machine pour voler dans le ciel, Abélard prend sa décision : Il prend
la route...
Voilà un petit conte initiatique qui va mener notre Abélard du simple marais au vaste monde. Il va croiser sur sa route une foule de gens différents et c'est avec un regard totalement innocent qu'il va découvrir autrui. Sa route croise celle d'un cirque gitan qui va l'adopter et faire un bout de chemin en sa compagnie mais qui s'éloignera plus tard pour cause de mauvais accueil de la population. Plus loin, ce sont 2 mauvais compères qui lui reprochent d'avoir trainé avec les manouches. Le lecteur assistera d'ailleurs à une explication de haut vol sur ce qu'est la "race". Sans préjugé et avec une naïveté désarmante, Abélard observe ses pairs sans les juger et ses questions sont digne d'un enfant.
"C'est quoi la race ?" "C'est quoi une pute ?"
Ce road-movie prend la forme d'une quête initiatique qui conduit le héros vers une destinée, qu'on ignore encore.
Malgré la dureté de ce monde qu'il découvre, l'innocence d'Abélard amène une belle couleur poétique à cette histoire. La musique continue de faire partie de sa vie et Abélard continue de trouver chaque jour dans son chapeau un petit papier (qui arrive on ne sait comment) donnant chaque fois une petite maxime appropriée aux faits du moment qui l'aide à avancer.
Quand Abélard hésite à aller se déclarer à Epilie, il trouve :
"Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles. "
Après l'attaque des roulottes des gitans :
" La tolérance est la charité de l'intelligence. "
L'album en lui-même est de toute beauté. La couverture est magnifique et le papier épais est très agréable à toucher. Le magnifique dessin de Dillies rend grace à cette aventure poétique. On retrouve ses personnages animaliers et la présence régulière de la musique que l'on a découvert dans ses précédents albums. Les couleurs, en écho à l'histoire, s'avèrent très douces avec un petit côté sépia nostalgique. Le découpage est varié, on y trouve parfois quelques vignettes rondes et une très belle double page montrant le parcours sous forme de plan d'Abélard.
Cet album se révèle être une histoire très fine, très touchante et au-delà d'un récit d'initiation pour le petit Abélard, une véritable ode à la tolérance et à la diversité.
Pour moi, cet album est une vrai réussite et un gros coup de coeur !!
Découvez-le sans attendre !
Surtout que le tome 2 sort le 2 Septembre...
D'autres avis :
A découvrir, de Dillies :
Le jardin d'hiver ( au scénario)
Abélard, tome 1
Scénariste : Régis Hautière
Dessinateur : Renaud Dillies
Editions Dargaud
Juin 2011 - 64 pages - 13,95€
Chez Mango
Un grand merci à Babelio et Masse critique pour cette formidable découverte !