J'aime autant vous le dire tout de suite : c'est un véritable chef d'oeuvre !!!
Si vous ne devez lire qu'une BD cette année, ça doit être celle-là !
Polza Mancini est en garde à vue. Il est gros, très gros. Une femme, Carole, est à l'hopital. Il semblerait que Polza soit le responsable. Les 2 flics sont chargés de le cuisiner et de faire éclater la vérité. Alcoolique, sujet à des hallucinations et interné plusieurs fois en asile psychiatrique, Polza n'est pas pris au sérieux. Pourtant il raconte. Il raconte sa vie dès l'enfance et son parcours jonché d'obstacles.
"Si vous voulez comprendre... il faut que vous passiez par où je suis passé."
Il raconte son enfance auprès d'un père seul et mutique. Sa mort qui déclencha tout. Sa volonté de tout quitter, femme et maison, pour devenir clochard volontaire. Le dégoût de son gros corps. La boisson dans lequel il se noie. Le "blast" qui sera une vraie révélation. Et son désir grandissant de retrouver cet état en buvant toujours plus. Le blast est une hallucination, un choc mental où il oublie son propre corps et se sent léger et lourd à la fois. Il se voit sur l'île de Paques face aux statues gigantesques.
Il raconte sa rencontre avec un groupe de sans-abris, cachés dans une forêt. Leur rejet de la société qui les a exclus mais aussi leur tentative d'enfermement dans une autre société recréée. Sa relation muette avec un serbe qui ne parle pas le français.
Polza nous livre un portrait sans concession de sa vie pitoyable. Sa lacheté devant la mort de son père, l'abandon de sa femme sans mots ni remords, il n'épargne aucun détail qui puisse le rabaisser.
Et pourtant on s'attache à ce gros bonhomme... On sait qu'il a une part d'ombre, qu'une femme a subi des violences mais on ne peut être indifférent à son parcours très humain en somme. Alors que les policiers le considèrent comme fou, on se rend compte que Polza est très lucide mais bourré de blessures et de non-dits, comme tout un chacun. On découvrira pourtant qu'il ne nous dit pas tout. Dans ce tome, vous ne saurez rien sur Carole, sur ce qui lui est arrivé. Son temps viendra plus tard.
La narration du récit est excellente, alternant flash-back et garde à vue policière, lenteur et rapidité et fait montre d'une grande maitrise. On y trouve des illustrations pleine page absolument superbes ! L'univers en lavis clair obscur, ponctué de très très rares touches de couleurs accentuent le côté sombre de l'album.
Ne cherchez pas le trait que vous avez connu dans Le retour à la terre ou Le combat ordinaire, vous seriez déçu. Larcenet est plus proche ici de ses travaux édités chez Les Rêveurs.
Larcenet avoue avoir mis toutes ses peurs et ses obsessions dans cette oeuvre.
Lisez l'interview supra intéressante de l'auteur par Bodoï pour mieux comprendre sa génèse.
Les premières planches sont à lire ici !
Cet album prend véritablement aux tripes et fut pour moi une énorme claque !
Note : **********
C'est la BD de l'année (et peut-être plus encore...) : Ne la ratez surtout pas !!
Prix des libraires 2010