Auteur : Clara Arnaud
Editeur : Gaïa
Date de parution : Avril 2010
Prix : 20 Euros
243 pages
Je vous parlais il y a peu d'Elodie Bernard, une jeune femme qui pénétra illégalement au Tibet et en rapporta un chouette récit : Le vol du Paon mène à Lhassa.
La période étant riche en récits de voyageuses, j'ai poursuivi sur ma lancée avec celui de Clara Arnaud.
C'est à l'age de 21 ans que la jeune fille est partie en Chine pour réaliser son rêve : traverser l'ouest de la Chine en compagnie de chevaux. Fascinée par ce pays, elle a commencé à apprendre le mandarin dès l'age de 15 ans. Et c'est en 2008, qu'elle décide de sauter le pas.
Après quelques jours passés à l'université de Xian, elle se lance dans son périple et part dans le Xinjiang. Elle se procure un cheval de bat et s'enfonce en pays ouïghour. La population est chaleureuse et les invitations nombreuses. Mais bientôt la surveillance chinoise la rattrape et là voilà prié de partir...
Elle atteint alors en train les hauts plateaux tibétains et se met en quête une fois de plus de chevaux de bât qui pourront lui permettre de cheminer en tout indépendance. Eole et Zephyr seront ses compagnons de route et là voici seule avec elle-même pour aller au bout de son objectif.
Clara s'astreint à une marche harassante sur une terre désolée où l'herbe qui nourrit les animaux a du mal à pousser. Les villages sont plus difficiles d'accès et souvent situés à plus de 4000 mètres d'altitude. Car ce voyage est aussi en quelque sorte un exploit physique.
Pourtant peu importe la difficulté, Clara multipliera les rencontres, plus variées les unes que les autres.
Une étrangère passe rarement inaperçue, surtout lorsqu'elle est seule et accompagnée de 2 précieux chevaux. Chevaux, qui en demandant soins et nourritures, favorisent les contacts et permettent à Clara de se déplacer en tout indépendance.
Une jeune femme qui part seule, en Chine et au Tibet, à l'époque des jeux olympiques : impossible de ne pas faire la comparaison avec Elodie Bernard. Si cette dernière nous faisait amplement part de ses rencontres, du contexte politique, des implications de la répression chinoise dans le quotidien de ses habitants, Clara est pour sa part, beaucoup plus tournée vers les répercutions intérieures que ce voyage provoque en elle.
Partie pour aller à la rencontre de ce pays rêvé et fantasmé, Clara reconnaitra que pénétrer l'âme de son peuple lui est impossible.
Partie pour un chemin difficile, elle apprendra à reconnaitre ses faiblesses physiques et morales, à renoncer quand la route s'avère trop dangereuse ou à aller au delà de sa lassitude. Elle devra faire face à la solitude écrasante
" Aussitôt arrivées, je sens la solitude s'abattre sur moi. La Chine me replonge dans mes vieux démons : l'angoisse, la solitude, le sentiment de fragilité. J'ai beau craindre ces longs mois en tête avec moi-même, je sens qu'au bout la sérénité sera là. Je sens que derrière la panique se niche une paix profonde, celle de celui qui a su faire face à ses faiblesses. "
Si les problèmes politiques sont évoqués, le voyage de Clara est surtout intérieur. Elle n'hésitera pas à parler de ses déceptions, de ses attentes déçues, de rencontres magiques et inattendues. Elle réfléchira sur elle-même, ses peurs, la vie et la mort.
Je ne vous cacherais pas que j'ai préféré Le vol du Paon mène à Lhassa au récit de Clara. Très tournée vers son propre ressenti, son récit ne nous fait effectivement pas assez pénétrer dans le coeur des gens qu'elle rencontre et dont les échanges sont assez peu rapportés.
Son quotidien avec les chevaux est constamment sous-jaçent et elle parle assez peu finalement du rapport qu'elle a créé avec eux. En tant qu'amoureuse des chevaux, j'aurais aimé qu'ils soient plus présents.
Son style d'écriture est trop écrit, trop travaillé malgré de nombreux passages qui dénotent une véritable plume, digne des grands écrivains voyageurs.
Malgré ces quelques bémols, je vous encourage à découvrir ce récit de voyage très intéressant, surprenant de la part d'une jeune fille de cet age-là.
Extraits :
" Le désir de voyage naît de l'émotion brute que procure la contemplation des éléments : une ombre sur la route, une lumière à travers les branchages, un souffle de vent. Qu'est le voyage, sinon cet espace de liberté dans lequel un individu peut assouvir un temps donné sa réceptivité aux détails du monde, ceux qui perdent leur sens dans un quotidien soumis aux exigences de la rentabilité. "
" Avant de vous révéler ses secrets, la route vous encrasse, vous ôte du corps cette pellicule de propreté, dilue dans la saleté la contenance des quotidiens ordinaires. "
" Alors que le temps court, que les jours, les semaines et les mois se succèdent, que les paysages défilent, j'ai l'étrange sensation de ne pas avoir encore satisfait mes espérances. Le sentiment que le but profond de mon entreprise est souvent noyé sous des objectifs matériels, et bien moins fondamentaux. J'ai pris la route pour tenter d'approcher la vie d'une autre manière, voir le monde à hauteur d'homme, de ceux mêmes dont je dresse les portraits dans les petits cahiers de cuir noir qui m'accompagnent partout. Je ressens encore en moi, criants, les désirs, les passions, l'urgence à vivre et la précipitation dans l'action. Je ressens encore cette avidité face à la vie qui est mon moteur, mais sonnera aussi mon glas. Je sais de mieux en mieux définir cependant ce à quoi j'aspire. J'aspire à ce calme intérieur qui transpire dans chacun des gestes des gens heureux. (...) Oui je sais ce à quoi j'aspire, et je mesure le chemin à parcourir, plus difficile que celui que j'arpente de mes pas. "
Clara a tenu un blog pendant son voyage où vous pouvez trouver récit et photos :
http://lachinecheminfaisant.blogspot.com/
Vous trouverez également ici une interview écrite de l'auteur
et ci dessous une petite interview vidéo où Clara parle de son voyage.
J'ai eu la grande chance d'avoir pu rencontrer Clara Arnaud et Elodie Bernard à La Comédie du Livre.
Et c'est très étonnant de voir à quel point leurs écrits leur ressemble...
Mais ceci est une autre histoire dont je vous parlerais très prochainement !