Les "Contes de pluie et de lune" est un des classiques de la littérature japonaise. Ce recueil de nouvelles est paru en 1776 environ sous le titre "Ugetsu Monogatari" et contient 9 histoires tournant autour du fantastique et des fantômes.
Shiramine :
Le moine Sagyo, dans son cheminement, décide de s'arrêter au mausolée de l'empereur retiré Sutoku, au lieu-dit de Shiramine. Le spectre de ce dernier lui apparait et les 2 hommes y discourt politique et philosophie.
Le rendez-vous aux chrysanthèmes :
Hasabe Samon , un jeune lettré, découvre un guerrier fort malade. Alors qu'il lui prodigue des soins, une amitié forte nait entre les 2 hommes. Le guerrier reprend la route et promet à son ami de revenir pour la fête des chrysanthèmes. Prisonnier d'un seigneur, l'homme revient vers son ami sous forme d'esprit.
La maison des roseaux :
Katsushirô est un homme de condition modeste aux grandes ambitions. Afin de retrouver la prospérité de sa famille autrefois, il décide d'accompagner un marchand d'étoffe à la capitale pour faire fortune. Laissant sa femme Miyagi au village, Katsushirô restera finalement de longues années. De plus, la guerre entre les seigneurs fait rage et le désordre gagne le pays. Dépouillé de ses richesses, 7 ans plus tard, il reprend le chemin de son village d'origine et découvre sa femme qui l'attendait toujours à la maison. Au matin, pourtant, que tout n'était qu'illusion...
Carpes telles qu'en songe... :
Le moine Kogi est également peintre. Spécialiste des animaux et de la nature, il aime à représenter les carpes. Depuis qu'un jour, une sorte de songe lui ai fait partager la vie de ces poissons, le moine s'émeut désormais de la sort, destiné à être découpé et mangé.
Buppôsô :
Un vieil homme et son fils errent dans les montagnes et s'arrêtent au Mont Koya. Ne trouvant pas d'abri pour la nuit, ils sont contraint de coucher dehors. Au cours de la nuit, leur apparait le prince Hidetsugu Toyotomi et toute sa cour qui leur demande bientôt de réciter quelques poèmes.
Le chaudron de kibitsu :
Shôtarô est un homme marié qui s'est quelque peu lassé de sa femme Isora. Prenant une maîtresse, il abandonne son épouse qui se laissera alors mourir de faim. Revenant sous forme de fantôme, cette dernière est bien décidée à se venger.
L'impure passion d'un serpent :
Toyoo est le 3ème fils d'un pêcheur. N'ayant aucune aptitude pratique, il s'est plutôt dirigé vers les lettres. Un jour de pluie, il s'abrite dans une cabane de pêcheur. Peu après, une belle dame très distinguée vient également s'y réfugier. Subjugué par le charme de Manago, il n'hésite pas à lui prêter son parapluie. Quand celui-ci vient à son domicile, récupérer l'objet, il ignore qu'il vient de tomber sous la séduction d'un serpent transformé en femme dont il va être difficile de se défaire de sa magie.
Le capuchon bleu :
Un moine itinérant atteint le villge de Toda. L'ayant pris pour le démon de la montagne, son hôte lui conte l'histoire d'un saint homme devenu fou qui hante désormais la région. S'enfonçant dans la montagne, le moine décide d'aller à sa rencontre.
Controverse sur la misère et la fortune :
Un homme fortuné et quelque peu avare est réveillé en plein nuit par une voix. C'est l'esprit de l'or qui s'adresse à lui. Débute alors entre 2 une grande discussion philosophique sur le pouvoir de l'argent.
Vous l'aurez donc noté : ces 9 contes s'attachent chacun à présenter une apparition ou un fait surnaturel. Le titre du recueil vient du fait que ces apparitions étaient favorisées par un ciel pluvieux à la tombée de la nuit.
Le terme de Monogatari renvoit à tout type de récit n'étant pas de la poésie pure. A cheval entre nos romans et nos contes d'aujourd'hui, c'était un genre littéraire très prisé vers le 13ème siècle. On peut citer d'autres Monogatari célèbres : Le dit du Genji, Le dit des Heike.
A l'époque de UEDA, le genre est plutôt tombé en désuétude. Pourtant l'auteur fait preuve d'une grand innovation et lance un nouveau genre : le Yomihon, courts récits fantastiques. Reprenant de nombreuses légendes chinoises ou s'appuyant sur des contes japonais, l'auteur réécrit à sa manière des histoires connues de tous. Grand stylisticien, grand lettré, ses textes sont bourrés d'allusions littéraires et peuvent être considérés comme une anthologie de style dont il joue avec son lecteur. On peut y voir aussi une anthologie des différents types de revenants : femme vengeresse, animal maléfique, guerrier fidèle, ...
Chaque récit évoque donc la rencontre d'un homme avec un spectre dans une ambiance souvent crépusculaire. Mais au delà de l'aspect fantastique, UEDA fait intervenir également dans son récit des morceaux philosophiques et des refélexions de tout ordre sur la vie en général : débat sur le pouvoir, sur l'argent, sur l'éthique bouddhiste, ...
Il en ressort que ces textes sont malgré tout très datés et difficilement accessibles au profane. Heureusement une introduction et une cinquante de pages de notes du grand spécialiste René Sieffert viennent expliquer les récits de UEDA. Indispensables à la lecture, elles expliquent le contexte historique et les nombreuses références implicites que nous ne savons pas relever. Il est donc difficile pour un lecteur contemporain d' apprécier toute la finesse du style et de réécriture. Pour ma part, je dois avouer que je ne m'attendais pas du tout à ce que j'ai lu. Je pensais qu'il s'agissait de simples récits folkloriques, faisant intervenir fantômes et démons. Et je dois dire que l'aspect historique, politique, philosophique m'a un poil rebuté et ennuyé, n'ayant donc pas les clés pour tout comprendre malgré le riche appareil critique.
Certaines histoires sont plus passionnantes que d'autres, s'attardant plus des sentiments humains que sur une réflexion plus poussée. On y trouve de très belles pages descriptives de décor, de la nature.
"Conte de pluie et de lune" est pourtant un recueil de référence en littérature classique japonaise. Seuls les aficionados sauront apprécier cette plongée fantastique et historique dans des temps éloignés où l'apparition de spectres n'étonnait personne. Un ouvrage de qualité évidente mais qui ne se livre pas facilement et nécessite une mise en condition culturelle !
Il est à noter que le réalisateur japonais Kenji MIZOGUCHI a tourné une adaptation de cet ouvrage.
La dernière réédition de l'ouvrage dans la collection L'imaginaire de chez Gallimard propose par ailleurs en bonus le DVD du film, le tout pour 12,50€ ! ça vaut le coup :)
"Contes de pluie et de lune"
UEDA Akinari
1ère édition : 1956
Editions Gallimard, connaissance de l'orient - 1990 - 228 pages - 7,90€
Editions Gallimard, L'imaginaire (avec DVD) - Juin 2009 - 12,50€
Les Contes de la lune vague après la pluie :
Kenji Mizoguchi - 1953
Lion d'argent au festival de Venise en 1953
Adaptation du roman sus-nommé, le film reprend en fait 2 des histoires que le réalisateur a fondu en une : "La maison dans les roseaux" et "L'impure passion d'un serpent".
Genjuro est un potier qui vit misérablement avec sa femme et son fils.Obsédé par son art et l'argent qu'il va pouvoir lui rapporter, il se rend régulièrement à la ville avec Tobei, son beau-frère. Mais les temps sont troubles et des hordes de soldats hantent les environs, jusqu'au jour où ces derniers surviennent dans leur village faisant fuir la population. Heureusement la production de pots est sauve et les les 2 hommes retournent à la capitale vendre leur production, laissant femmes et enfant. Eblouis par leur désirs, leur absence sera longue... Genjuro se laisse séduire par une mystérieuse femme (le démon serpent) oubliant sa femme qui mourra au village sous les coups de soldats voraces, tandis que Tobei éblouit par l'héroisme des samourais cherche à tout prix à intégrer une armée. Son épouse abandonnée et violée finira prostituée.
Leur rêve de grandeur finira par s'écrouler et le retour à la réalité sera bien rude.
Mizoguchi a ici fortement bien adapté ce recueil tout en se limitant à 2 des histoires. On apprendra même dans les bonus que le réalisateur s'est également inspiré d'une nouvelle de Maupassant (laquelle ?). On retrouve tout la thématique fantômatique, si je puis dire, des contes. Les histoires, légèrement modifiées fusionnent parfaitement et donnent même un éclairage plus marquant que les textes. En effet, leur mise en image permet au spectateur d'investir le récit sans l'appareil historique qui alourdissait les récits de UEDA et cette adaptation s'avère très abordable pour les non-initiés. Le film est très esthétique, on y voit des références au théâtre No et la musique traditionnelle japonaise qui ponctue les scènes est très prégnante.
Dénonçant de manière plus marquée que UEDA, la course au profit et à l'argent, l'ambition et la gloire éphémère, Mizoguchi souligne la souffrance que les femmes ont à supporter à cause des hommes, veules et égoistes.
Bref, pour qui veut lire "l'Ugetsu Monogatori", le film Les contes de la lune vague après la pluie" est une bonne porte d'entrée !
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A suivre !